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Billet de blog 7 avril 2022

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Maternalisme, paternalisme, une déconstruction urgente

Le maternalisme engendrée par le patriarcat, est une attitude où la personne se croit bienveillante, à l'écoute et en soutien de l'autre. Il n'en est rien.

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Illustration 1

Maternalisme

Je n’ai pas trouvé de définition du maternalisme dans le dictionnaire. 

De paternalisme, oui. Selon le Larousse (2ème sens) :“Comportement, attitude consistant à maintenir un rapport de dépendance ou de subordination tout en lui donnant une valeur affective à l'image des relations familiales.” Le Petit Robert est plus direct : “Tendance à imposer un contrôle, une domination sous couvert de protection”.

Ces définitions sous-entendent donc un rapport de domination. De domination teintée d’affectivité. Ou pour être plus claire de domination usant de sentiment. D’engluage. D’emprise. Bref, de maltraitance. Mais de maltraitance institutionnalisée, adoubée par le patriarcat. 

Or, aujourd’hui, j’ai décidé de parler du maternalisme. Pourquoi ? Parce que je veux parler d’attitudes maternantes, trop maternantes. Ce “trop” n’a pas sa place si l’on se fie encore au Larousse où materner signifie : “Se comporter à l'égard de quelqu'un de façon maternelle en le protégeant, le plus souvent avec excès.” Le Petit Robert, quant à lui, reste sur une interprétation directe  : “Traiter (qqn) comme le ferait une mère.”

Pour expliquer ce qui va suivre, je pourrais donc rester sur  une notion de paternalisme. Or, si le paternalisme inclut la notion de domination et de protection, il passe à côté de cet aspect englobant que représente le maternage. Mon propos ici.

Valorisation de soi

Je dirais -peut-être vais-je être contestée par les linguistes- que le maternalisme serait une façon de dominer l’autre par une attitude et une écoute soi-disant bienveillantes, accueillantes, une sollicitude, avec des conseils chaleureux, un intérêt certain en apparence pour l’autre et pour son vécu. Avec une pointe de condescendance. Je sais que tu as besoin de moi, je suis là, et je vais t’aider à aller mieux.

Que peut-on rêver de mieux lorsqu’on se retrouve démoralisé·e, déprimé·e, face à une difficulté à résoudre ou pire, au fond du gouffre ? Ou que croit-on rêver de mieux ? 

Mais d’abord,  que signifie réellement ce maternalisme si ce n’est une projection de sa souffrance, de son vécu sur l’autre ? Parle-moi, je t’écoute car je vis ou j’ai vécu du similaire. 

Cette attitude pourrait être bénéfique si elle se basait sur une réelle écoute de l’autre, sans se dire :

  1. L’autre a besoin de mes conseils ;
  2. L’autre a besoin que je le ou la guide ;
  3. L’autre manque forcément de confiance en soi puisqu’il ou elle exprime une souffrance ou un désarroi voire un questionnement. (Et parce que moi j’en manque ?...)

 Par conséquent, grâce à l’émotion, la difficulté, le questionnement qu’exprime cette personne, je me sentirais valorisé·e, important·e, éclairant·e, en un mot, formidable… Je resterais dans un schéma nombriliste, l'autre me servant constamment de faire-valoir, de satisfaction égotique ou je pourrais continuer à m’écouter parler, persuadé·e de faire le bien. Ceci, même si mon intention est louable. Car là est bien le leurre. L’intention est souvent sincère : apporter à l’autre ce que je n’ai pas eu ou, parfois, ce que d’autres m’ont donné·e. Un élan de générosité authentique qui s’avère n’être que narcissisme. Une épée dans l’eau. De la maltraitance passive. La main tendue devient main qui enfonce la tête sous les flots. Alors que je crois faire le bien.

Et la phrase la plus sublime devient : que puis-je faire pour toi ? 

Oui, que peut-on faire face à une personne en souffrance ? Tout simplement l’écouter. Mais l’écouter vraiment, sans penser à soi. Sans vouloir mettre ses propos dans des cases. En faisant taire son mental. Voilà une bonne écoute : je m’ouvre à toi… Puis,  tout simplement, la réconforter. Mais là encore, le piège. Le piège de l’infantilisation guette…Pas de “ma pauvre”, “ma petite chérie”, pas de fausse compassion teintée de pitié. Simplement, je suis là, je te comprends, je te crois.  En bref, lui apporter de l’amour. Et si l‘époque le permet, pourquoi pas - si elle est d’accord - la prendre dans ses bras ? Juste cela. Parfois, cela suffit. Un instant d’amour.

Écoute et altruisme

C’est très difficile de seulement écouter. Parce que c’est un véritable acte altruiste. Parce que cet acte ne tolère aucun sentiment de domination. L’autre est l’égal·e de moi, son état n’engendre absolument pas une sensation de supériorité. Quelle exaltation n’éprouve-t-on pas en imaginant que l’autre a besoin de nous, en recevant sa confiance ?

