"Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens." (1)
On entend, hier, 15 décembre 2023, une information venant de son porte-parole, régulièrement et complaisamment invité sur nos écrans, que l'armée israélienne a tué trois otages détenus par le Hamas à Gaza. Le babillard galonné s'est fendu en outre d'une explication définitive : les malheureux ont été tués "par erreur".
Ce "par erreur", sommet violemment révélateur d'une désinvolture cynique et répugnante, a été rabâché de concert par les médias français, de BFMTV à Sud Radio en passant par Le Monde, sans aucune distance, ni le moindre commentaire interrogateur, sinon réprobateur. En effet, il est impensable, ici, de tenir des propos qui pourraient chiffonner, pensez donc, quelle incongruité, le gouvernement d'Israël et son armée dite "la plus morale du monde". Celle qui envoie les impies ad patres, ou supposés tels (2) en cette circonstance tragique, au nom d'une justice divine sans doute destinée à faire leur bonheur malgré eux. (3)
Bon, le maître d'œuvre du chantier, Benjamin Nétanyahu a tout de même affirmé (sic) samedi soir qu'il avait eu "le cœur brisé", peuchère. Voilà, direz-vous, braves gens, un bel acte de contrition, une velléité de repentance, une larme sans un soupçon de crocodile. Que nenni. Humain, trop humain, le chef du Likoud ? Mais pas plus loin que le bout de la prochaine "erreur" qui surviendra, inévitablement, puisqu'il a déclaré dans la foulée vouloir maintenir "la pression militaire" à Gaza !
Alors, quand on déverse pendant des semaines des tapis de bombes, des milliers d'obus, sur tout un territoire, toute une ville, tout un quartier, sur chaque immeuble, comment pourrait-il ne pas y avoir d'erreur possible ? Il n'y a qu'une volonté farouche d'extermination, quoi qu'il en coûte. On ne tue pas des gens désarmés "par erreur", on les tue parce qu’on a pris la sinistre habitude d'assassiner délibérément des innocents qu'ils soient palestiniens, surtout, mais aussi otages, journalistes, diplomates, membres d'ONG…
C'est d'ailleurs la doctrine officielle et revendiquée, pratiquée depuis fort longtemps, établie au moment de l'intervention d'Israël au Liban en 2006. Dans un conflit déséquilibré, pour mener la "lutte contre le terrorisme", la seule façon stratégique de parvenir à ses fins serait de détruire infrastructures et habitations au mépris des pertes civiles et des normes du droit international. (4)
Mais, face à ces crimes de guerre, ouvertement assumés, la France n'est pas inactive. En visite à Tel-Aviv, Catherine Colonna affirme avec une louable conviction que les attaques en mer Rouge de rebelles Houthis "ne peuvent rester sans réponse". L'honneur est sauf !
Certes, "L'erreur est humaine" écrivait le regretté Sénèque, mais, dans ce cas tragique, persévérer est diaboliquement scélérat et, au bout du compte, contre-productif car "La politique criminelle d’Israël en Palestine nuit aussi aux juifs !" (5)
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1 - Le légat pontifical Arnaud Amaury aurait prononcé cette phrase lors du siège de Béziers, le 22 juillet 1209.
2 - Traduisez : les Palestiniens.
3 - Voir aussi, Saint Augustin : "Il y a une persécution injuste, celle que font les impies à l'église du Christ ; et il y a une persécution juste, celle que font les églises du Christ aux impies. (...) l'église persécute par amour et les impies par cruauté."
4 - Elle porte un nom, la stratégie Dahiya, du nom d'un quartier de Beyrouth entièrement bombardé et dévasté par l'armée israélienne en 2006, comme c'est le cas à Gaza aujourd'hui. Voir Sylvain Cypel, "L'Etat d'Israël contre les Juifs".
5 - Michèle Sibony.