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Billet de blog 7 janv. 2023

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Demain la gauche...(2)

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"La politique, c'est ce qui est faisable." Max Weber.                                     

     Rendre la politique aimable, goûtue et qui ait du retour, n'est pas, seulement, pour la gauche, une question de pratiques et d'habitudes. Le mal est plus profond, la crise est structurelle, le salut culturel.

     Ainsi la question des projets. Contrairement à ce qu'affirme l'auteur, il y a bien eu lors des dernières élections, une "ambition programmatique" forte sur la situation des salaires, du temps de travail, des services publics, de la fiscalité notamment. Il suffit de relire "L'avenir en commun" ou "La France des jours heureux" par exemple, pour découvrir une offre politique substantielle, détaillée, ambitieuse qui pouvait, en effet, ouvrir des possibles prometteurs. Pourtant, force est de constater qu'un bon programme n'a pas suffi à emporter l'adhésion (des sondages laissaient entendre que 60 à 80% des mesures proposées par la gauche à la présidentielle étaient soutenues par les Françaises et les Français). Le "Il y a une majorité pour nos idées" de Jean-Luc Mélenchon n'a pas rempli les urnes.

     Alors, inutile de s'égosiller en criant rageusement haro sur le baudet Roussel coupable de division mais se demander plutôt pourquoi le principal protagoniste, s'il peut légitimement se flatter de la progression de son score depuis 2017, n'en viendrait-il pas à questionner son insuffisance à forcer la qualification. Que n'a-t-il été capable de rassembler 25,87% des voix comme Ségolène Royal en 2007, 28,63% des voix comme François Hollande en 2012, ou même les 25,85% des voix de François Mitterrand en 1981, qui ont permis l'accès au second tour et même, par deux fois, la victoire, alors même qu'il y avait une forte concurrence à gauche ?

     Ne serait-ce pas plutôt faute de réponses claires et crédibles sur les voies et moyens qui, le moment venu, auraient permis une mise en œuvre effective des mesures radicales annoncées et validées par le suffrage, face aux résistances, aux obstacles divers qui s'y opposeraient inévitablement et vigoureusement ? Sur les leviers nécessaires pour faire face à un Medef vent debout, aux carcans de l'Union européenne, aux institutions cadenassées ? Sur quelles représentations, quelles mobilisations, sur quelle ardeur populaire et démocratique bâtir un rapport de force conquérant ? Une carence, source de déception et de désillusion assurées, mère de l'abstention, et qui ravale la politique à une machine à désespoir pour celles et ceux qui, pourtant, y auraient cru. 

     Mais cet assortiment argumentatif ne circonscrit pas totalement la quadrature de cette impuissance politique à "changer de cap", à "changer la vie" (titres de feux les programmes du PCF et du PS en 1971/1972). Car, si la République est toujours réputée "indivisible", la société française est de plus en plus parcellisée  comme le démontre Jérôme Fourquet dans "L'archipel français" paru en 2019. Fractures sociales, classes populaires dispersées, "uberisées", séparatisme des élites et des riches, affirmations multiculturelles, velléités communautaristes, revendications identitaires ou nombrilistes, mise en cause du principe de laïcité, prospèrent sur le champ de ruine des référentiels culturels communs, des récits partagés, des idéologies politiques ou religieuses déconsidérées ou abandonnées, des anciens clivages bien identifiés portés par de grandes masses et leurs représentants patentés (monarchistes/républicains, révolutionnaires/réformistes, bourgeois/prolétaires…)

     Dès lors, face à ce processus d'"archipélisation", comment s'adresser à chacun et proposer à tous, comment rassembler les pièces du puzzle, concevoir un dénominateur commun mobilisateur et réussir durablement à associer dans un projet collectif des intérêts particuliers et divers, comment provoquer une véritable insurrection des consciences autour du bien commun partagé, une fédération des volontés pour le réaliser et "fatiguer le doute du peuple " en faisant reculer le rejet de l'autre et les peurs du lendemain, le repli sur soi mortifère, en redonnant confiance dans l'action publique, en faisant le pari de la réussite de ceux qui se dévouent à la défendre et la promouvoir ? Tel est l'enjeu. Il est culturel.

(à suivre…)

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