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Billet de blog 16 juin 2024

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Faire front !

Nouveau Front populaire, tout comme avant, la droite décomplexée, mais consciente de ses intérêts, se déchaîne.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

     "Ce qui barre la route fait faire du chemin." Albert Camus.

     Depuis l'annonce de la constitution d'un Nouveau Front Populaire entre Communistes, Ecologistes, Insoumis et Socialistes et surtout, la publication de son programme sous la forme et l'appellation de "Contrat de législature", les papy-boomers rajeunissent grave. Car, comme il y a 52 ans, après le 27 juin 1972, suite à la signature du Programme commun de gouvernement entre le Parti communiste français et le Parti socialiste, bientôt rejoints par le Mouvement des Radicaux de gauche, dans un semblable tintamarre titanesque, on entend les mêmes discours, les mêmes acclamations des uns, et surtout, les mêmes fulminations des autres.

     Les contractants, ont, bien évidemment, salué l'événement, qualifié unanimement d'historique, de Georges Marchais naguère, "Cet accord fera date dans l'histoire du mouvement démocratique ouvrier français", à Aurélie Trouvé aujourd'hui, "C'est un moment historique : le lancement du Nouveau Front Populaire" ou Fabien Roussel, "Oui, c'est un jour historique". Vous l'avez compris, après lui avoir posé quelques lapins, la gauche serait donc à nouveau au rendez-vous de l'Histoire.

    Mais, en face, sans surprise, de Renaissance au Rassemblement national en passant par les Républicains, la droite et ses excroissances extrêmes, fervente dépositaire et garante de l'héritage et des intérêts de ses mandants (ils se reconnaîtront), avec une fibreuse continuité, une scrupuleuse constance, un langage carabiné, une logistique médiatique bien huilée, bien déployée, prophétisent  le bordeau, le chaos, si, horresco referens ! les faisant Front venaient à l'emporter le 7 juillet prochain. Platon avait raison, qui notait que "La perversion de la cité commence par la fraude des mots".

     Il y a un demi-siècle, je résume, la droite dénonçait la logique collectiviste, stalinienne, rétrograde du Programme commun de la Gauche, prévoyait la ruine des petits épargnants, annonçait les chars soviétiques à la Concorde…

     Depuis trois jours, mensongères, malhonnêtes et malveillantes, mêmes gesticulations, mêmes nasardes, mêmes pétarades : l'application dudit programme (50 milliards, si, si !) conduirait INEVITABLEMENT au gonflement de la dette, à la fuite des investisseurs, à l'escampette des capitaux, finie l'attractivité du pays, à l'inflation, bien sûr, à l'explosion de chômage, au déclassement des couches moyennes, au "retour à une agriculture du XIXème siècle, celui où la famine sévissait encore, l’époque de Marx et Bakoukine, le bon temps quoi !" (Julien Aubert), bref, à la ruine de l'économie, ferait le jeu de l'antisémitisme, la promotion de l'islamo-gauchisme, provoquerait la disparition de nos libertés, atomisée l'identité, et, pour finir, la livraison de nos terres aux ambitions poutiniennes, en un mot, l'apocalypse, "En quelque mois, la France deviendra le Venezuela de l'Europe : criminalité, communautarisme et séparatisme inclus" (Rachida Dati), la France Game over !   

      Certes, pour tenter de rassurer les tremblants, quelques compagnons de route des assaillants, experts éclairés et  visionnaires, attestent que cela ne se produira pas et annoncent malignement que "Cet attelage n'ira même pas jusqu'au bout de cette campagne électorale" (Jean-Marie Le Guen), qualifié de "soupe populaire" par Michel Onfray, puisqu' "On sait bien que c'est une alliance qui est très largement contre-nature." (Jean Garrigues).

     Voici donc le modeste abrégé d'un discours formaté, bien calibré, où l'on retrouve, comme jadis, les mêmes délires outranciers et fétides de la bourgeoisie de droite et du centre pour répandre la peur, effrayer et soumettre au talon de fer de l'ordre établi les bien-pensants et honnêtes gens. Son unique projet, protéger ses intérêts financiers, conforter son fétichisme marchand, soutenir ses fondés de pouvoir politiques sous quelque étiquette ou masque qu'ils se présentent aux suffrages, et dénier au peuple le droit de "Changer de cap" (programme du PCF, octobre 1971), de "Changer la vie" (programme du PS, mai 1972), et "Pour que la vie change dès l’été 2024". (Programme du Nouveau Front populaire. Contrat de législature), et, s'il le faut, plutôt Le Pen que le Front populaire.

     Ces constantes, ces invariants historiques mettent en lumière une réalité volontairement occultée depuis des lustres, notamment par les fumigations macronistes : il existe, en France, des classes, des mouvements, des attentes contradictoires. C'est à la politique, pour le bien de la cité, dans le cadre d'une République "indivisible, laïque, démocratique et sociale" d'en proposer et assurer le dépassement.

     Et finalement, il faudrait plutôt se réjouir qu'après des années d'engourdissement et de pataugis, le clivage droite/gauche retrouve une certaine vitalité, que les enjeux sociétaux et environnementaux soient enfin clairement posés, mais puissent être démocratiquement et sainement débattus si possible et que, par un même élan, le peuple de France se dise, enfin, dans quelques semaines, quelques mois, quelques années, comme le déclarait Léon Blum le 31 décembre 1936, "Il est revenu un espoir, un goût du travail, un goût de la vie. La France a une autre mine et un autre air. Le sang court plus vite dans un corps rajeuni."

     Ce ne sera pas facile, il y aura, là encore, des résistances farouches, puissantes et organisées, auxquelles il faudra faire front.

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