Croire, c'est ce qu'il y a de plus facile. Et penser, c'est ce qu'il y a de plus difficile au monde." Ferdinand Buisson.
"Le chemin se fait en marchant." Antonio Machado.
A partir de la IVème République, en 1946, puis de la Vème en 1958, le principe de laïcité, a pris une valeur constitutionnelle. En effet l'article 1er du titre 1 de la Constitution du 27 octobre 1946 ayant trait aux institutions de la République française énonce : "La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale." Ces termes sont exactement repris à l'article premier de la Constitution du 4 octobre 1958 suivis de "Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances." Le Conseil Constitutionnel l'a confirmé le 21 février 2013 en déclarant : "Le principe de laïcité est garanti par la Constitution".
Cela n'a pas évité quelques entorses : la loi laïque n'a pas concerné les colonies où existait depuis 1881 un Code de l'Indigénat, discriminatoire ; elle ne s’applique toujours pas dans les trois départements de l'Alsace Moselle qui sont restés sous le régime concordataire de 1801, après leur retour à la France en 1918, ni dans certaines collectivités d'outre-mer. On a connu des empoignades historiques, notamment en matière scolaire, des brèches ont été ouvertes dans l'édifice laïque : en 1959, la loi Debré institutionnalise le financement public des écoles privées sous contrat. N'oublions pas qu’en 1984, le projet d'un grand service public unifié et laïque d’enseignement, porté par Alain Savary, est abandonné sous la pression des catholiques défenseurs de l'école qu'ils qualifient de "libre".
Des interprétations divergentes de la lettre et de l'esprit du texte de 1905, la méconnaissance de son histoire, des adjectivations douteuses, ont semé la confusion et nourri les polémiques.
Non, la laïcité n'est ni antireligieuse, ni agnostique, ni athée, ce n'est pas une sorte de religion civile mais un principe qui permet, à priori, la vie commune d'individus où de groupes quelles que soient leurs origines, leurs coutumes, leurs sensibilités ou croyances, sans présupposés d'aucune sorte.
Elle ne se réduit pas à la tolérance, nécessaire dans la société civile, elle n'est pas une doctrine ou une idéologie parmi tant d'autres, mais le fondement juridique qui autorise leur expression, la puissance publique, l’Etat, s’abstenant de prendre parti afin d'assurer une coexistence pacifiée et juste dans le cadre de l'ordre public républicain.
Elle ne peut être ni "ouverte, agressive, apaisée, exigeante, tolérante, combattante, saine, chatouilleuse..." ni même "exagérée" comme le déclarait le pape François*, elle est substantive par essence.
Il y a régulièrement des velléités malsaines de "toilettage" de la loi, un véritable détournement du passé, où ce qui importe n'est pas le texte proprement dit, ni l'histoire exacte de son élaboration, mais l'interprétation que l'on s'en fait de manière partisane et qui ouvre la voie à l'incompréhension, pire à l'instrumentalisation, voire à la falsification assumée à des fins bassement politiciennes.
Il n'est, bien entendu, pas question de sacraliser un texte, ce qui serait un comble, mais de tenter d'y voir clair, de comprendre sa genèse, les débats et les combats d'hier, les choix théoriques et pragmatiques qui ont été faits alors, de s'interroger, aujourd'hui, sur sa pertinence face aux nouveaux défis et aux enjeux de notre temps, de penser le rôle déterminant de l'école publique, car le concept de laïcité, n'est pas inné : c'est une construction individuelle par ce que l'historien Claude Nicolet appelait "un exercice spirituel", une "laïcité intérieure" ou "intériorisée", acquise par la connaissance et l'exercice de la raison.
*"La petite critique que j’adresserais à la France à cet égard est d’exagérer la laïcité." Pape François, La Croix, 16 mai 2016.