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Billet de blog 13 juin 2024

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Assemblée Nationale : le film n’aura pas lieu

« Bonjour, le président de la république ayant annoncé la dissolution de l’Assemblée Nationale, toutes les initiatives jusqu’au 7 juillet sont annulées. Désolée. Je vous rappelle. ». Tels sont les quelques mots que je reçois par texto ce lundi matin. Celui-ci tombe comme une ultime détonation après la déflagration de la veille.

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La Rumeur/Film Effet Bahamas © Hélène Crouzillat

« Bonjour, le président de la république ayant annoncé la dissolution de l’Assemblée Nationale, toutes les initiatives jusqu’au 7 juillet sont annulées. Désolée. Je vous rappelle. ». Tels sont les quelques mots que je reçois par texto ce lundi matin. Celui-ci tombe comme une ultime détonation après la déflagration de la veille. Le chef de l’État, plus incendiaire que jamais, en plus d’offrir le pays en pâture à l’extrême-droite et de priver les députés d’une campagne digne de ce nom, m’a privé d’une projection que j’attendais avec une impatience non dissimulée.

L’Effet Bahamas qui raconte en substance le détricotage de l’Assurance chômage opéré par le pouvoir ces dernières années, devait être programmé le 18 juin prochain dans la salle de cinéma de l’Assemblée Nationale*. 94 places. J’avais convié des députés, un public que je souhaitais de toutes origines, des proches et des lointains, des qu’ont besoin de parler, des curieux, une salle cosmopolite susceptible d’étayer le sujet, d’ouvrir une parole et de nourrir un débat entre nos élus, des citoyens, les protagonistes du film, des vrais gens en somme.

Montrer l’Effet Bahamas à l’Assemblée Nationale avait pour moi un sens profond car j’y voyais un premier jalon à la fois symbolique et politique dans la vie du film. Je me réjouissais que cette projection puisse faire éclairage, précisément dans ce lieu, quand le gouvernement, opérant par décret sur la transformation de l’Assurance chômage depuis 5 ans, a rendu l'Assemblée muette sur la question.

Remettons un peu les choses dans leur contexte : L’Assurance chômage est un lieu de culpabilisation pour les chômeurs.euses et d’emmerdes en tout genre, une institution à laquelle on ne veut pas avoir affaire, dont on comprend mal le fonctionnement, qui engendre une opacité oppressante ou un désintérêt manifeste de la part de beaucoup de nos semblables. Depuis 2018, elle est l’objet d’une réforme structurelle en plusieurs volets - dont l’actuel est d’une violence inouïe - qui vise en premier lieu à attaquer le monde du travail en mettant à genoux la protection au chômage des salarié.e.s, ceci à l’abri des regards et surtout à l’abri du parlement.

Ce film, né d’une lutte invisibilisée pour se défendre de l’attaque, a demandé 7 ans de travail pour convaincre pas à pas chaque interlocuteur, chaque institution, qu’il y avait là un sujet, un rapt monstrueux, des personnes avec une expertise d’une grande qualité, un imaginaire, bref, qu’il y avait là un film à faire. Porté par des dizaines de personnes qui y ont travaillé ou ont filé la main, l’Effet Bahamas marque une volonté farouche de faire entendre l’injustice qu’il y a à traiter les chômeur.euses en fraudeurs.euses quand du sol au grenier de l’Assurance chômage rien ne tient : maltraitance, gouvernance, financiarisation.

Ce film, c’est surtout un combat contre un imaginaire malade, une vision laide et abstraite des travailleur.euse.s, qui peuvent à tout moment se trouver en situation de chômage. Érigée en politique par nos gouvernants, elle innerve le monde du travail imposant à tous.tes une insécurité sociale et psychique qui rend profondément souffrant notre corps social. Elle se traduit aujourd’hui dans les urnes par une réponse sécuritaire à la hauteur de l’insécurité sociale dans laquelle nous avons été placé.e.s. Elle forme également le terreau d’une abstention sévère qui regarde en premier lieu l’affaiblissement des logiques de métier et des collectifs de travail, et réside dans l’existence croissante du travail émietté, des cadences infernales et des revenus toujours plus faibles.

Le 18 juin prochain, les invités ne se présenteront pas au 33 quai d’Orsay à Paris pour voir l’Effet Bahamas et ne pourront pas entendre résonner dans les murs de l’Assemblée, les propos d’Antoine Lyon-Caen, avocat au Conseil d’État, protagoniste du film, décryptant la transformation à bas bruit et en dehors de tout champ démocratique, de notre État social.

Le film n’aura pas lieu, les députés venant de quitter l’hémicycle cartons et dossiers sous le bras, tandis que le décret prévoyant un nouveau volet de réforme de l’Assurance chômage fixé au 1er juillet prochain est pour l’heure maintenu par le gouvernement.

Rendez-vous au cinéma Le Luxy d’Ivry le 25 juin prochain à 20h pour une projection de l’Effet Bahamas, festive et éclairante.

Les prochaines projections de l'Effet Bahamas :

- Le 23 juin à Belleville en Beaujolais à 16h accompagnée par Rose-Marie Péchallat (protagoniste du film).
- Le 29 juin à 20h au Festival du film de Mellionnec (en Bretagne)
- Le 9 juillet à 20h à Valence avec Marie Tavernier (la monteuse du film).

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* à l’initiative de 4 députés du Groupe de la Gauche Démocrate et Républicaine, merci à eux.elles !

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