"Le macronisme, voilà l'ennemi !"
Comment ? Je n'entends pas ! Qui parle ? Macronisme, dites-vous ?
Testigué, c'est trop d'honneur, le suffixe ! Une doctrine, une théorie, une idéologie... le "macronisme" ? à ranger bientôt sur les rayons aux côté du marxisme, du bouddhisme, du darwinisme et autres ouvrages retentissants ?
Eh quoi, un principicule du bercail et du sérail, un petit banquier promu par défaut au sommet de l'Etat par une poignée de halte-au-fascisme appliqués et de thuriféraires sautillants, au cours d'un scénario électoral idéal, ce "président philosophe" (sic), en faisant don de son nom à la postérité naissante, aurait, à l'instar d'Epicure ou de Kant bouleversé, tourneboulé, culbuté le vieux monde de la pensée et de l'action !
Que nenni, c'est plus prosaïque. Avec icelui aux commandes, fondé de pouvoir du capital, qui accomplit parfaitement ce pour quoi il a été élu en 2017, pas de risque de bousculer l'ordre établi, de renverser les rapports de production, chacun à sa place assignée, domination et exploitation garanties. D'ailleurs Pierre Gattaz, Bernard Arnault, et quelques autres ne s'y sont pas trompés : "Jamais depuis plusieurs décennies les chefs des moyennes et grandes entreprises et ceux de la nouvelle économie n’avaient eu une telle attente et une telle confiance à l’égard d’un président, qui a déclaré quelques semaines après son élection : « Entrepreneur is the New France »." écrit le sociologue Michel Offerlé.
Mais oui, le jeune Macron réussit joliment, et, pour l'instant, sans grande opposition efficace, à parfaire le vieux projet séculaire de l'émancipation du capital !
Candidat falsificateur du "Seul-Macron-peut-faire-barrage" mais, en réalité digne héritier du "mur d'argent" (E. Herriot, 1924), des "deux cents familles" (E. Daladier, 1934), des "trusts" qui pèsent sur la démocratie (De Gaulle, 1944), de "la finance" adversaire sans nom et sans visage (F. Hollande, 2012), il fait le job : assurer au mieux l'adaptation du capitalisme "français" au marché et à la concurrence mondiale par une compétitivité optimisée, sans contraintes, "libre et non faussée".
Rien de nouveau donc autour de la corbeille. Question de style seulement.
Du Comité des Forges au Medef en passant par le CNPF, le patronat n’ayant eu de cesse de dénoncer, mot pour mot, les divers fardeaux, genre code du travail, statuts, acquis sociaux, fiscalité, etc., tous ces empêcheurs d'exploiter en rond, not'bon président s'empresse de lui donner satisfaction. "Président des riches" disent les mauvaises langues !
Ben, oui, avec ferveur et dévotion, il s'agite, il tourbillonne. A coups de braquemart législatif et règlementaire, il taille, découpe, dérégule, privatise, précarise à tout va. Place nette, hardi, hardi, réformons, réformons, braves gens, c'est pour votre salut "New France" ! Quel tournis, burn-out garanti !
"En même temps", communiquons, communiquons, le message c'est le massage, "prévoyant et doux"*. Disruptif et créatif, le bougre ! Aliénation devient "contrat", asservissement "employabilité", négociation "concertation", un dernier pour la route avec Peugeot, régression sociale devient "accord de performance collective" (sic) !
Nouvel avatar du vieux monde capitaliste tartouilladé moderne, novlanguisé jeunet, c'est sa marque, son nom, et son visage. Qu'il est urgent de démasquer si l'on veut que chaque citoyen retrouve "l'usage de lui même"* qui lui est implacablement dérobé.
Alors oui, dans ce sens, pour des millions de travailleurs, salariés, ouvriers, fonctionnaires, petits exploitants, retraités, j'en oublie peut-être, "le macronisme, voilà l'ennemi !"
* formules de Tocqueville.