"La vertu est le juste milieu entre deux vices." Aristote.
Dans le fla-fla ambiant, la vertu, comme la confiture, dégouline par les trous de la tartine médiatique, étalée par des commentateurs aguerris, un quarteron de généraux en retraite et quelques philosophes encore en activité, hélas. Bouillant d'un éréthisme toujours recommencé au service de grandes causes choisies, ils (et elles) répandent leur science afin d'éveiller nos consciences.
Sapristi, quel élan, quel souffle, quelle ardeur, des cris, pas des chuchotements, des principes, des bons sentiments, c'est inspirant, c'est rassurant, quel bonheur, ça fait chaud au cœur, le vice est dénoncé, la barbarie condamnée, l'humanité, enfin, se reconnaît : accueil des réfugiés, droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, respect du droit international ! Verrait-on levée l'aube du jour couleur d'orange que chantait Aragon, la bête immonde extirpée de son ventre fécond ?
Mais, si "Toute vertu est fondée sur la mesure", selon le regretté Sénèque, il serait quand même édifiant, en effet, sans exonérer les auteurs des dévastations actuelles en Ukraine, d'ausculter les poussées vertueuses déclarées au regard d'autres causes et d'autres situations tout aussi porteuses d'injustices, de mort et également haïssables.
Ils seraient beaucoup plus crédibles et puissants, ces mêmes principes, s'ils s'appliquaient objectivement à toute souffrance de quelque territoire qu'elle s'élève, s'ils suscitaient les mêmes indignations, les mêmes condamnations, aboutissaient aux mêmes sanctions. De quelle force décuplée ne disposeraient-ils pas !
Mais que nenni ! Non seulement ce n'est pas le cas mais ils sont bien souvent bafoués sans complexes quand ce n'est pas d'un soutien complice et criminel dont bénéficient ceux qui les piétinent impunément.
Faut-il donner des exemples ?
Bref, et pour longtemps, sans doute, "Le monde n'est qu'une branloire pérenne." (Montaigne).