"Ce qui barre la route fait faire du chemin." Albert Camus.
Le fait que Gabriel Attal, Premier Ministre, ait décidé de débattre avec Jordan Bardella constitue une victoire en soi pour ce dernier. Car ce spectacle convenu met en lumière, sous les projecteurs médiatiques, le champion du Rassemblement National, le hisse au rang d'interlocuteur privilégié et donc reconnu, sinon crédible, voire de premier ministre putatif. En même temps, cette sinistre mise en scène, maintient dans l'ombre les autres candidats, ce qui, dans une période électorale sensible, constitue un véritable déni de démocratie dont le service public audiovisuel porte la responsabilité d'une complicité décomplexée.
Le contenu des échanges n'a dès lors que peu d'importance, car la raison, les arguments, les éléments de conviction, n'ont aucune efficacité auprès de celles et ceux qui sont déjà sûrs de leur vote lors des prochaines échéances électorales. Le fait même que le "débat" ait lieu ne peut que les conforter dans le choix de leur champion lepéniste, si jeune, si présentable, si désirable. Alors, rhétorique et vain est de savoir qui est le gagnant, selon la question débile des médias partenaires de cette escroquerie politicienne. Pas besoin d'ouvrir l'enveloppe.
Il est pourtant clair que la plupart des candidats qui s'opposent à eux dans la compétition électorale disposent de tous les arguments possibles, multiples, solides, pour démasquer les insuffisances, les incohérences, les impostures des représentants du Rassemblement National, les faits sont probants qui démentent leur parole. Il n'empêche que Marine Le Pen a doublé ses voix en 10 ans et les intentions de vote pour les prochaines européennes en faveur de Jordan Bardella flottent autour de 30-33%, un constat consternant sans doute, qui démontre et démonte, sans peine, la tromperie du "barrage" à l'extrême-droite qu'on nous sert depuis des années, mais une réalité dont il faudrait tenir le plus grand compte.
Et s'interroger. Pourquoi donc les croyances, les représentations, l'irrationnel l'emportent face à la raison qui a tant de mal à convaincre et persuader un électorat qui court objectivement à sa perte, notamment le plus populaire, en confiant son sort à des bonimenteurs aussi peu recommandables ?
Mais la déraison a sans doute ses raisons. Et, si, selon la Loi de Brandolini, "La quantité d'énergie nécessaire pour réfuter du baratin est supérieure d'un ordre de grandeur à celle nécessaire pour les produire", il serait temps de les dévoiler, de les affronter, d'y apporter remède, courageusement, demain il pourrait être trop tard.