"Vers l'Orient compliqué, je volais avec des idées simples. Je savais que, au milieu de facteurs enchevêtrés, une partie essentielle s'y jouait." Charles de Gaulle, chapitre "L’Orient" du premier tome des Mémoires de guerre.
En ces temps troublés, passablement détraqués, où toute raison s'égare, et pour s'en tenir au "conflit israélo-palestinien", voici une liste, non exhaustive, de trente questions qui fâchent et qu'il est, hélas, dogmatiquement interdit de verser au débat. Et quiconque aurait la folle audace de vouloir hardiment démêler les "facteurs enchevêtrés" de la situation complexe et dramatique que vivent les peuples israélien et palestinien, serait, sur le champ, hissé sur la planche.
Voici.
Le "conflit israélo-palestinien" est-il de nature religieuse ou profane ?
Le poids de l'humiliation, de l'injustice, du déni, porté par les peuples asservis n'est-il pas le principal ressort de leurs révoltes ?
Peut-on impunément violer le droit international pour se défendre contre la barbarie ?
Qu'est-ce qui distingue fondamentalement un crime de guerre d'un acte terroriste ?
Déclarer lutter contre "le terrorisme" est-ce le moyen le plus pertinent pour prétendre se donner les clés pour l'éradiquer ?
Qualifier Israël de "seul état démocratique" de la région en occultant l'occupation et la colonisation galopante qu'il pratique sur les territoires palestiniens depuis des décennies, est-ce bien cohérent ?
Israël a-t-il, dans les faits et dans le droit, instauré une société d'apartheid ?
Soutenir de manière "inconditionnelle" l'état d'Israël est-ce bien le meilleur moyen de concourir à la recherche de la justice, de la paix, de la sécurité, y compris pour son propre peuple ?
La référence constante à l'extermination des Juifs d'Europe justifie-t-elle un traitement exclusivement complaisant vis-à-vis du gouvernement d'Israël, quoi qu'il fasse ?
Pourquoi ne pourrait-on pas qualifier le Hamas de mouvement de résistance ?
Est-il bien réaliste de déclarer que le Hamas n'est pas représentatif du peuple ou d'une partie du peuple palestinien ?
Sous prétexte qu'il n'y a "jamais eu d'état palestinien" peut-on exclure d'en revendiquer la création ?
La "solution à deux Etats" est-elle vraiment, dans les conditions actuelles, réaliste et réalisable ?
Pour obtenir un cessez-le-feu et chercher à conclure la paix peut-on se passer d'ennemi ?
Seuls le Hezbollah et l'Iran seraient-ils, à priori, susceptibles de provoquer un "embrasement" de la situation ?
Quand on se déclare antisioniste faudrait-il obligatoirement être étiqueté "'antisémite" ?
Est-il illégitime de considérer que le CRIF joue un rôle de lobby pro-israélien ?
La détestation du gouvernement d'Israël aurait-elle tôt fait de se muer obligatoirement en haine des Juifs ?
Justifier ses actes par des textes "sacrés" ne conduit-il pas au fanatisme, à l'injustice et à l'oppression ?
Oublier l'histoire, au moins depuis 1916/1917 et occulter, notamment, les responsabilités de la France et de la Grande Bretagne dans les racines du drame actuel, n'est-ce pas renoncer à comprendre ?
Faut-il totalement décontextualiser pour mieux lutter contre les actes terroristes ?
Parler de "communauté internationale" n'est-ce pas une utopie, voire une imposture ?
Peut-on évoquer, sans discernement, en toutes circonstances, les "valeurs occidentales" et prétendre les "exporter" ?
L'usage systématique du droit de veto américain à l'ONU en faveur d'Israël a-t-il contribué à paralyser toute avancée vers une solution pacifique du conflit ?
La "normalisation" des relations de certains pays arabes avec l'état d'Israël constitue-t-elle un incontestable facteur de stabilité dans la région ?
Pourquoi donc interdire à un pays comme l'Iran le droit de se doter de l'arme nucléaire quand on le permet à d'autres ?
Qui serait vraiment responsable de l'importation (sic) du "conflit israélo-palestinien" en France ?
Interdire les manifestations pro-palestiniennes en France n'est-ce pas, non seulement attentatoire à la liberté d'expression mais, en fin de compte, en exacerbant les antagonismes par le "deux poids, deux mesures", se révéler contre-productif ?
Pour quelles raisons la France a-t-elle perdu son crédit passé dans le monde arabo-musulman ?
Peut-on penser que si la première victime d'une guerre est la vérité*, ici, comme ailleurs, la défiance envers les média qui en rendent compte devrait être systématiquement de mise ?
Voilà, quelques oublis, sans doute, mais dans cette "partie essentielle" où se joue le sort de millions d'hommes et de femmes, s'interroger est un devoir et toute connaissance une réponse à une question. C'est assurément ce que pensait Gaston Bachelard.**
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*Rudyard Kipling, "La première victime d'une guerre, c'est toujours la vérité."
**Gaston Bachelard, "Toute connaissance est une réponse à une question."