Réunis en conseil extraordinaire à Bruxelles, les ministres responsables du Développement des 27 Etats membres ont adopté, le 13 mai 2008, une résolution appelant la Birmanie à « coopérer pour faciliter le passage de l’aide humanitaire ». Concrètement, l’UE demande à Rangoon d’octroyer les visas nécessaires aux personnels humanitaires pour qu’ils puissent eux-mêmes acheminer l’aide humanitaire jusqu’aux populations, et évaluer l’ampleur de la catastrophe pour mieux cibler les besoins.
L’UE – qui a déjà débloqué 2 millions d’euros, est prête à débourser 15 millions supplémentaires, voire plus si nécessaire. Louis Michel, le Commissaire au Développement et à l’Aide humanitaire, est parti le jour-même rencontrer les autorités birmanes pour explorer les voies d’une coopération.

Quelle est la plus-value de l’Union ?
L’UE peut-elle faire mieux que les Etats membres ? Rappelons que les efforts de la France – fondés sur le « devoir de protéger », une nouvelle forme du droit d’ingérence – pour faire voter au Conseil des Nations unies une résolution obligeant la Birmanie à ouvrir ses frontières ont fait long feu. Qu’est-ce que l’UE apporte de plus et de nouveau ?
La légitimité de L’Union européenne repose sur sa capacité à coordonner l’action des Etats membres, pour éviter le saupoudrage. L’UE peut aussi faire entendre une voix moins politique et plus consensuelle auprès des autorités birmanes. Louis Michel, le Commissaire au Développement et à l’Aide humanitaire, l’a répété : sa visite aux autorités birmanes est « strictement humanitaire ». Elle n’a « aucune dimension politique ».
Enfin, la Commission possède déjà un bureau à Rangoon chargé d’aider les « minorités ethniques affectées par la situation interne de la Birmanie » (19 millions d’euros destinés principalement à 140000 birmans réfugiés en Thaïlande). Cette présence sur place constitue donc un atout pour parler aux autorités birmanes.
En effet, la Birmanie, malgré les 100000 morts et les 2 millions de victimes (chiffres ONU) du cyclone Nargis, n’ouvre encore ses frontières qu’au compte gouttes aux travailleurs humanitaires. Alors que, d’après Médecins sans frontières, les populations auraient un besoin urgent de vivres et d’experts en systèmes sanitaires pour restaurer des points d’eau potable (http://www.msf.org/msfinternational/invoke.cfm?component=article&objectid=CD18115D-15C5-F00A-254689CCE14CF889&method=full_html). Les risques de crise alimentaire (les stocks de riz de la région, grenier alimentaire de la Birmanie, seraient détruits et les sols salinisés) et d’épidémie sanitaire (choléra) seraient prégnants.
La junte reste réticente
Mais la junte veut acheminer elle-même l’aide humanitaire. Elle ne souhaite pas laisser des étrangers – susceptibles de critiquer et de fragiliser le régime – assister directement les populations. Reste que cette position, pour les organisations humanitaires et les pays occidentaux n’est pas tenable : les autorités birmanes ne disposent pas de moyens suffisants pour faire face à la catastrophe humanitaire, la destination finale de l’aide (dans les poches des militaires ou vers les populations) resterait sujette à caution, et les militaires pourraient utiliser l’aide humanitaire pour faire pression sur les populations afin qu’elles votent en faveur de la nouvelle constitution (dans les régions touchées par la crise, le référendum a été reporté au 24 mai).