"L’indifférence est le poids mort de l’histoire." Antonio Gramsci.
Conseiller municipal d'opposition de la Ville d'Apt, Vaucluse, je souhaitais proposer en vue de la séance du Conseil municipal tenue le 28 mai 2024 une "Motion en faveur de la paix"*. La requête préalable fut faite dans la forme et les délais réglementaires. Sans tarder, le verdict est tombé, la demande retoquée. La question ne sera pas posée, l'ensemble des conseillers ne seront même pas consultés.
Ah, oui, certes, dans sa réponse diligente à ma démarche, Madame le Maire a déclaré partager mes préoccupations sur la situation géopolitique actuelle mais, l'émotion ne suffira pas à valider la motion. En effet, la proposition ne peut "malheureusement" (sic) pas être prise en considération puisque, figurez-vous, relevant des affaires étrangères, de la défense et de la sécurité extérieure, le combat pour la paix échappe aux compétences communales. D'ailleurs, argument imparable et définitif, le règlement intérieur du conseil municipal limite les vœux que ses membres pourraient émettre aux seules affaires de la commune.
Je pensais, naïvement sans doute, que cette déclaration en faveur de la paix pouvait être une opportunité d'afficher, par-delà les clivages politiques, une unanimité civique sur un sujet qui concerne pourtant, sur tous les territoires, l'ensemble des populations et les élus qui les représentent. Ce refus, pris sans concertation, partant peu démocratique, est fort regrettable car soumis à un formalisme étroit qui fait fi de la portée symbolique et de l'impact positif que le vote d'une telle motion, en faisant converger les suffrages, aurait pu avoir auprès de la population aptésienne et au-delà. Un signal fort aurait pu ainsi être lancé en faveur d'une culture de la paix au plus près des préoccupations et des intérêts des habitantes et habitants qui, bien souvent sont liés aux évènements dramatiques internationaux dont témoignent nos rituels patriotiques avec dépôts de gerbes au pied des monuments aux morts.
Voici une occasion manquée d'œuvrer, en particulier en direction des jeunes générations, notamment des élèves de nos écoles publiques, comme je le proposais dans cette motion, ce qui, en l'occurrence, concernait bien et pleinement, les affaires de la commune.
Une parole résolue et responsable ne relève pas seulement d'instances nationales ou internationales. Tout citoyen du monde, toute personne de bonne volonté, toute autorité légitime éclairée devrait s'engager fermement et clamer haut et fort son exigence et sa détermination en faveur d'une paix menacée comme jamais. Ainsi, la commune, socle de base et de proximité de notre République, me paraîtrait parfaitement en droit, de faire entendre sa voix, de prendre sa part d'implication et " contribuer ainsi à stimuler les consciences et à fédérer les volontés en faveur d'une culture durable de la paix", tel était l'objet de la motion, mais pour nos édiles, ici, ce n'est pas son affaire.
Pitoyable et basse posture d'une indifférence assumée, incapable de surmonter une frilosité déplacée et de s'élever au niveau des enjeux. A moins que, venant d'un élu d'opposition, toute initiative soit, par principe, systématiquement repoussée.
Pour terminer, un peu plus haut, une parole toujours juste : "Dans les perspectives terrifiantes qui s'ouvrent à l'humanité, nous apercevons encore mieux que la paix est le seul combat qui mérite d'être mené. Ce n'est plus une prière, mais un ordre qui doit monter des peuples vers les gouvernements, l'ordre de choisir définitivement entre l'enfer et la raison." Albert Camus.
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*Motion en faveur de la paix
"Préoccupés par une situation internationale alarmante où de nombreuses guerres surgissent qui détruisent des vies, entraînent des souffrances incommensurables pour les populations civiles, menacent gravement le bien-être de toute société, portent atteinte à l'écosystème, et dont les conséquences n'épargnent aucun territoire, nous, membres du Conseil municipal d'Apt, exprimons notre ferme engagement en faveur de la paix et appelons à la résolution pacifique de tous les conflits dans le respect des accords, conventions et traités internationaux.
Nous considérons, en effet, que la Commune, cellule de base de notre démocratie et lieu de proximité de l'action publique, ne peut rester indifférente et inactive face aux évènements dramatiques qui ensanglantent notre monde contemporain et obèrent l'avenir des générations futures. Notre démarche s'appuie uniquement et essentiellement sur les principes humanistes et universels des droits humains.
C'est pourquoi,
nous exhortons nos gouvernants à redoubler d'efforts pour favoriser la compréhension mutuelle, les échanges interculturels et la réconciliation entre les peuples, à privilégier la voie diplomatique et bannir à jamais la logique des armes;
nous invitons chaque citoyenne, chaque citoyen à exercer sa responsabilité en agissant en faveur de la paix et de la tranquillité civile, dans sa ville, son quartier, sa résidence, son lieu de travail, par le dialogue et le respect d'autrui;
nous nous engageons, en tant que responsables et élus municipaux, à diffuser et populariser largement cette déclaration solennelle, à la proposer à la signature d'autres communes, notamment aux membres de la Communauté de Communes du Pays d'Apt Luberon;
à encourager nos écoles publiques, en accord avec l'Education nationale, à participer à la journée internationale de la paix qui a lieu tous les 21 septembre;
à développer, sur le temps périscolaire, des actions d'éducation à la non-violence et à la paix; à soutenir toute initiative émanant de personnes, d'organismes ou d'associations qui cherchent à promouvoir une culture de concorde et de paix, notamment en direction de la jeunesse du pays d'Apt.
Nous pensons, par cet acte symbolique, prendre notre juste part et contribuer ainsi à stimuler les consciences et à fédérer les volontés en faveur d'une culture durable de la paix."