Drame dans le Vaucluse en ce paisible mois caniculaire. Les lavandes pâlissent, les cigales se taisent, l'air retient son souffle !
Figurez-vous que le 9 août dernier, Julien Aubert, député de la 5ème circonscription d'icelui département, vient, je cite : "d'apprendre ce matin, par un ami, que les intronisations prévues ce soir à Apt pour la fête du fruit confit avait (sic) été annulées, la mienne étant perçue comme "trop politique" dans le contexte municipal par "certains". Je ne savais pas que l'annulation des élections municipales valait suspension de mon mandat".*
Dès lors connu et propagé sur le web, cet événement majuscule local suscite indignation et colère...
Quoi ! "La ville d'Apt est malade de sa politisation. Avant cette lamentable équipe au pouvoir**, il régnait dans la ville une ambiance sympathique où les opinions des uns et des autres étaient respectées. Vivement la relève, vivement la liberté." écrit un ancien maire, Jean-Louis de Longeau (dont les états de services retiennent essentiellement qu'il a, en 2007, contracté un emprunt au nom charmant d' Helvetix, dont les finances locales et les contribuables aptésiens auraient pu longtemps payer le prix fort et ruineux). Bigre !
Ah, mais voilà, on vient de comprendre que le mot "certains" utilisé pudiquement et élégamment par notre élu, ne désignait pas, comme on pouvait le penser, les responsables de la Confrérie des fruits confits aptésiens, qui, par exemple, auraient voulu simplement observer une certaine réserve dans une période pré-électorale sensible, par honnêteté intellectuelle, non, non, ce sont, selon un obscur Marc Jaume, accrochez-vous, les socialistes qui "d'où qu'ils soient et encore plus à Apt maintenant utilisent les pratiques staliniennes du Parti communiste au temps de l'URSS. C'est le parti le plus anti démocratique de France. Il ne faut pas s'étonner qu'une intronisation qui ne met pas un des leur à son avantage doit annulé..." Vous avez bien lu, horresco referens ! Tremblez, braves gens !
Et là, vous le constatez, on n'est pas du tout dans la "politisation" dont parle l'ineffable Jean-Louis De Longeau, l'ambiance est sympathique, presque affectueuse, le propos respectueux. Du haut niveau ! De quoi bien augurer pour la suite ...!***
Ainsi, voit-on un représentant de la Nation qui pleurniche parce qu'il n'a pas sa part de confiture, ses thuriféraires qui crient au bolchevisme, ses séides qui appellent à la levée en masse ! Fermez le ban !
Allons, allons, ne soyez pas mesquin, Monsieur le député, n'être pas du Fruit confit, que diable, ça n'est pas grave, il y bien d'autres choses à se mettre sous la dent et si vous voulez arborer toutes les médailles de toutes les confréries, de la lavande à la figue, en passant par l'aïoli et tutti frutti...vous risquez, pour le coup, de vous afficher bientôt avec le poitrail d'un maréchal soviétique. La Croix de Lorraine mérite meilleur compagnonnage, non ? Ne pensez-vous pas que vous auriez mieux à accomplir, compte tenu des brillantes études que vous fîtes, payées par le contribuable français, pour que vous vous consacriez au service de l'Etat et, maintenant, de la Loi ?
Et tout ça, parce qu'il faut paraître, paraître à tout prix, en tous les lieux, par tous les temps. La pose, la posture... Et pas loin, l'imposture.
Oui, du confit au conflit ! Quel grand écart, quelle dérision, quelle tristesse. Tristesse, de voir à quel point le débat politique est sali, abaissé, dégradé et ceux qui s'y illustrent, également, n'en doutez pas. Les fonctions, les personnes sont atteintes dans leur dignité. Et l'agresseur comme celui qu'il prétend agresser. L'intolérance se répand, la République souffre.
Alors, Mesdames et Messieurs qui vous dites "Les Républicains", vous qui détenez un mandat du peuple, militants, sympathisants, honorez la République, ne la rabaissez pas, n' abêtissez pas les électeurs, ne jouez pas avec le feu. Car les monstres rôdent. Le "Tous pourris" n'est pas loin qui vous balaiera à votre tour si vous n'y prenez garde. Et si vous aimez "Apt passionnément", comme le proclamait un ci-devant candidat, servez-là en respectant ceux qui veulent la servir avec d'autres idées, d'autres convictions, d'autres programmes. A ceux-là vous pouvez, certes, opposer une autre vision, une autre offre, d'autres promesses. Voilà donc une belle occasion pour un vrai débat, à la loyale : arguments contre arguments, projets contre projets. C'est cela la démocratie. C'est concevoir la politique et ses séquences électorales, notamment, comme de grands moments d'éducation populaire, de grands moments de rencontres, fussent-elles contradictoires. C'est faire le pari de l'intelligence, c'est un état d'esprit. Confiteor.
*Page Facebook de Julien Aubert.
**Je précise que je faisais partie de la lamentable équipe élue en mars 2014 et sortie du pouvoir le 22 juillet 2015 par le Conseil d'Etat.
***Suite à l'annulation prononcée par le Conseil d'Etat, nouvelles élections municipales en octobre 2015.