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Billet de blog 15 novembre 2023

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Revenir à la réalité

Vous avez dit "terrorisme" ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

          "La connaissance des mots conduit à la connaissance des choses." Platon. 

     On reproche à certains, encore aujourd'hui, à coups de fulminations indignées et itératives de s'être écartés du cortège. Leur culpabilité ? N'avoir pas clamé haut et fort, à gros clairon, à l'unisson : "Le Hamas est une organisation terroriste" !

     Depuis des semaines, les abstracteurs de quinte essence auto proclamés, plantent les tréteaux, bourrent les micros, saturent les réseaux, et pensent, qu'en répétant, on peut faire passer un plat à barbe pour l'armet de Mambrin. Leur but, charbonner hardiment les poseurs de doute. Ainsi, pour ne pas l'avoir nommé, voici les mis en cause déclarés complices du terrorisme, pire, suppôts de l'islamisme, fourriers de l'antisémitisme. Ils seront donc chassés du très respectable "champ républicain".

     Oui, donc, qu'est-ce que ça peut bien vouloir dire une "organisation terroriste" ? Et qui décide de ce label ? Et quelle est la valeur heuristique d'une telle qualification ? Ces questions ne seront pas posées, il est bien plus pratique, sans instruction, de condamner le mécréant et le vouer, aussi sec, à l'estrapade.

     D'abord, pour la forme, notez bien que seuls les Etats-Unis et l'Union européenne classent le Hamas comme "organisation terroriste" mais pas le reste majoritaire du monde et il n'y a jusqu'à ce jour aucune définition juridique du "terrorisme" pour l'ONU.

     Sur le fond, comment comprendre qu'on n'ait pas la lucidité et le courage de s'interroger sur ce qu'est "le terrorisme", qui reste un concept nébuleux dont force est de constater que jamais personne n'en a fait un projet politique affiché exclusif ? Il n'y a pas de terrorisme en soi. Certes, au nom de tel ou tel engagement, des actes semant la terreur sont commis, l'ANC, le FLN, l'Irgoun par exemple y ont eu recours dans le passé dont certains de leurs membres qualifiés alors de "terroristes" sont pourtant devenus des dirigeants du lendemain reconnus.

     Déclarer une organisation de "terroriste", outre provoquer un effet de peur anesthésiant sur les populations, a l'avantage, si l'on peut dire, de désigner l'ennemi comme le Mal absolu qu'il faut, évidemment, éradiquer, mission impossible, comble de l'absurde* ! On occulte ainsi, aveuglément, ou volontairement, les conditions réelles qui l'ont conduite à user de violences, conséquences tragiques d'une situation historique où, un état, Israël en l'occurence, a organisé "sur les territoires qu’il a pris, l’occupation qui ne peut aller sans oppression, répression, expulsion et s’y manifeste contre lui la résistance qu’à son tour il qualifie de terrorisme", comme le disait Charles De Gaulle le 27 novembre 1967.

    Par conséquent, comme il est inconcevable de négocier avec le Diable pour tenter de sortir d'un conflit dont il est l'unique fauteur bien sûr, on patauge dans une impuissance morbide et définitive. Collatéralement, on emballe dans une même damnation les gens qui défendent une cause jugée respectable, qui tentent d'en décrypter honnêtement les caractères, sans manquer toutefois d'en condamner les actes barbares qu'elle a pu provoquer.

     Aussi efficace que la lance de Don Quichotte pourfendant les Géants, la guerre "juste" et civilisationnelle menée par l'Occident sous drapeau américain contre "le terrorisme" désormais "islamique", bien qu'ayant mal tourné partout depuis le début du siècle, est à nouveau exhumée depuis le 7 octobre dernier. Echec garanti et sans excuse.

     Alors, l'assassinat de civils, sous les balles ou sous les bombes, s'appelle précisémment "crime de guerre", "crime contre l'humanité", horreurs passibles de tribunaux internationaux devant lesquels devraient être traduits leurs auteurs, quels qu'ils soient.

     Partir des réalités, nommer précisément les choses, n'est-ce pas mieux vouloir les comprendre, pour mieux les maîtriser ?

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*"Israël mène la bataille du monde civilisé contre le mal." Isaac Herzog, président israélien.

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