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Billet de blog 1 décembre 2018

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LA MAÎTRISE DU DISCOURS : LE SOPHISME DANS LA VIE ORDINAIRE.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Qui ne s’est jamais retrouvé à court d’arguments devant une déclaration péremptoire assénée avec force et assurance pour balayer d’un revers de main ce que l’on avait voulu exprimer ? On sent que cette réponse, assez violente en général, est fallacieuse et de mauvaise foi, mais elle a une telle apparence de logique que l’on ne trouve pas les mots spontanément pour la contrer. On se sent démuni et injustement malmené. On est atteint émotionnellement et il est ensuite difficile de réagir calmement et posément.

Le monde politique, par exemple, en use et en abuse. Mardi 27 novembre, dans son discours, Emmanuel Macron a exprimé l’idée d’un paradoxe de la part de ceux qui réclament moins de taxes, mais demandent en même temps plus de services publics (1). Quand on prend cela de plein fouet, que peut-on répondre ? On sait que c’est injuste et faux, mais on ne sait pas comment réagir dans l’instant.

Cette affirmation présidentielle, prise pour l’exemple, est un sophisme. Elle a l’apparence de la logique pour marquer les esprits, mais elle est totalement erronée. Elle est facile à déconstruire en quelques mots.

Ceux qui réclament moins de taxes sont aussi ceux qui veulent plus de services publics, c’est exact. Il suffit d’introduire l’artifice d’un paradoxe entre ces deux demandes conjointes et le tour est joué ! Cela revient à dire : « Taisez-vous, vous êtes en plein paradoxe, vous demandez tout et son contraire. C’est impossible. »

Une brève analyse logique permet de comprendre que ceux qui paient le plus de taxes proportionnellement à leurs revenus sont ceux à qui l’on enlève le plus les services publics. Ils paient plus pour avoir moins. Ces demandes conjointes visent donc à rétablir l’équilibre entre contribution et services publics disponibles. C’est aussi simple que cela, c’est une question d'équité.

Dans notre vie de tous les jours, le sophisme a de beaux jours devant lui. Il n’est pas étonnant que l’on retrouve cette pratique dans le monde du travail et dans les discours politiques puisqu’elle est souvent utilisée comme méthode de fin de non‑recevoir.

Le sophisme est une arme déloyale. Il faut s’entraîner à déjouer ces tournures péremptoires et ces fausses logiques qui nous atteignent tous les jours. Il faut les identifier, les analyser et les déconstruire. Cela demande un peu de temps et d’entraînement, mais tout le monde peut reprendre le contrôle des mots en faisant appel à son bon sens.

(1) Termes exacts du discours d’Emmanuel Macron du 27 novembre 2018 : « Nous ne pouvons pas demander de manière indifférenciée, sur la même affiche et dans le même slogan : “Baissez les taxes et créez-nous plus de crèches, plus d’écoles, plus de droits, plus de services publics”. Elle est très sympathique, cette injonction paradoxale quand on n’a aucune responsabilité. Elle est inadmissible quand elle est soutenue par des gens qui ont des responsabilités. Mais elle finit, très sincèrement, mal. »

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