Henri GIORGETTI

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Billet de blog 12 décembre 2015

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Plus jamais ça !

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

J'enrage, je peste, je fulmine.

Je convoque les jurons, les gros, les gras, et cetera... Electeur en PACA, privé de capacité de choix, une fois de plus, avoir à balancer entre l'extrême droite et la droite peu ragoûtante, devoir me prononcer contre, comme en 2002, me voici, comme beaucoup, frustré, bafoué, offensé.

Oui, 6 000 000 et quelques voix se sont portées vers un parti d'extrême droite. "Le choc" titraient le Figaro et l'Humanité ! Mais quoi, on découvre qu'il y a une extrême droite en France, xénophobe, identitaire, ultra-orthodoxe et potentiellement violente ? Mais c'est tout de même 400 000 voix de moins que M. Le Pen en 2012. Rapportées aux inscrits cela représente 13%. La réalité, c'est donc que l'électorat français, à 87%, a dit non au FN, sans compter les "sans voix".

Mais, s'il a dit non, il n'a pas pour autant dit oui à une offre politique crédible, notamment à gauche. Un électeur sur deux s'est abstenu ! S'il y a "montée", comme le rabâchent les commentateurs éclairés, il y a surtout "descente", désintérêt, rejet. Pour ne pas dire dégout ! Là est le fond du problème.

J'enrage, je peste, je fulmine.

Contre tous ceux qui en sont les promoteurs, depuis trente ans, et qui feignent aujourd'hui de s'indigner, la main sur le coeur, au nom des valeurs, de la morale et tutti quanti. Notamment à "gauche", si ce mot a encore un sens. (Que d'autres s'occupent de la droite). Contre cette schizophrénie contemporaine qui consiste à se plaindre des conséquences alors qu'on en chérit les causes (1). 1984, 2005, 2012, cela ne vous rappelle rien ? Les espérances trahies, le mépris de la volonté populaire, le renoncement aux engagements. Finis le progrès social, la quête de l'égalité, la visée démocratique. Tout pour la compétitivité, la réduction du déficit public, haro sur le coût du travail. Toute "réforme" est un recul, "Ouvert le dimanche", ça, c'est le progrès ! Chômage à 10% ! Vive l'entreprise ! Et pour les jeunes, no future !

 Résultat : humiliation, relégation, perte de sens. Voici le terreau du désarroi, des peurs, de la colère. C'est le fond de commerce du FN.

J'enrage, je peste, je fulmine.

Devant ce vide de la pensée progressiste, cette absence d'audace, ces compromis électoraux. Là où il faudrait un langage, un récit, un horizon d'attente mobilisateurs, on n'a que quelques réflexes pavloviens vite cabossés par les coups de bâton d'un adversaire politique déterminé et cohérent.

On a renoncé à un quelconque logiciel, à la théorie, ce n'est plus à la mode. On a renoncé à nommer, avec vigueur, la réalité des rapports sociaux, à la dévoiler, pour la transformer. On se "rassemble", mais pour quoi ? On veut "faire barrage", mais on ne tarit pas le source. On néglige la culture émancipatrice, les représentations populaires. On invoque la laïcité, mais on y colle des milliers d'adjectifs qui la dénaturent.

La gauche radicale (celle qui serait censée s'attaquer à la racine des choses) a remisé "la poudre et les balles"(2) de la critique. Avec quelles armes, dès lors, provoquer cette "insurrection des consciences" (3) indispensable, cette fédération des volontés ? Le peuple est dissout, les partis sont déconsidérés.

J'enrage, je peste, je fulmine.

Car je crains, hélas, que lundi matin, tout recommence. Vieux réflexes et langue de bois. Alors que c'est une reconstruction qui s'impose, une véritable refondation de la pensée et de l'action. Je l'appelle de tous mes voeux. Courage !

J'irai voter dimanche. Je me fais encore violence.  

Plus jamais ça !

(1) Paradoxe de Bossuet : "Dieu se rit des hommes qui se plaignent des conséquences alors qu'ils en chérissent les causes"

(2) V. Hugo, L'enfant grec

(3)  expression de  P. Rabhi

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.