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Billet de blog 10 mai 2021

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Abus de faiblesse

"Dans les siècles troublés, faiblesse devient crime." Anonyme.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

          Les adhérents du PCF, à hauteur de 72,42%, ont décidé, ce 9 mai, de présenter une candidature communiste à l'élection présidentielle de 2022 et 82,36% ont choisi de désigner leur secrétaire national, Fabien Roussel, comme candidat. Ils se sont prononcés à l'issue d'une procédure démocratique et légitime, conformément au droit de vote que leur donne le versement de leur cotisation et en vertu des statuts de leur formation politique.

          Faut-il rappeler, à cette occasion, que, selon l'article 4 de notre Constitution, les partis "concourent à l'expression du suffrage". Donc acte.

          Incontinent, les commentaires n'ont pas tardé, déploration plus ou moins sincère à la clé, sur le thème de la division.

          Mais le problème n'est pas que la gauche soit divisée, le problème est que la gauche est faible, partant, peu audible. Il y a 40 ans, cinq candidats de gauche (plus un écologiste mou) se disputaient les suffrages au 1er tour de l'élection présidentielle mais deux d'entre eux représentaient 41% des électeurs. On sait ce qu'il advint.

          La gauche est faible parce que discréditée par son histoire récente, notamment la gauche dite "de gouvernement" dont les turpitudes hollandaises et leur avatar macronien rejaillissent sur les autres composantes, amalgame qui dévalorise gravement le mot "gauche".

          La gauche est faible parce qu'inefficace dans ses mobilisations dont aucune, depuis des décennies, n'a abouti à des avancées progressistes tangibles.

          La gauche est faible parce qu'incohérente, dispersée ou confuse dans ses revendications, ses mots d'ordre et incapable de coaliser les mouvements autour d'un projet politique fiable.

          La gauche est faible parce qu'elle a oublié le peuple, remisé le combat de classe et privilégié nombres de revendications sectorielles, voire identitaires. Et elle ne sait plus de qui elle est le nom et quelle est sa raison d'être.

           La gauche est faible parce qu'elle ignore et oublie de mettre en valeur les expériences réussies, les initiatives heureuses, l'économie sociale et solidaire, les combats victorieux.

          La gauche est faible parce qu'inconstante dans ses visées sur bien des sujets sensibles, peu porteuse d'anticipation émancipatrice lisible, malhabile à dessiner un horizon d'attente désirable.

          La gauche est faible car impuissante à se singulariser nettement et clairement de la droite.

          La gauche est faible parce qu'elle a perdu la voix, on lui a coupé la langue des réalités et de l'espoir. Et, en l'état actuel des choses, il serait opportun de se débarrasser absolument et définitivement de ce corset dont le corps des baleines étouffe toute pensée vivante : les lamentations sur l'absence de candidat commun, le trompeur "Macron a échoué", le stérile "faire barrage à…", la prophétie catastrophe du 2ème tour, genre 2017, le terme "se mobiliser" qui ne veut plus dire grand-chose.

          La gauche est faible parce qu'elle a perdu le sens du réel et abandonné ses rêves.

          La gauche est faible parce qu'elle a déserté le combat culturel.

          La situation est grave et la menace perceptible, le contre-pied fera le contrepoids pourvu que chacun s'attache à proposer une vision politique effective et crédible si l'on veut espérer et démentir l'avenir.*

Là est l'enjeu. Et les électeurs trancheront.

Ah, oui, cette candidature communiste ? J'y reviendrai…

*"Espérer, c'est démentir l'avenir." Cioran

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