Henri GIORGETTI

Abonné·e de Mediapart

169 Billets

0 Édition

Billet de blog 10 juillet 2025

Henri GIORGETTI

Abonné·e de Mediapart

La morgue et le mépris

La capitale du Luberon et du fruit confit menacée de frappe chirurgicale.

Henri GIORGETTI

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

          "Espérer, c'est démentir l'avenir." Cioran.

     Perché sur ses certitudes idéologiques et technocratiques, confit de morgue et de mépris, voici Yannick Neuder, ministre "de la santé et de l'accès aux soins" (sic), qui, interpelé par la députée de la 5ème  circonscription du Vaucluse, à propos de la fermeture programmée du bloc chirurgical du Centre hospitalier du pays d'Apt, a déclaré lors de la séance des questions au gouvernement à l'Assemblée nationale, le 8 juillet 2025 : "La situation ne doit pas se traiter à coups de slogans ou de nostalgie" !

     Ainsi, celles et ceux qui, unanimes, personnels soignants, usagers, maires et élus, parlementaires, syndicats, associations, citoyennes et citoyens, se mobilisent et luttent conjointement depuis un mois pour un centre hospitalier pérenne et performant menacé d'être transformé et en un étriqué "hôpital de proximité", partant de perdre son service de chirurgie et d'anesthésie, seraient accoutrés en porteurs de pancartes sur des haillons de nostalgie !

     Car, face aux ignares provinciaux que nous sommes, le sachant ministre montre la voie, la seule, bien sûr, en expliquant ce qui est bon pour la population d'Apt et son bassin de vie. Et puis, que voulez-vous, il faut réduire le déficit du susdit établissement ! (un déficit de 3,6% par an, comme c'est le cas pour 75% des hôpitaux publics d'ailleurs !).

     Pour sa part le directeur de l'ARS PACA avait déjà et fidèlement annoncé la couleur il y a quelques jours, en réponse à la maire d'Apt, pour ce même objectif qui justifiait la transformation programmée, objectif affiché sans vergogne qui consistait donc à "résorber le déficit". Solution dogmatique, parfaitement scandaleuse, face à l'enjeu du droit à la santé menacé par cette opération et du principe d'égalité d'accès aux soins qui serait sacrément bousculé.

     Et, in cauda venenum, le ministre d'ajouter dans sa péroraison (funèbre) : "…Madame la députée, en cas d'infection chirurgicale grave est-ce que vous vous feriez opérer dans cet hôpital… ?" Le corps médical de "cet hôpital" appréciera la saillie ! Après la morgue et le mépris, voici l'indignité.

     Et ce même jour, lors de la tenue du Conseil municipal d'Apt, Dominique Santoni, ci-devant maire d'Apt et aujourd'hui présidente du Conseil départemental de Vaucluse, après avoir écouté les arguments partagés entre les membres de la majorité et de l'opposition municipales en faveur du Centre hospitalier, sans piper mot, a finalement exprimé clairement son désaccord, assorti d'un surprenant conseil : "Il faut arrêter de s'agiter et il faut réussir à parler avec le ministre". Ainsi, après le slogan, la nostalgie, c'est l'agitation qui est convoquée pour déconsidérer et démobiliser des milliers de personnes qui, depuis un mois, à l'annonce funeste, déploient une saine énergie pour sauvegarder la proximité et la qualité des soins qui répondent aux besoins de tout un territoire de 30 000 âmes.

     Ah çà mais, on agit ici-bas, en guise d'action annoncée, tenez-vous bien, la dame de poursuivre : "Je vous ai dit il y a une quinzaine de jours ou trois semaines [sic] que j'obtiendrai le rendez-vous, à nouveau je m'y engage." Bel engagement, rencontrer (peut-être) le ministre pour réussir à "parler" (de quoi au juste quand on connaît déjà la réponse d'icelui ?). Dérisoire et démagogique !

     Avec une telle posture ministérielle, (peu surprenante en somme, tant elle est le fruit d'une politique de casse des services publics menée par le pouvoir depuis des lustres avec les résultats ravageurs que l'on sait !), et de tels conseils vernaculaires (quels présupposés, quels attendus, quelle efficacité réelle ?), le droit à la santé en Luberon risque d'en prendre un sacré (mauvais) coup.

     De quoi renforcer l'indignation, la colère et la détermination de celles et de ceux qui défendent hardiment le Centre hospitalier du pays d'Apt ! Car mettre tout un territoire en lieu de désespoir ne peut que multiplier sa force, accroitre son courage et décupler sa volonté…pour démentir l'avenir.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.