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Billet de blog 19 novembre 2025

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LE GACHIS DES FINS DE MANDAT DES CONSEILLERS PRU’HOMMES,

Alors qu’en cette fin de l’année 2025, la campagne de désignation des conseillers prud’hommes se termine, certains d’entre eux sont dans l’obligation de mettre fin à leur mandat du fait des nouvelles dispositions qui en limitent l’exercice. Hélène Yvonne Meynaud, qui a siégé en région parisienne depuis 2008, nous livre sa réflexion. publié dans la RPDS, octobre 2025, n°966, Pages 23 à 26.

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JUSTICE

LE GACHIS DES FINS DE MANDAT DES CONSEILLERS PRU’HOMMES

Article publié dans la RPDS (Revue Pratique de Droit Social), octobre 2025, n°966, Pages 23 à 26.

Alors qu’en cette fin de l’année 2025, la campagne de désignation des conseillers prud’hommes se termine, certains d’entre eux sont dans l’obligation de mettre fin à leur mandat du fait des nouvelles dispositions qui en limitent l’exercice. Hélène Yvonne Meynaud, qui a siégé en région parisienne depuis 2008, nous livre sa réflexion.

A l'automne 2008, la campagne pour les élections prud’homales bat son plein. Travaillant dans les Hauts-de-Seine, j’y suis candidate. Pour se présenter, on tracte à la sortie du travail devant les tours de bureaux, les lieux de production, là où les travailleurs relèvent du droit privé. À l’heure du déjeuner, lors de la sortie massive des cadres, devant la table de la CGT la foule se scinde en deux, comme un banc de poissons qui éviterait un obstacle. Pour les cadres, il ne fait pas bon s’afficher discutant avec la CGT, mais le vote secret permet de s’exprimer. 

DE L’ÉLECTION À LA DÉSIGNATION

Rappelons que ce suffrage prud’homal est à l’époque le seul où tous les citoyens et les citoyennes qui travaillent votent, y compris les étrangers et les demandeurs d’emploi (articles 1441 1 à 36 du Code du travail, modifiés en 2016). Cette élection compte pour la représentativité qui détermine le poids de chaque organisation syndicale dans les divers lieux de confrontation et de dialogue social (dont les conseils de prud’hommes). Cette année-là, la CGT obtient son meilleur score au niveau national, soit 34 %. Ce sera la dernière élection des conseillers au suffrage universel et les élus verront leur mandat prolongé plusieurs fois, d’une durée passant de cinq à neuf ans. La représentativité s’établit désormais dans les entreprises où le vote est possible, favorisant les organisations de cadres, les ouvriers et employés de maîtrise étant massivement « basculés » dans le secteur de la soustraitance, là où ils sont peu susceptibles de voter. Mécaniquement, l’absence d’élections prud’homales fait reculer la CGT dans la plupart des instances de délibération sociale et économique du pays. 


À partir de 2017 et pour les mandats de quatre ans qui vont suivre, les syndicats présentent eux-mêmes les candidats qui seront adoubés par les instances gouvernementales de référence. Depuis cette date, l’inscription des conseillers p rud’homaux est validée sur une application numérique et doit passer sous les fourches caudines des ministères du Travail et de la Justice. Lors du renouvellement des conseillers, fin 2022, ma candidature a été refusée quatre fois, jusqu’à ce que l’acharnement de la responsable du secteur Droits, libertés et actions juridiques (DLAJ) de l’Union départementale des Hauts-de-Seine aboutisse à ma nomination. Je relève donc là un effet d’affaiblissement des prud’hommes à double détente : d’une part cette élection ne comptant plus pour la représentativité, la fonction prud’homale et sa défense deviennent moins prioritaires pour les confédérations, et d’autre part les candidats comme leur affectation dans une section sont « filtrés ».

