Si, en vertu de la Loi de Brandolini, "La quantité d'énergie nécessaire pour réfuter des sottises est supérieure d'un ordre de grandeur à celle nécessaire pour les produire", il est toutefois indispensable, en ces temps troublés, de se lancer hardiment dans la réfutation. Essayons.
Ici, le producteur, en l’occurrence productrice, est Elisabeth Borne, qui mardi 17 octobre à l’Assemblée nationale, déclare d’un ton ferrugineux, du haut de la tribune et de son arrogance à l’adresse de La France insoumise : "Depuis le 7 octobre, les voix de la France insoumise manquent à la condamnation unanime de la barbarie terroriste" et, à l’appui de cette mauvaise foi décomplexée, tombe la condamnation fatale : "Pour vous ce ne sont pas des actes terroristes, pour moi vous vous excluez du champ républicain".
Testigué, tout y est : un mensonge capiteux, une pensée gélatineuse, une instrumentalisation politique plantureuse, indigeste récolte du fabuleux "champ républicain", pourtant plutôt en friche depuis des jours, mais, bourré de pesticides, encore capable de rapporter. Vous avez dénoncé, Madame, l’absence de condamnation de la barbarie terroriste par La France insoumise. Vous eussiez dû accepter d’écouter ou de voir plutôt que de déraisonner aussi lamentablement. Vous l’avez sans doute fait, mais vous avez décidé de mentir, sciemment.
Car, dès les premières heures du combat, Jean-Luc Mélenchon a condamné les crimes de guerre perpétrés par le Hamas, sans équivoque : "Nous appelons crimes de guerre tout ce qui consiste à prendre en otage une population civile désarmée ou à l’assassiner sur le territoire…comme le Hamas l’a fait…Jamais d’aucune façon ou si peu que ce soit nous pourrions approuver ou supporter de tels crimes ou les mettre sur le compte de la lutte…Ce n’est pas lutter que d’assassiner des gens désarmés, ce n’est pas lutter de tuer des gens comme s’ils étaient collectivement responsable".
De son côté, Mathilde Panot, lors d’une conférence de presse le 10 octobre, déclare : "D’abord je veux dire évidemment au nom de mon groupe toute ma compassion pour les victimes des crimes de guerre du Hamas…Nous n’avons jamais accepté des crimes de guerre, nous condamnons tous les crimes de guerre". Elle a précisé par la suite : "Le Hamas a commis des crimes de guerre qui visent à terroriser des populations civiles. Nous les condamnons."
Ah, eh, holà ! ça ne suffit pas ! Les voilà carabossés, voués aux fourches patibulaires par des Torquemada incultes, prétentieux et répétitifs, perchés sur leurs certitudes médiatiques, au motif qu'ils se sont refusés, les pendards, à utiliser le terme "terroriste", pour qualifier le Hamas et ses actes barbares. Comme ils ont persisté dans leurs choix lexicaux, qu'ils ont pourtant clairement justifiés, pour les plus hargneux, ils sont complices, pire, propagandistes de la terreur, pour les plus charitables, "ambiguës".
En fait, il s'agit bien de "dégommer" (même "physiquement" pour Enrico Macias) un adversaire politique et, pour cela, on n'hésite pas à gadouiller dans l'infame. Il est, d'ailleurs, fort regrettable qu'à gauche, le PCF, le PS et les Ecologistes se soient engouffrés dans cette brèche, alors qu’ils ont de bonnes raisons politiques de critiquer La France insoumise, sur d'autres terrains, sans avoir besoin d'en rajouter une louchée !
Bon, sur le fond, quittons icelui champ pour le champ sémantique. D'abord, s'échiner à parler de "terrorisme", comme de "totalitarisme" ou encore d'"islamisme", concepts généraux indistincts qui ne nomment pas clairement les acteurs, évite de penser le monde dans ses réalités profondes, historiques, géopolitiques singulières et annihile toute possibilité d'action politique efficace. On apprend que la BBC a d'ailleurs interdit à ses journalistes de parler de "terroristes" car "c’est un obstacle à la compréhension".
Ensuite, qu'elle soit vertueuse ou fanatisée, la bien-pensance monocolore semble donc considérer que parler de "crime de guerre" ou de "crime contre l'humanité" serait d’un registre de langue moins dégoulinant d'horreur que de parler de "terrorisme".
