Hélène BAUBIER (avatar)

Hélène BAUBIER

Écrivain public

Abonné·e de Mediapart

3 Billets

0 Édition

Billet de blog 30 mai 2013

Hélène BAUBIER (avatar)

Hélène BAUBIER

Écrivain public

Abonné·e de Mediapart

Le gouvernement renonce à encadrer les salaires des gros patrons mais pas celui des petits entrepreneurs

Hélène BAUBIER (avatar)

Hélène BAUBIER

Écrivain public

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le gouvernement renonce à encadrer les salaires des patrons du privé ? C’est vrai si l’on ne tient compte que des grandes entreprises. Il est clair que ce même gouvernement entend encadrer les petits revenus des petits entrepreneurs.

Nouvel ami des grands patrons, le nouveau pouvoir socialiste se révèle l’ennemi déclaré des tout petits entrepreneurs.

Les auto-entrepreneurs sont environ un million actuellement en France, et j’en fais partie. Bien sûr, certains d’entre eux ne gagnent rien. Malgré tout, nous sommes quelques centaines de milliers à dégager un revenu et à en vivre, même si c’est modestement.

Le projet du gouvernement est tuer le statut de l’auto-entrepreneur, soit en le limitant dans le temps, soit en limitant les revenus de telle façon que seuls les très faibles revenus, inférieurs au SMIC (7000 ou 15000 euros bruts par an), puissent conserver ce statut.

Il y a un paradoxe à critiquer ce régime de l’auto-entrepreneuriat en disant qu’il n’est pas évolutif, c’est-à-dire que les auto-entrepreneurs ne se développent pas pour devenir des sociétés plus grandes, et en même temps à tout simplement tuer ce statut, ou à l’étouffer en limitant les revenus annuels ce qui l’empêcherait totalement de se développer, dans la mesure où un seuil si bas ne permettrait pas la moindre transformation.

C’est donc environ un million de personnes qui sont menacées et pour des raisons totalement inconnues, sans aucun motif. En effet, cette volonté de réformer le statut n’est absolument pas motivée, et vient totalement ignorer les recommandations du rapport de l’IGAS, commandé par ce gouvernement lui-même et rendu en avril 2013.

Ce rapport constate que le régime de l’auto-entrepreneur est un succès, que les critiques à son encontre sont infondées, et propose d’asseoir ce régime avec quelques aménagements – et notamment en ne le limitant pas dans la durée justement – et en renforçant sa place dans le monde économique. Le rapport conclut que cet acquis doit être préservé. La position gouvernementale est par conséquent incompréhensible et contre-productive.

(Le rapport de l’IGAS est disponible sur : www.igas.gouv.fr/IMG/pdf)

Je suis moi-même auto-entrepreneur depuis 2009 et j’exerce la profession d’écrivain public. Au-delà de l’auto-entrepreneur, c’est au nom de tous les écrivains publics que je me permets de prendre la plume aujourd’hui. C’est une profession qui est en train de se développer, de chercher ses marques, ou ses « marchés » pour utiliser un langage que les politiques comprendront. Bref, c’est une profession en devenir.

Nous, écrivains publics, sommes des entrepreneurs et réinventons un métier. En dehors de la création d’entreprise, l’écrivain public n’existe pas. En d’autres termes, le salariat de cette profession est si faible qu’il est quasi inexistant. Et pour cause, ce métier d’écrivain public, nous sommes en train de le réinventer ! Nous proposons à nos clients des prestations écrites extrêmement variées, toutes développées à partir de nos compétences à utiliser tous les langages et les rouages du monde actuel. Mais un métier ne se réinvente pas en un jour, ni en cent. Il nous faudra du temps.

C’est donc pour l’instant une profession qui rémunère peu, pour laquelle les plus motivés d’entre nous se démènent au quotidien avec à la clef quelques centaines d’euros de revenus, ou plus pour les plus chanceux.

Nous ne pourrons pas prospérer en tant qu’écrivains publics et auto-entrepreneurs si l’on nous étrangle ou si l’on nous tue. Il nous faut du temps. Limiter dans le temps le statut fera mettre la clef sous la porte à une grande partie de la profession, ce qui ne manquera pas de grossir le cercle des chômeurs. Si la limite se fait en diminuant le plafond de revenus de manière à le rendre intenable pour vivre, le résultat sera identique.

Et ceux qui ne deviendront pas chômeurs deviendront allocataires du RSA. Au lieu de payer des cotisations à l’Etat, c’est l’Etat qui devra nous prendre en charge. Ce calcul est totalement incompréhensible dans la période économiquement chahutée que nous vivons. Réformer le statut de l’auto-entrepreneur pour le limiter ou le détruire, c’est augmenter encore la précarité sociale, et transformer les entrepreneurs qui aujourd’hui gagnent leur vie modestement, en allocataires du Pôle Emploi ou du RSA.

Nous ne souhaitons pas devenir des multinationales. Bien entendu, je force le trait. Mais quand on utilise le mot « entreprise » dans notre pays, on oublie que la plupart de ces entreprises sont petites ou moyennes, et on utilise ce mot uniquement pour désigner de très grosses entreprises. Il faut comprendre que tout entrepreneur ne souhaite pas spécialement devenir gros. L’écrivain public connaît les fables de La Fontaine et sait ce qu’il advient de la grenouille qui veut grossir contre sa nature. Elle explose, car elle n’est pas faite pour cela.

Personnellement, je revendique le fait d’être un entrepreneur et ma priorité n’est pas de grossir, mais de proposer des prestations de qualité. Mon activité, si elle doit augmenter, augmentera uniquement par la qualité, et la quantité sera subséquente. Je suis un entrepreneur discret, qui cherche avant tout la qualité du travail avant de songer à gonfler son compte bancaire, et j’ai besoin de ce statut d’auto-entrepreneur pour que mon activité soit viable, et pour justement essayer de la développer un peu.

Si mon activité se développe et en conséquence mes honoraires, je serai ravie de changer de statut, et bien entendu de continuer à payer mon tribut à la société toute entière. J’accueillerai dans ces conditions la prospérité avec plaisir, avec la satisfaction de bien faire et sans doute un sentiment de bien-être.

Mais aujourd’hui, je suis comme tous mes collègues, menacée par le projet du gouvernement, qui en tant que responsable de l’Etat, est censé défendre les petits en général, donc les petits entrepreneurs, comme les moyens, comme les gros, et non pas seulement ceux qui parlent le plus fort.

C’est en petit entrepreneur, avec de petits revenus et une petite voix du fond de la campagne bretonne, que j’appelle au respect de tous les plus petits que soi qui sont utiles à tous et sur tout le territoire :

Ne tuez pas l’auto-entreprise, ne tuez pas des personnes qui travaillent.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.