ÉLÉMENTS DU CONTEXTE DE TRAVAIL DES CONSEILS DE PRUD’HOMMES

Un conseiller prend des décisions de justice avec ses collègues, peut présider l’audience et rédiger les jugements « au nom du Peuple français ». Il ne porte pas la robe noire des avocats, des magistrats professionnels et des greffiers, mais un ruban bleu et rouge avec une médaille. C’est un « magistrat non professionnel », mais je préfère à cette appellation celle de « professionnel magistrat ». De fait, c’est un juge pas comme les autres. Les conseillers, qu’ils soient issus du monde syndical ou du monde patronal, partagent une certaine idée de leur mission comme étant la défense/fabrication de la justice. Malgré nos délibérés souvent très mouvementés, nous formons une communauté qui présente un front de résistance à des décisions régressives venant des ministères et qui réclame plus de moyens pour un meilleur exercice de la justice. 

Les président et vice-président (alternativement d’un collège et de l’autre) signent ensemble des lettres adressées à leur tutelle, soit le premier président de la cour d’appel. Le manque de moyens est chronique et l’État exerce une pression continuelle pour diminuer les temps de recours. Alors que le délai pour contester son licenciement est passé en une quinzaine d’années de trente ans à une seule année, la dernière invention proposée par le gouvernement Bayrou en 2025 était de raccourcir à quatre ou six mois la prescription de la contestation de la rupture du contrat de travail. 

La tendance est à l’affaiblissement des conseils de prud’hommes en tant que structure autogérée. En effet, la hiérarchie du conseil est élue par une assemblée générale annuelle de tous les conseillers (président, vice-président du conseil, présidents de section, etc.). C’est une liberté qui indispose une partie de la magistrature ainsi que certaines instances ministérielles. 

Brique par brique, les prérogatives de gestion seront retirées au conseil des prud’hommes, la « direction du greffe » devient une « direction des services du greffe judiciaire ». Les personnels comme les décisions budgétaires qui concernent le greffe passent sous la tutelle du tribunal judiciaire. Pour l’attribution des postes et des finances, le conseil de prud’hommes n’est plus autonome, ni prioritaire. Pour obtenir les moyens et le personnel nécessaires à son fonctionnement, le premier président de la cour d’appel négocie âprement des « réformes », comme substituer la médiation – de justice privée – aux bureaux de consultation et d’orientation (BCO) ou imposer la « mise en état » – procédure qui vient du pénal – pour obtenir davantage de personnel de greffe. Deux démarches qui ôtent à la la juridiction prud’homale une partie de sa spécificité.

De nombreux auteurs et autrices ont documenté cette lente érosion des pouvoirs des conseils de prud’hommes, Evelyne Serverin, Isabelle Meyrat, et récemment Michèle Bauer. Michel Miné, dans son blog publié par Alternatives Économiques en décembre 2024, résumait ainsi : « Depuis le début de ce siècle, un continuum existe entre de nombreux textes (lois et décrets) adoptés en droit du travail en France. Ces textes vont, pour l’essentiel, avec des différences de degré mais pas de nature, dans le sens d’un affaiblissement de la fonction protectrice de la partie faible au contrat et de la fonction émancipatrice du droit du travail. Ces textes poursuivent globalement l’objectif de renforcement du pouvoir de g estion de la partie forte au contrat et d’autoréglementation de l’entreprise. »

CHUTE DES SAISINES

Trois attaques issues du droit

La première, l’invention en 2008 de la rupture conventionnelle individuelle (puis collective) qui reporte sur France Travail et la collectivité le coût de la séparation d’avec l’employeur. On compte 514 000 ruptures conventionnelles en 2024. Pour contester une rupture conventionnelle, il faut apporter la preuve qu’il y a eu vice du consentement ou non-respect des formalités essentielles. Autrement dit, c’est très difficile. Selon la ministre du Travail et de l’Emploi, Astrid Panosyan-Bouvet, le coût de ces ruptures avoisine les 10 milliards d’euros pour l’assurance chômage. Les affaires dans les conseils sont ainsi passées de 225 000 en 2010 à 103 141 en 2021 (ministère de la Justice, 2023).