Pourtant, il suffit de rappeler quelques références historiques et juridiques pour tenter de comprendre. C'est le procès de Nuremberg, tenu après la guerre, intenté contre les principaux dignitaires nazis, responsables des atrocités abominables commises avant et surtout pendant le conflit de 1939-1945, notamment l'extermination de millions de Juifs d'Europe, qui a tracé la première étape fondamentale d'une juridiction pénale internationale, en caractérisant précisément, les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité. Commettre un crime de guerre est donc le sommet du mal le plus absolu et la mise en accusation des membres d'une organisation ou d'un Etat pour ce motif, en désigne précisément les auteurs et vise à les sanctionner. La Cour Pénale Internationale, officiellement créée en 2002, est chargée de les juger.
Ainsi, quand on condamne les crimes de guerre du Hamas, on ne peut pas décemment être taxé de complaisance avec ce mouvement ! Seules la malhonnêteté et la malveillance motivent cette imposture. Mme Borne, comme beaucoup d'autres n'y ont pas échappé et pourraient donc, si la qualification existait, être poursuivis pour crime contre la probité !
Mais, finalement, ce qui turlupine, ce qui révulse les partisans "inconditionnels" de l'Etat hébreu, c'est que, si les Insoumis qualifient bien de crime de guerre ce que le Hamas a fait sur le territoire d’Israël, ils pointent également les crimes de guerre que l'armée israélienne est en train de commettre, à grand fracas, contre la population civile de Gaza. Là est le grand secret !
Ce n'est pas tout. Sous les coups de Bourdin, accusateur public de Sud Radio, la députée Danièle Obono est soumise à la question, "c'est un mouvement de résistance, le Hamas ?" répété neuf fois en moins d'une minute, un record ! Patelin, le grand incriminateur prétend chercher une "explication", le faux derche, il n'en a que faire de l'explication, il veut, là encore, "dégommer", le mot devient viral, son "invitée", c'est clair, c'est diaphane.
Et comme la mise en cause tente d'apporter sous la grêle, une réponse, qui sera très commentée, dit-on, elle sera vilipendée sur les réseaux sociaux y compris pas l'ineffable Ministre de l'intérieur, toujours plus égal à lui-même qui se fend sur X d'un : "Le Hamas, " un mouvement de résistance" ? Non ! c’est un mouvement terroriste. Je saisis le procureur de la République pour apologie du terrorisme". On croit rêver, ou plutôt cauchemarder, car avec Gérald Darmanin, il y aurait donc une seule vérité, officielle, on n'a donc plus le droit de penser, de s'exprimer, on est désormais passible d'un délit d’opinion, mieux, ou pire, de blasphème !
Monsieur le Ministre, sachez que dans une situation de colonisation, de spoliation qui dure depuis 75 ans, quand tout autre solution pacifique s'est révélée impossible, la lutte armée est compréhensible et légitime. La résistance à l'oppression fait partie des droits de l'Homme selon sa Déclaration de 1789, en son article 2. Mais, il faut être clair, inacceptables sont les crimes de guerre. Toutefois, hélas, l'histoire nous apprend que tout peuple, en situation de résistance, a commis des actions terroristes, y compris les activistes israéliens avant la création de l'état hébreu en 1948...et même après. Le Viet-Minh d'Ho Chi Minh, le FLN de Ben Bella, par exemple, ont été qualifiés de terroristes. Malgré les crimes et les atrocités qu'ils ont pu commettre, comment nier qu'ils étaient des mouvements de résistance ?
La tournure que prend le "débat" sur les évènements dramatiques du Proche-Orient est nauséabonde, effrayante, relève d'une démarche quasi totalitaire. Quiconque n'est pas sur la ligne sacrée du soutien "indéfectible" à Israël, qui tente courageusement et énergiquement de comprendre, d'expliquer, d'affronter la complexité, est immédiatement traqué par la meute des chiens de garde !
C'est pourquoi, il vaut bien mieux, sans doute, éviter de s'embourber dans le champ prétendument républicain, où, notez-le, le Rassemblement National a été aimablement convié à tracer son sillon !
Et, ne pas oublier que, selon le proverbe rural, "Celui qui laboure le champ le mange" !