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Billet de blog 23 mai 2019

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L'embarras d'un citoyen de gauche qui voudrait bien voter à gauche

Trente-quatre listes et aucun choix pleinement satisfaisant

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Trente-quatre listes, la victoire des ego sur l'intérêt commun !

Depuis 2016 et l'Appel des 100, j'ai été de ceux qui militaient pour l'unité de la gauche refusant la compromission avec le néolibéralisme.
Nous pouvions partager un programme commun satisfaisant chacun à 95 %. À ce jour, il faut reconnaître que nous avons échoué.

J'aurais souhaité pouvoir me prononcer pour une liste rassemblant largement la gauche opposée au néolibéralisme, mais je n'ai hélas pas ce choix.

Alors que faire pour ces Européennes ?

D'abord, examinons la tentation du vote utile, c'est-à-dire pour une liste qui selon les sondages obtiendrait plus de 5 % des intentions de votes et ainsi serait capable d'envoyer au moins un député à Strasbourg.
Il faut se méfier de ce type de calcul, il revient à donner une trop grande importance aux instituts de sondages et à subir les risques de manipulations que cela comporte. C'est peut-être ce type de comportement qui a placé E. Macron en rival unique de M. Le Pen en 2017.

Cela me conduit donc à privilégier les contenus politiques.
J'ai examiné les programmes et professions de foi.
Ils contiennent tous des éléments intéressants, même celui de La République en Marche.
Mais ma modeste expérience politique m'a appris à me méfier des textes et proclamations.
Vous vous souvenez du beau discours de François Hollande au Bourget vite remisé dans un tiroir.
Je préfère regarder les partis et les hommes qui les composent au prisme non seulement ce qu'ils proclament mais aussi de leurs comportements passés, notamment leurs rattachements aux groupes dans le Parlement européen et leurs votes.

J'élimine d'abord la liste EELV.
Ce parti est souvent classée à gauche, mais on peut légitiment douter de ce rattachement. Les récentes déclarations de Yannick Jadot prêt à faire alliance avec l'ALDE ou le PPE le confirment.
Et puis, contrairement à lui et à beaucoup de membres de son parti, je ne crois pas qu'on pourra défendre l'environnement sans s'affronter au capital.

Je ne voterai pas pour la liste de La France insoumise.
Très attaché à la laïcité, je ne peux accepter une certaine complaisance de ce mouvement avec le communautarisme.
Je ne suis pas d'accord non plus avec la mise en avant de l'opposition peuple-élites sans définir ni l'un ni les autres.
Cette opposition entretient une confusion entre élites (dont une société a besoin) et classes dominantes auxquelles s'opposent légitimement les classes dominées (celles n'ayant que leur travail pour vivre).
Enfin, même si j'admire les talents d'orateur de son leader, ses penchants autocratiques et ses outrances m'insupportent comme elles insupportent nombre de Français. Cela le disqualifie à mes yeux pour être un rassembleur de la gauche et a fortiori plus largement. Il ne me paraît donc pas souhaitable de le conforter.

Je ne voterai pas non plus pour la liste Envie D'Europe.
J'ai quitté le PS parce que j'étais en désaccord avec son renoncement à remettre en cause la tendance de fond vers le néolibéralisme que nous vivons depuis les années 1980, parce que je refusais sa complaisance voire sa complicité avec l'évolution néolibérale de l'Union européenne et parce que je ne pensais plus que son aile gauche, dont je faisais partie, pourrait contrer cette tendance.
Les départs vers La République en Marche étaient plutôt de nature à favoriser une inflexion à gauche du PS.
Mais ils ont été compensés par d'autres départs de militants de l'aile gauche.
Si bien que je suis toujours réservé vis-à-vis de l'appareil du PS.
Les récentes déclarations de Raphaël Glucksman me semblent assez satisfaisantes, mais elles ne suffisent pas à lever mes réserves.

Que me reste-il ? Deux listes desquelles il faudrait se détourner si l'on écoutait les sondages.

D'abord la liste du "Printemps européen".
J'ai été séduit par l'idée de Yánis Varoufákis de créer un parti européen transnational, par les idées qu'il développe dans ses livres et par sa stratégie à deux étages : à court terme en infléchissant les politiques européennes dans le cadre des traités existants et à l'horizon de 2025 en travaillant à l'élaboration d'une nouvelle constitution européenne.
J'ai en revanche déploré son ralliement un peu hâtif à Generation.s. Il a, me semble-t-il, empêché un rassemblement plus large.
Certaines propositions de cette liste ne me paraissent pas pertinentes : c'est le capital et ses détenteurs qu'il faut taxer, pas les robots. Avec de telles mesures on n'aurait développé ni les métiers à tisser ni le chemin de fer !
Le revenu universel peut conduire à renoncer à une répartition plus juste des revenus au stade primaire, ce qui est pernicieux car encourageant le discours de droite anti-assistés.
Malgré ces désaccords, je peux comprendre que l'on vote pour cette liste.

Enfin, reste la liste PCF - République et Socialisme - Gauche européenne
Le PCF s'affirme nettement contre la dérive néolibérale de l'Europe. Ses actes passés sont en accord avec ce discours, puisqu'il a refusé et voté contre tous les traités européens ayant conduit à cette dérive.
Il a toujours été pour un rassemblement de la gauche.
C'est aussi un parti composé de militants dévoués et cultivés politiquement. Il serait dommage pour la France qu'il disparaisse. L'idée communiste a sans doute besoin d'être actualisée, mais n'oublions pas que notre système social en est une concrétisation à laquelle les Français sont attachés.
Alors que le mouvement des gilets jaunes traduit le sentiment d'une grande partie de la population qu'elle est rejetée ou ignorée par le personnel politique, la présentation d'une liste composée à 50 % d'ouvriers et d'employés apporte un début de réponse. Elle est donc de nature à faire refluer l'abstentionnisme et à échapper à l'alternative suicidaire pour la démocratie "C'est moi Macron ou le chaos".
Enfin, cette liste propose explicitement l'élaboration d’une "stratégie industrielle" écologiquement soutenable et parle des transports (arrêt de la fermeture des lignes ferroviaires, programme pluriannuel de ferroutage par exemple).

C'est pour ces raisons que dimanche 26 mai,
je voterai pour la liste PCF - République et Socialisme - Gauche européenne

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