La deuxième, le barème dit Macron, institué par la loi El-Khomry, qui écrase la possibilité d’indemniser des personnes licenciées, en particulier celles qui auraient travaillé dans une petite entreprise pour une durée de moins de deux ans ; l’indemnisation possible est comprise entre la moitié et un mois de salaire, même pas de quoi payer un éventuel avocat. La troisième, depuis 2019, qui, par l’article R. 1452-2 oblige, dès le stade de la saisine, à déposer une requête détaillée – avec les pièces qui seront utilisées lors du procès – et un exposé du litige. Ce qui a asséché l’audience des référés et compliqué l’accès à la procédure au fond. Il faut un avocat ou un défenseur syndical pour entamer la procédure et geler la prescription. Ces trois dispositions contraignantes découragent les justiciables d’aller en justice.

Un dénigrement de la juridiction

Les conseillers sont régulièrement pointés du doigt, reproche leur étant fait d’un défaut de compétences qui rallongerait les délais des affaires, alors que leurs jugements ne sont pas plus frappés d’appels que ceux émanant d’autres juridictions. 

En 2015 déjà, la presse avait largement relayé les dires d’un avocat qui prétendait inventer un dispositif nouveau en proposant de réaliser des arbitrages privés pour régler les litiges du travail. Il s’agirait de gommer les différences de point de vue, de dépolitiser, managérialiser la formation des conseillers, prendre les décisions à l’aide des outils d’intelligence artificielle,

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Michel Miné,

« Le gouvernement Bayrou : à la lumière des régressions  du droit du travail », Les blogs d’Alternatives Économiques,  Travail, Droit et Europe, décembre 2024 

Hélène Yvonne Meynaud,

« Comment miner la capacité de résistance des salariés », Le Monde diplomatique, mai 2019.

« Du droit du travail au travail sans droits. En France, le gouvernement contre les prud’hommes », Le Monde diplomatique, novembre 2016.

Évelyne Serverin,

Les affaires prud’homales dans la chaîne judiciaire de 2012 à 2022, Rapport au ministère de la Justice, mai 2024.

Isabelle Meyrat,

Que reste-t-il de la loi de 1973 relative au licenciement ? Éditions Lefevre Dalloz, 2025.

 (« Une propagande visant à privatiser la justice », H. Y. Meynaud, L’Humanité, mai 2015). 

Or, l’impartialité existe par la confrontation paritaire de points de vue différents sur les faits et le droit, (« Qu’est-ce qu’un juge impartial ?» dossier, Délibérée, no 5, octobre 2018). Le serment que le conseiller prononce devant le procureur de la République précise : « Je jure de remplir mes devoirs avec zèle et intégrité et de garder le secret des délibérations » (art. D. 1442-13 C. trav.). 

Sur la défiance, voire la suspicion, de mauvaises pratiques ou du fait que les conseillers ne sont pas des juges de métier, un code de déontologie a été élaboré en 2018 par le ministère de la Justice pour « encadrer » l’exercice des conseillers prud’hommes. Il comporte une interdiction de s’exprimer sur l’institution et sur la politique, alors que la plupart d’entre eux cumulent cette fonction avec d’autres responsabilités syndicales qui impliquent des réunions publiques. Il y est inventé un devoir de réserve : « Le conseiller prud’homme doit faire preuve de réserve et de mesure dans l’expression écrite ou orale de ses opinions personnelles. Cette obligation ne concerne pas le contenu des opinions mais leur mode d’expression. Cette restriction encadre la liberté d’expression mais, pour autant, n’interdit pas au conseiller un engagement politique, syndical ou associatif tant que cet engagement n’est pas incompatible avec ses fonctions. » Je rappelle que le conseiller prud’homme n’est pas un fonctionnaire, qu’il n’est pas salarié de l’État, qu’il touche une indemnité pour une partie de  ses activités; de travail, ni droit au chômage, ni ses activités. L’invention de ce  « code » est a minima une initia-à contretemps, encore à gommer la particularité   de l’institution. 

"Depuis le début de ce siècle, un continuum existe entre de nombreux textes (lois et décrets) adoptés en droit du travail en France. [...] Ces textes poursuivent globalement l’objectif de renforcement du pouvoir de gestion de la partie forte au contrat et d’autoréglementation de l’entreprise."Michel Miné

Il est fréquent qu’un avocat attribue au conseil le renvoi d’une cause (ce qui allonge la procédure), alors qu’il est lui-même à l’origine de la demande. Et en appel, les décisions sont souvent confortées, voire les sanctions aggravées. Evelyne Serverin note, dans son rapport, que les décisions signées par les juges départiteurs, eux juges professionnels, ont un taux d’appel supérieur à celles des conseillers.

