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Billet de blog 28 août 2008

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UE-Russie-Géorgie: l'énergie mène-t-elle la danse diplomatique?

Il était déjà difficile, pour l'Union européenne (UE) de signer un accord durable avec la Russie. Au point que l'ancien "accord de partenariat et de coopération" était devenu caduque en 2007, sans que rien ne vienne le remplacer. L'Allemagne avait pourtant fait de la conclusion d'un nouveau partenariat stratégique euro-russe l'une des priorités de sa présidence européenne (2007). Dans ce contexte, il devient extrêmement ardu, pour les 27 Etats membres, de définir une position européenne lisible à l'égard de la crise géorgienne.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Il était déjà difficile, pour l'Union européenne (UE) de signer un accord durable avec la Russie. Au point que l'ancien "accord de partenariat et de coopération" était devenu caduque en 2007, sans que rien ne vienne le remplacer. L'Allemagne avait pourtant fait de la conclusion d'un nouveau partenariat stratégique euro-russe l'une des priorités de sa présidence européenne (2007). Dans ce contexte, il devient extrêmement ardu, pour les 27 Etats membres, de définir une position européenne lisible à l'égard de la crise géorgienne.

Comment expliquer le relatif échec des relations UE-Russie, et les divergences entre les Etats membres? Les enjeux énergétiques sont probablement l'une des clés de lecture.

La Russie vend la majorité de sa production de pétrole et de gaz à l'UE. Ses exportations couvrent, au total, 20% des besoins en pétrole et 40% des besoins en gaz naturel de l'UE. A ce jour, la Russie est donc le premier fournisseur d'hydrocarbures de l'UE. De surcroît, la dépendance de l'Europe à l'égard de la Russie s'amplifierait au cours des vingt prochaines années. Une étude récente de la Commission européenne montre que la Russie devrait, à l'horizon 2030, fournir 54% des besoins gaziers européens. Les spécialistes s'attendent à une forte croissance des besoins en gaz de l'Europe. Ce combustible est en effet de plus en plus utilisé pour fabriquer de l'électricité dont... la demande augmente elle-même rapidement. Or, la Russie détient entre 30% à 40% des réserves mondiales de gaz. Les enjeux énergétiques créent donc de forts liens d'interdépendance et d'intérêts partagés euro-russes.

Toutefois, les positions des Etats membres - et leur dépendance énergétique - à l'égard de la Russie, varient.

L'Allemagne semble à la fois proche et dépendante de Moscou. Dépendante, car elle importe environ 40% de son gaz naturel et 30% de ses beoins pétroliers de la Russie. Proche, car Angela Merkel a choisi la Real Politik, c'est-à-dire celle du rapprochement avec le Kremlin, pour mieux assurer l'approvisionnement énergétique de son pays. Cette stratégie lui a notamment permisde lancer le projet de "gazoduc baltique". Celui-ci reliera, sous la mer baltique, Vyborg (Russie) à Greiswald (Allemagne). Ce projet, fondé sur un partenariat entre le russe Gazprom, les entreprises allemandes E-ON et BASF, et la société néerlandaise Gasunie, crée une interdépendance supplémentaire entre la Russie et l'Allemagne. La Russie aura besoin de l'Allemagne pour exporter son gaz par ce pipeline.

Quant aux novueaux Etats membres d'Europe centrale et orientale, contrairement à l'Allemagne, ils rechignent à conclure un partenariat énergétique avec Moscou. L'histoire les incite à se méfier du "grand frère" russe. Pourtant, ils sont plus dépendants du Kremlin que l'Allemagne. La Pologne, par exemple, achète plus de 90% de ses hydrocarbures à la Russie, et les Etats baltes la quasi-totalité. Cette dépendance et méfiance extrêmes à l'égard de Moscou poussent ces Etats à diversifier leur approvisionnement énergétique. D'où leur attachement à l'intégrité territoriale de la Géorgie, pays traversé par l'oléoduc Bakou (Azerbaïdjan) - Tbilissi (Géorgie) - Ceyan (Turquie), construit justement pour éviter le territoire russe.

En position médiane, on trouve les "ni-ni": ni très hostiles à Moscou, ni très dépendants à son égard. Il s'agit, par exemple, de la France. Son parc nucléaire assure 80% de sa consommation d'électricité, et elle achète beaucoup de gaz à la Norvège et à l'Algérie. Ou du Rouyaume-Uni qui s'approvisionne un peu partout dans le monde. Ou encore de l'Italie qui importe "seulement" 23% de son gaz de Russie.

Dans ce contexte, la reconnaissance par Moscou de l'Ossétie du Sud est un coup supplémentaire porté à l'indépendance énergétique de l'Europe. L'oléoduc BTC passe en effet à monis de 50km de l'Ossétie du Sud où le Kremlin installe ses quartiers.

La crise géorgienne servira peut-être d'électrochoc pour catalyser l'émergence d'une position commune européenne à l'égard de la Russie. Le sommet européen, convoqué en urgence par Nicolas Sarkozy le 1er septembre prochain, a cette ambition. Mais les dépendances énergétiques des différents Etats membres limitent les marges de manoeuvre envers Moscou.

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