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Billet de blog 20 septembre 2023

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Ce n'est pas rien !

France Inter décrypte la pauvreté étudiante.

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     "Alors s'assit sur un monde en ruine une jeunesse soucieuse." Alfred de Musset. La confession d'un enfant du siècle.

     On avait déjà appris que l'école n'était pas faite pour les pauvres (1), alors, l'université ?

     Ce jour, mercredi 20 septembre 2023, lors de l'office matutinal de France Inter, l'invitée de 7h50 était Mme Christine Neau-Leduc, présidente de l'université Paris I-Panthéon-Sorbonne.

     Suite à une tribune parue dans Le Monde la veille où quatorze présidents d'université, représentant 500 000 élèves répartis sur tout le territoire, demandaient la création d'une "allocation d'études pour tous les étudiants", afin de "juguler la pauvreté", faciliter "le développement de l'autonomie" des jeunes et leur accès à l'enseignement supérieur, la "radio la plus écoutée de France" offrait à ses auditeurs déjà debout l'occasion d'une prise de conscience face à la précarisation de la condition estudiantine.

     Un enjeu citoyen de taille, un enjeu de société, une grande responsabilité nationale, car "c’est l’avenir de notre pays qui est en cause" partant "Quels investissements devons-nous réaliser pour permettre à notre jeunesse d’étudier dans la dignité, d’être en situation non seulement d’apprendre et de se former, mais également d’inventer, de créer ?" écrivaient les signataires.

     Ainsi, aujourd'hui, 56% des étudiants avouent ne pas manger à leur faim, deux sur trois sont en situation d'extrême précarité et l’inflation actuelle aggrave leur situation. Entre coûts d'alimentation, de logement ou encore de santé, les dépenses s'alourdissent pour les élèves de l’enseignement supérieur. Ainsi, cette insécurité étudiante est devenue un phénomène croissant et de plus en plus inquiétant, les mesures prises par le gouvernement étant jugées insuffisantes par les acteurs de terrain.

      C'est cela qu'a démontré remarquablement et, disons-le, humainement, Mme Neau-Leduc au cours d'un interrogatoire de 8 minutes lors duquel, à chaque fait ou argument avancé par la Présidente, en bonne estafette de la macronie éclairée, Sonia Devillers, chargée de décrypter (sic) l'actualité à la loupe bien-pensante à une heure de grande écoute, sans nier le constat chiffré d'une situation accablante, a objecté vigoureusement que le gouvernement faisait quand même, voyons, ce qu'il fallait pour soulager la peine des impétrants universitaires.

     Rapportant fidèlement les déclarations de l'exécutif, la gentille caudataire gouvernementale répéta haut et fort et par trois fois "Ce n'est pas rien !" sans que l'effet anaphorisant recherché ait pu ébranler la mise en cause.(2) Mais la plaidoirie n'aurait pas été complète, le décryptage suffisant, si les propos du Président de la République, qui s'est "exprimé" le 4 septembre dernier face à l'animateur de la chaîne YouTube, Hugo Travers, n'avaient été rapportés sous une forme fort délicate : "Il vous a tiré dessus à boulets rouges", car, figurez-vous, les universités peuvent faire mieux avec leurs budgets.

     Enfin, last but not least, une dernière référence, une dernière révérence, limite provocation, le rappel gourmand d'une déclaration de la ministre de tutelle, Sylvie Retailleau : "Mais vous savez les universités, elles ont de l'argent elles dorment dessus elles ont qu'à s'en servir".

     Face au déni et au mépris du pouvoir la réponse fut crue, la répartie cinglante : "Nous sommes à l'os". Tout était dit et clairement !

     Si "Pour trois fois rien, on peut déjà acheter quelque chose... et pour pas cher !"comme le déclarait Raymond Devos, alors, quand ce n'est pas rien…?

     On dit que "La lampe de la pauvreté n'a pas de lumière"(3), certes, mais trêve de misérabilisme, foin de pessimisme, pendant que nos étudiants galèrent, ce soir 150 convives banquetteront sous les lustres flambants de Versailles.

     Pas vraiment de nature à combler le vide d'espérance, l'actualité fut elle décryptée par France Inter.

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(1) Jean-Paul Delahaye. L'école n'est pas faite pour les pauvres. Pour une école républicaine et fraternelle. 2022.

(2) "Le gouvernement a mis quand même 500 millions d'euros sur la table, ce n'est pas rien…L'augmentation de la bourse pour les étudiants est  plus élevée que ces dix dernières années, plus 37 euros ce n'est pas rien…Plus 35000 bénéficiaires de cette bourse ce n'est pas rien non plus."

(3) Proverbe persan

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