Les conseillers et les personnels  de greffe sont mal traités

Les conseillers et les greffières ont siégé l’hiver avec doudoune et mitaines puis ont « cuit » l’été car les systèmes de chauffage sont obsolètes ou pas assez entretenus ; les greffiers peuvent manquer de papier, d’enveloppes, de toner d’impression dans les photocopieuses. À Paris, les personnels de greffe fuient les conditions de vie impossibles, les logements de la capitale devenus trop chers pour leurs trop bas salaires. Ils subissent une impressionnante charge de travail.

Depuis 2017, les conseillers prud’hommes reçoivent des « feuilles de paie », avec l’indication « zéro heure de travail » et la mention « cons prud’hommes » [sic]. Ce dispositif rémunère des vacations, notamment les temps de rédaction des jugements, sur lesquelles sont prélevés tous les éléments sociaux pour une valeur bien en deçà du smic. 

Quel est le statut des conseillers ?

Il n’existe pas de définition juridique du bénévolat. Celle communément retenue émane d’un avis du Conseil économique et social du 24 février 1993 : « Est bénévole toute personne qui s’engage librement pour mener une action non salariée en direction d’autrui, en dehors de son temps professionnel et familial », (Guide du Bénévolat). Une situation dans laquelle une personne apporte son temps et ses compétences à titre gratuit pour une personne ou un organisme est une situation de bénévolat, qui se distingue donc de la situation de travail ou de salariat. Le travail bénévole n’est pas limité par l’âge. Comment qualifier le travail syndical, en particulier celui des conseillers bénévoles ? C’est une pratique de militant syndical ou politique, d’engagement citoyen, mais ce n’est pas un travail salarié, avec obligation de présence tout au long de l’année, ni contrat  de travail, ni droit au chômage, ni retraite afférente.

une part importante des conseillers est toujours en activité, leurs entreprises se faisant rembourser leurs heures de présence au conseil. Le conseiller choisit les jours où il est disponible, et sa présence dépend de son implication. Il n’a pas de visite de médecine du travail, pas d’allocation chômage s’il arrête. Il doit suivre une formation obligatoire d’une semaine à l’École nationale de la Magistrature en début de mandat, et devrait, du point de vue de la CGT, se former tout au long du mandat. 

Une partie des conseillers est poussée vers la sortie

En 2023, paraissent deux dispositions qui vont, à terme, disqualifier nombre de conseillers. 

Le nombre de mandats en question. Le candidat ne peut être proposé dans un conseil de prud’hommes s’il y a exercé cinq mandatures et plus (il pourra cependant être candidat dans un conseil limitrophe). Le Code du travail, dans son article L. 1441-9, prévoit en 

effet que : 

« Nul ne peut être candidat : 

–  1o sur plus d’une liste mentionnée à l’article L. 1441-18 ; 

+ loin

Sophie Béroud, Hélène Yvonne Meynaud,

« Un engagement bénévole fragilisé dans une institution en crise : le cas des prud’hommes »,

Nouvelle Revue de psychosociologie, novembre 2021, Éditions Érès, no 32.

Nicolas Da Silva et Pascale Molinier,

« Richesses et ambiguïtés du travail bénévole », Nouvelle Revue de psychosociologie, novembre 2021, Éditions Érès, no 32. 

  • 2o sur plus d’une section ; 
  • 3o d ans un conseil de prud’hommes, un collège ou une section autres que ceux au titre desquels il remplit les conditions pour être candidat ; 
  • 4o d ans un conseil de prud’hommes où il a déjà exercé cinq mandats ».

La disposition qui invalide une nouvelle candidature après l’exercice d’au moins cinq mandats appelle plusieurs considérations, dont la première : elle apparaît contraire au souhait récurrent des autorités que ceux qui siègent soient des professionnels du droit. Comme la loi permet néanmoins de continuer à exercer dans un conseil de prud’hommes voisin, cela sera possible pour certains. En revanche, pour d’autres, avec un conseil limitrophe situé à 100 km par exemple, il est plus que probable qu’ils finissent par renoncer à leur mandat.

