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Billet de blog 17 mars 2013

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Le Palmarès tendancieux des femmes préférées des Français.e

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Dans le contexte des célébrations du 8 mars 2013, le Journal du Dimanche a commandé un sondage à l’IFOP et l’a publié le 2 mars. Deux questions dans ce sondage omnibus[1] .

La première question est typiquement machiste et ne serait jamais posée en ce qui concerne des hommes politiques,

D’une manière générale, avez vous le sentiment que les femmes politiques font mieux, moins bien ou font la même chose que les hommes politiques ?

C’est une question totalement inutile car elle recueille un consensus des deux sexes. Si on additionne les réponses « mieux » et « la même chose », le score est de 96% pour les femmes, et de 94% pour les hommes.

La deuxième question est celle qui permet d’établir le dit palmarès :

Parmi les femmes suivantes, quelles sont les quatre dont vous souhaiteriez qu’elles jouent un rôle plus important à l’avenir, dans la vie politique française?

Le résultat proclamé est que les Français mettent en tête Christine Lagarde et Marine Le Pen, suivent Nathalie Kosciusko-Morizet et Rama Yade. Martine Aubry, première femme de gauche, n’arrive qu’en cinquième position. Nous avons là la position du Français moyen, qui est une fiction statistique.

Lorsque l’IFOP segmente l’échantillon par affinité politique, il obtient des résultats complètement différents :

Le classement des sympathisants du PS

1 Christine TAUBIRA 47%

2 Ségolène ROYAL 38 %

3 Martine AUBRY 37 %

4 Najat VALLAUD-BELKACEM 34 %

Le classement des sympathisants UMP

1 Christine LAGARDE 70 %

2 Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET 63 %

3 Valérie PECRESSE 44 %

4 Marine Le Pen 37 %

Ce résultat, donné en accès libre sur le site de l’IFOP, n’est pas signalé aux lecteurs et lectrices du JDD… Que s’est il donc passé… et comment expliquer le résultat livré à l’opinion publique ? La Dépêche le reprendra en mentionnant « Les femmes préférées des Français », le Nouvel Observateur titrera sur les « femmes politiques préférées des Français. »

Premier constat, si ce sondage est représentatif, grâce à la méthode des quotas, du sexe, de l’âge, de la profession de la personne interrogée, on ne sait pas si il l’est de la famille politique. Combien  y a-t-il dans ce sondage de sympathisants PS ou de sympathisants UMP, FN ou Front de gauche ?

Deuxièmement, la question propose quatre réponses. Une famille politique qui n’a qu’une de ses femmes politiques dans le sondage aurait tendance à se reporter massivement sur elle (91% des électeurs de Marine Le Pen la choisissent pour l’avenir), alors que les votes des autres familles politiques sont éparpillés grâce à la méthode de ces choix multiple (36% des électeurs de François Hollande, 37% des électeurs de Jean-Luc Melanchon choisissent Martine Aubry). On ne connaît pas le taux de non-réponses, on ne saura pas quelle famille a voté  1, 2, 3 ou quatre fois, et par conséquent on ignore l’impact que cela a sur les résultats.

Troisièmement, la méthode de recueil des opinions est la méthode CAWI (questionnaire auto administré en ligne) qui permet de choisir les sondages auquel on va répondre, remettant en cause le système de choix aléatoire qui fonde les sondages. La méthode CAWI est la moins fiable des méthodes de recueil d’opinion (face-à-face, téléphone, courrier, etc.). De plus, à 990 enquêtés, l’approximation est de + ou – 3%, soit 6% d’écart possible, or les quatre femmes de tête sont dans un mouchoir de poche de 7%...

Qui a choisi cette liste de femmes politiques et en fonction de quel critère ?

Que mesure t’on ? L’écho médiatique de ces femmes ?

Donc le résultat intéressant et si banal, c’est que la gauche plébiscite les femmes de gauche et la droite les femmes de droite. L’utilisation de ce  sondage a tenté de démontrer une autre réalité, elle bien fictive…

Hélène Y. Meynaud

Auteure, avec Denis Duclos, de l’ouvrage « Les sondages d’opinion », Editions La Découverte, coll. Repères n°36, quatrième édition en 2007.


[1] Un sondage omnibus regroupe les questions de nombreux commanditaires, qui partagent les frais du signalétique (âge, CSP, métier, région, préférence partisane, etc.). C’est bon marché et permet d’économiser un reportage sérieux.

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