"Ah ! la paix meurt quand le canevas se délabre…"*
Les boutefeux autorisés, les sabres-de-bois patentés, les rantanplans décomplexés s'en donnent à cœur joie ces jours-ci. Les prophètes, les pythies, les confits de tout acabit, nous l'annoncent : il frappe à nos portes ce mal qui répand la terreur, la guerre, puisqu'il faut bien l'appeler pas son nom, il chemine, il avance, implacable et fatal.
Le message, itératif, tambouriné du matin au soir par les médias grand public, se propage à gros bubons, occupe le temps de nos cerveaux disponible. D'ailleurs, qui l'atteste, un livret de survie, "d'une vingtaine de pages", dit-on, sera distribué sous peu à tous les ménages de France. Effet anxiogène garanti qui autorise toutes les servitudes !
Et les perdants, enfarinés de propagande seront, comme de juste : les conquis sociaux, les disputations fécondes, les libertés publiques. Quant aux gagnants, on les connaît, pas besoin de dessin et, disons, en parodiant Anatole France, que ceux qui croiront se mobiliser pour mettre en place une "économie de guerre", endureront efforts et sacrifices pour la défense de la patrie, engraisseront de fait les industriels !
Mais si, préoccupés, réellement, par une situation internationale alarmante où de nombreuses guerres surgissent qui détruisent des milliers vies, provoquent des crises humanitaires, menacent gravement le bien-être social, portent atteinte à l'écosystème, et dont les conséquences directes ou indirectes n'épargnent aucun territoire, nous exprimions haut et fort notre engagement en faveur de la résolution pacifique de tous les conflits, dans le respect des accords, conventions et traités internationaux ?
Et si nous exigions de nos gouvernants qu'ils agissent fermement et activement en faveur de la paix, en portant, la voix des populations dont l'intérêt vital est de construire un monde pacifique et fraternel, en redoublant d'efforts pour favoriser la compréhension, la confiance, les échanges interculturels et la réconciliation entre les peuples, en bannissant à jamais la logique des armes ? Du grain à moudre, pas de la poudre !
La France, par son histoire, sa voix influente au sein des instances internationales et son attachement proclamé aux valeurs des Droits humains, peut encore avoir un rôle éminent à jouer pour promouvoir la diplomatie, la désescalade et la recherche de solutions non-violentes aux tensions internationales.
Or, on est loin du compte, car, nous constatons, avec inquiétude, que les postures et les discours bellicistes prennent trop souvent le pas sur la volonté de bâtir un monde fondé sur la coopération et le respect mutuel, entretiennent un climat de peur qui, loin de réduire les risques d'affrontement, ne concourent qu'à les exacerber.
Il y a des possibles. On attend des initiatives : défendre une politique étrangère basée, en toutes circonstances, sur le respect du droit international, la protection des populations civiles, la reconnaissance de l'altérité des peuples et des cultures, en tous les lieux, par tous les temps…ce qui est loin d'être le cas. Ne pas contribuer ni directement ni indirectement à la prolifération des armes dans les régions en crise, renforcer notre engagement au sein des organisations onusiennes, en particulier du Conseil de Sécurité, identifier et privilégier le concours des acteurs sociaux et des organisations non gouvernementales qui œuvrent pour la paix, promouvoir sans relâche une éducation à la paix en direction de la jeunesse. Bref, exiger des maîtres qui nous gouvernent un choix politique humaniste, responsable et courageux en faveur de cette cause.
Mais ne comptons que sur nous-mêmes, citoyennes et citoyens du monde, "piétons pour la paix"**, engageons-nous, avançons, car "Le chemin se fait en marchant" ***
N'ayons pas peur de la paix !
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*"Ah ! la paix meurt quand le canevas se délabre, quand on n'a plus de place au monde, quand on ne sait plus où joindre qui l'on aime. [...] La paix est lecture d'un visage qui se montre à travers les choses, quand elles ont reçu leur sens et leur place [...]" Antoine de Saint-Exupéry, Pilote de guerre (1942).
**Expression de Bertrand Badie, L'Art de la paix. (2025)
***Antonio Machado, Proverbios y cantares (1912)