L’art d’écouter est l’art de l'accueil. Pas dans les mots. Dans une attitude intérieure. Pas un instant nous ne devons enclencher la moindre emprise sur l’émotion de l’autre. Voici la domination maternante : de n’importe quelle parole, souffrance, j’enclenche, de par une condescendance ignorée, un besoin de reconnaissance tapi en mon être, une fausse générosité blessée par mes incessantes souffrances, une solitude inavouée et peu chérie, j’enclenche le processus d’emprise : la dépendance de cet·te autre en mal de réconfort.

Ce sentiment de domination s’éveille lorsque nous projetons que la personne manque de confiance en elle, manque de repères. L’infantilisation, tel est le mot cruel pas encore prononcé, mais qui se révèle dans toutes ces attitudes. Et si l’on infantilise, c’est que l’on croit que la personne  n’a aucun des attributs de l’adulte, à savoir la capacité à se diriger elle-même, à se tenir debout, à réfléchir, à utiliser ses expériences, ses compétences, ses observations et ses réflexions pour conduire sa vie et son processus émotionnel. Du paternalisme déguisé en écoute bienveillante. Avec un soupçon de surprotection en minimisant non seulement les mots prononcés mais aussi la puissance régénératrice des émotions. Ne pas écouter, c’est minimiser l’expression de l’être, c’est nier son individualité voire sa conscience. Attention, sous prétexte parfois de ne pas vouloir nier les faits relatés, on en vient à minimiser la capacité de l’autre à se gérer émotionnellement. Là encore, on dirige l’émotion de l’autre : c’est grave ce qui t’arrive, tu dois parler, tu dois pleurer, tu ne dois pas pleurer, il faut exprimer la colère, il faut, il faut. On se sert de l’émotion pour dominer.

Si je pleure, c’est que je suis capable d’exprimer la souffrance. C’est heureux. Cela ne veut pas dire que je ne peux pas me tenir debout. Je n’ai pas besoin de béquille. Je connais ma souffrance, je connais mes besoins. J’ai juste besoin d’un instant de réconfort, d’écoute, d’amour.

Se servir des moments de doute pour dominer

Dans une situation de fragilité, la personne engendre des doutes. Non pas sur sa vie, non pas, encore une fois, sur sa capacité à se tenir debout, à gérer sa vie et ses émotions. Si elle peut perdre confiance en elle sur un point, ce n’est que sur un point. Dans la majorité des cas, les appels à l’aide ne sont pas des appels pour diriger sa vie, pour penser, pour s’émouvoir même pour s’exprimer. Dans la majorité des cas, ce sont des appels au réconfort, à l’écoute (simple), à l’amour. Entendez cela. Ne pas s’en servir pour dominer, se valoriser, sentir enfin l’importance que personne ne nous a donné·es…

Attention, ces instants de fragilité peuvent mener à tomber dans le piège de  l’emprise. Par panique, par souffrance, nous pouvons croire que nous avons besoin des conseils (non avisés) de l'autre. Alors que ce n’est que de réconfort que nous avons si souvent besoin. De réconfort et de soutien.

La bienveillance, cette qualité galvaudée

Ah, sacrée bienveillance employée à toutes les sauces et qui n’est, malheureusement, le plus souvent que condescendance et négation de la liberté, l’indépendance et la maturité de l’autre !

Ah sacrée bienveillance qui n’est le plus souvent qu’expression de sa blessure narcissique, de son besoin de reconnaissance et de sa culpabilité permanente !

Alors oui, parfois, l’autre a besoin d’aide concrète, de pistes. Éclairer n’est pas induire, obliger, décider pour l’autre puis culpabiliser. Aider n’est pas non plus mettre à profit une action pour se déculpabiliser. Ce n’est pas “tu devrais faire cela” ou “j’ai fait cela pensant que c’était mieux pour toi”. “Tiens, voilà une piste” peut aussi devenir directif. Une info est mieux. C’est à l’autre de disposer.

L’infantilisation n’a rien de bienveillant. Faire, penser, parler à la place de l’autre, n’est pas de la bienveillance. Consoler avec une voix affectée, mielleuse, n’est pas de la bienveillance. Tout ceci relève de la malveillance passive.

La bienveillance ne fait rien pour le bien de l’autre ni pour le sien. La bienveillance est l’émanation du réconfort et du soutien. Être là, point.

Déconstruction

En conséquence, ce maternalisme relève tout autant du patriarcat que le paternalisme lui-même. Car il est l’expression, comme nous l’avons vu, de l’infantilisation de l’être. Il représente la projection de personnes qui sont ancrées dans cette morale patriarcale qui inclut la domination bienveillante, la négation de la conscience de l’être ou chacun, chacune, doit avoir besoin d’un ou une mentor·e pour subsister voire se construire. 

Il temps de déconstruire ce schéma patriarcal pour enfin instaurer des relations vraies ou les émotions ne seront plus perçues comme des émanations d’une faiblesse mais comme l’expression d’une authenticité vivante.

Et vous, êtes-vous dans ce processus de déconstruction ?

Hélène Elouard

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