La discrimination par l‘âge. Une limite d’âge de 75 ans a été introduite par la loi no 2023-1059 du 20 novembre 2023 codifiée dans l’article L. 1442-3 du Code du travail : « Les conseillers prud’hommes sont nommés pour quatre ans. Leur mandat prend fin de plein droit à la fin de l’année civile au cours de laquelle ils ont atteint l’âge de soixantequinze ans [...] ».

Il est intéressant de noter que cette proposition de loi 

émane du Sénat, dont cinquante membres ont plus de 70 ans. En 2023, dans cette institution, l’échelle des âges s’étend de 26 ans, Rémi Cardon, à 84 ans, Jean-Marie Vanlerenberghe. Quant à Gérard Larcher, qui en est le président (à son cinquième mandat), et le deuxième personnage de l’État, il est élu depuis 1986 et porte bien ses 76 ans. Ce qui sonne un peu comme « Faites ce que je dis, mais pas ce que je fais. » À mon arrivée au conseil, j’ai le souvenir de son président, âgé de plus de 80 ans, membre du MEDEF, et dont les dents, en délibéré, étaient encore bien acérées. On ne peut que constater que c’est la génération de Mai 1968 qui est concernée par cette disposition, celle constamment accusée par les partisans de l’ordre ancien de tous les maux de la société, les dits « boomers qui auraient tant profité de la vie... », nous expliquait le Premier ministre à l’été 2025. Celles et ceux qui, étant retraités, ont du temps pour préparer les audiences – les salariés au travail ont peu de temps pour le faire –, celles et ceux qui président, rédigent, encadrent. Les syndicats sont libres de prolonger ou de démettre les conseillers en place. 

En 2024, lors de l’audience solennelle du 25 janvier, Jacques-Frédéric Sauvage, président employeurs du conseil de prud’hommes de Paris, a tempêté contre cette décision de limite d’âge, expliquant qu’elle supprimait 60 % des conseillers employeurs. Or, sans employeurs, les audiences ne peuvent se tenir. 

La décision n’a, en conséquence, pas été d’effet immédiat mais sera reportée à la fin du mandat en cours. Les « anciens » ne prennent pas non plus la place des plus jeunes, chaque année, de nombreux postes, environ 10 % soit 1 400, ne sont pas attribués. Et en cours de mandat, nombre de conseillers et conseillères démissionnent à cause de la difficulté de la fonction qu’il faut articuler avec le travail, alors que l’on constate son intensification et des pratiques managériales de plus en plus contraignantes. Cela décourage les jeunes salariés et les petits entrepreneurs à venir s’impliquer dans un mandat. Pour la mandature débutant 

en 2026, la loi s’appliquera pleinement. Le départ des anciens est un non-événement pour le monde de la justice, mais aussi une avancée notable pour les contempteurs des prud’hommes.

Un mandat passionnant

La mission confiée par la CGT d’occuper cette fonction a été pour moi passionnante : plonger dans le monde du travail, dans l’univers de la justice, malgré les épuisements et les découragements, fut très enrichissant. Ainsi, les centaines d’audiences et de rédactions de jugements, les analyses exigeantes de problèmes de droit, l’obtention de jurisprudences, les batailles pour arracher des décisions justes sont des acquis : les condamnations régulières mettent en net recul certaines pratiques contestables et permettent des requalifications de contrats, des obtentions de statut de salarié et des contrats à durée indéterminée pour les travailleurs des plateformes. Je suis devenue une source de droit possible pour mon syndicat, mes voisins, mon quartier. Aujourd’hui, pour bien des gens, il y a comme une certitude : en cas de maltraitance au travail, il y a toujours un recours possible au conseil de prud’hommes. Ces conseils existent dans leur forme actuelle depuis 1848, ils sont bi-centenaires, vont-ils continuer à exister ? Ou bien, le droit du travail sera-t-il définitivement vidé de sa substance, alors qu’il est rééquilibrage du pouvoir de l’employeur ? »

Hélène Yvonne Meynaud

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