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Billet de blog 12 avril 2024

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Délibérer, mais pas trop

Petite chronique édifiante suite au Conseil municipal de la ville d'Apt (Vaucluse) du 11 avril 2024, au sujet d'une proposition de budget participatif.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

  "La démocratie, c'est l'exercice social et politique de la modestie."   Albert Camus.

     Notre* proposition d'amendement au budget 2024 pour un projet d'investissement participatif a été, une nouvelle fois, rejetée par la majorité municipale lors de la séance du 11 avril 2024. Les justificatifs invoqués sont assez pitoyables mais servis avec une arrogance désinvolte et décomplexée. 

     D'abord, cette proposition, déjà présentée au vote lors des deux années précédentes, annoncée clairement, notamment, lors du débat d'orientation budgétaire tenu le 20 février dernier, était donc attendue, sans surprise et, en bonne logique, la majorité se devait de l'examiner soigneusement avant d'y répondre sur le fond.

     Que nenni. Sitôt présenté, retoqué sur-le-champ, l'amendement, car, figurez-vous, l'Adjoint aux finances déclarait ingénument "ne pas y avoir réfléchi" pour justifier son rejet ! Révélation pour le moins insolite, attestant d'un manque de considération, voire d'un certain mépris pour les conseillers municipaux d'opposition à l'origine de cette proposition et qui écorche douloureusement le fonctionnement démocratique de notre assemblée délibérante.

     Par ailleurs, on prétend ne pas avoir les moyens pour satisfaire cette demande, alors que la somme de 87 000 euros proposée (8 euros par habitant)  ne représente que 0,99% du budget d'investissement prévu. Une cité voisine comme Le Thor, par exemple, qui compte une population à peu près équivalente à la ville d'Apt, alors qu'elle est soumise, sans nul doute, aux mêmes contraintes budgétaires évoquées pour justifier le refus, met à la disposition de sa population un budget participatif de 250 000 euros !

     J'ai peine à admettre cet argument rabâché du "pas possible" interdisant de prélever ce modeste montant sur d'autres dépenses d'investissement prévues au budget 2024. Je pense notamment aux sommes faramineuses consacrées à la vidéo surveillance dont, depuis des années je m'efforce de dénoncer, en vain, le coût exorbitant pour le budget de la commune, l'efficacité plus que douteuse en matière de prévention et le côté attentatoire aux libertés publiques, comme le prouvent clairement études universitaires et rapports officiels.

     Et, dire que le dispositif de budget participatif n'est "pas encadré", comme l'a affirmé, sans vergogne, Madame le Maire, démontre la méconnaissance évidente des règles strictes et nécessaires qui sont exigées pour sa mise en œuvre. Il suffisait de se renseigner auprès de villes qui se sont lancées dans cette expérience, outre Le Thor, Cavaillon, Carpentras, Bollène, Gargas…pour s'en tenir à notre département, et être honnêtement informé.

     On apprend également que la majorité n'avait ni "prévu", ni "travaillé dessus" (sic) car nombre de ses membres méconnaîtraient le dispositif de budget participatif. Ainsi l'ignorance tiendrait lieu de créance ! Or, depuis trois ans que le sujet est mis à l'ordre du jour, un petit effort de recherche, une simple requête sur internet, auraient permis, en quelques clics, de collecter les informations nécessaires. Ce qui, pour le moins, devrait être la responsabilité minimale de chaque élu conséquent, toutefois de celle ou celui qui souhaiterait assurer son propre jugement et son vote en toute connaissance de cause et non par un confortable abandon au poids de la hiérarchie ou à la solidarité moutonnière du groupe.

     Faut-il donc rappeler qu'un budget participatif est un processus consistant à allouer une part du budget d'investissement de la commune à des projets proposés par les citoyennes et citoyens, à charge aux services de la ville, après instruction, sélection, validation par une délibération du Conseil municipal, de procéder à leur réalisation ? C'est un outil pertinent qui permet d’impliquer directement et concrètement la population à la gestion de sa cité, à l'amélioration de son cadre de vie.

     Alors, foin des "pas réfléchi, pas possible, pas encadré, pas prévu" et autres balivernes, assumez donc, Mesdames et Messieurs de la majorité, un choix idéologique qui témoigne probablement de votre réticence à accepter une proposition venant de l'opposition, voire d'une incapacité à concevoir qu'une prise de décision, même circonscrite, puisse être partagée par les citoyennes et les citoyens aptésiens. C'est, de votre part, un enjeu de démocratie locale méconnu, une posture politique regrettable, déphasée et dommageable.

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*Céline Celce, Henri Giorgetti, Conseillers municipaux d'Apt…d'opposition…mais pas que.

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