Henri GIORGETTI

Abonné·e de Mediapart

169 Billets

0 Édition

Billet de blog 13 avril 2022

Henri GIORGETTI

Abonné·e de Mediapart

Prendre les chiffres à la lettre ?

Henri GIORGETTI

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

          "Et seize et seize qu’est-ce qu’ils font ?
          Ils ne font rien seize et seize
          Et surtout pas trente-deux
          De toute façon

          Et ils s'en vont."

          Jacques Prévert, Page d'écriture.

     Les chiffres sont connus, les répétiteurs patentés les rabâchent depuis dimanche soir, sans doute à l'adresse de quelques cancres notoires : 21,95 et 2,28 font 24,23, qui, à l'évidence, font plus que 23,15. Autrement dit, le score de Fabien Roussel est cause de la non qualification de Jean-Luc Mélenchon distancé par Marine Le Pen de 420 882 voix pour le second tour de l'élection présidentielle. A la déception, il fallait un coupable, les chiffres avaient parlé, voilà, se non è vero è bene trovato et ça évite de penser.

     Mais dès lors qu'on applique cette "arithmétique politique" (l'expression est d'Eric Coquerel), pour expliquer cet honorable fiasco, alors, en additionnant les voix de l'ensemble de la gauche (un mot qu'Alexis Corbière a qualifié de "répulsif" lors d'un débat télévisé, notez-le !), on arrive à un potentiel de 32% avec les voix écologistes, bien loin de la majorité absolue nécessaire pour entrer à l'Elysée, on ne peut donc que conclure à l'impossibilité d'une victoire, par conséquent à quoi bon être au second tour, déplorer de ne pas y être, les chiffres ont disposé, le match est plié !

     Donc, la cause est entendue, avant le 1er tour, l'union, qui aurait conduit au succès, ils ne l'ont pas voulue. Eh, de qui parle-t-on ? De Nathalie Arthaud, de Philippe Poutou, qui auraient pu verser leur maigre écot au pot commun ? Que nenni, ils bénéficient d'une sorte d'immunité électorale, d'une négligence un peu condescendante. L'opprobre s'adresse à Fabien Roussel et à Anne Hidalgo.

     Mais pour celles et ceux qui auraient la mémoire courte, après les chiffres, les lettres, un petit rappel s'impose.  Qui a dit, le 19 octobre 2021, comme l'exhume cruellement le Canard enchaîné de ce mercredi, "L'union avec Anne Hidalgo ou Fabien Roussel n'aurait pas de sens" et le 17 janvier 2022, "Je ne suis pas leur copain, que cela soit dit une bonne fois pour toutes…Ce n'est pas d'union qu'on a besoin, c'est de clarté et de mobilisation populaire" ? Vous avez probablement deviné.

     Alors, barboter dans une bisbrouille stérile, stigmatiser la concurrence, traquer le bouc émissaire, en brandissant la calculette, en s'exonérant de toute responsabilité, empêche d'analyser concrètement et lucidement une situation complexe qui révèle un rapport de force calamiteux pour le champ progressiste face à une droite lepenisée, au pataugis macronien, et détourne l'espoir de "fatiguer le doute" *, notamment des 12 824 149 électrices et électeurs qui se sont abstenus. 

      Ce n'est pas gagné.  Avez-vous jamais entendu lors des diverses interventions médiatiques des supporters du leader Insoumis, la moindre interrogation, la moindre critique quant au contenu de son offre politique, à la stratégie adoptée, à la posture du candidat, à l'effet de l'appel au "vote utile" maquillé "efficace", jadis qualifié en 2012 de "camisole de force qui "culpabilise les électeurs" par Jean-Luc Mélenchon, sur le résultat d'icelui ? Jamais.

     Alors, que chacun, à gauche, gratouille d'abord sa propre litière pour en chasser les déplaisantes odeurs, fasse preuve de courage et de lucidité pour aborder l'étape législative avec quelque chance d'y faire bonne figure sinon de l'emporter.

     Une ouverture possible ?  Selon l'AFP de ce jour, Manuel Bompard déclare que la France insoumise est favorable à des discussions avec les autres partis de gauche pour les législatives. Mais c'est à condition que le "regroupement" (sic) se fasse autour du programme porté par Jean-Luc Mélenchon.

     Là encore, ce n'est pas gagné, mais si l'on compte "démentir l'avenir" **, il ne faut pas désespérer.

                                                                        ----------------------------

* Jean Jaurès, "Nous voulons fatiguer le doute du peuple par la persévérance de notre dévouement."

**Cioran, "Espérer, c'est démentir l'avenir."

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.