L'empressement d'une grande partie des acteurs politiques et médiatiques à vouloir enterrer le Mouvement Démocrate et ce depuis les municipales (où il avait déjà été crédité de 3.5 % des suffrages) est pour le moins suspect. Pourquoi un tel acharnement? En quoi ce mouvement est il si dangereux? En quoi est il plus dangereux qu'Europe Écologie par exemple?
Pour répondre à ces questions il faut se pencher sur ce qui le différencie des autres partis politiques:
D'une part, c'est un parti ouvertement anti-corruption. Le 24 septembre 2008, Marielle de Sarnez a fait voter au conseil Européen une résolution recommandant l'interdiction pour un groupe financier ou industriel répondant à des appels d'offre pour l'attribution de marchés publics de posséder des médias. Elle n'a pas entrainé la mise en place d'une loi européenne du fait de l'opposition de la France et de l'Italie... Les conclusions du congrès programmatique d'Arras recommandent l'indépendance du garde des sceaux qui devrait être élu à la majorité des deux tiers (pour être une personnalité de consensus) par le congrès. Ceci rend suspect le traitement médiatique de ce mouvement dont les idées quand elles sont exprimées (nous reviendrons sur ce point tout à l'heure) ne sont pas relayées.
Ce dernier point est fondamental. L'apparition du MoDem sur l'échiquier aurait pu permettre de recréer des partis défenseurs d'une idéologie et donc capables de générer un débat susceptible d'intéresser les électeurs. En ce sens cela a partiellement réussi, car l'UMP s'est positionnée très à droite et qu'il s'est créé un front de gauche capable de défendre des idées véritablement de gauche, hostiles au marché. Malheureusement, les échecs électoraux du MoDem ont empêché cette clarification idéologique de se faire. Martine Aubry qui avait l'occasion de marquer le parti socialiste à gauche vient de recentrer son discours en convergeant complètement avec les aspirations des centristes , alors qu'elle les fustigeait il y a 6 mois. De la même manière, impossible de définir la base idéologique d'Europe Écologie: prône-t-elle le développement durable ou la décroissance? On peut même constater qu'il y a un appauvrissement net du débat d'idées. Pour éviter que les petits partis ne profitent d'une meilleure exposition médiatique lors de campagnes pour monter dans les sondages, L'UMP et le parti Socialiste ont privilégié, pour les européennes et les régionales des campagnes très courtes (moins de 15 jours). Ceci a coupé court à tout débat d'idées et a fait atteindre à l'abstention des niveaux record.
Mais le MoDem sert-il à autre chose qu'à être le parti social démocrate assumé, propre à recomposer le paysage politique? En fait, rien ne permet d'affirmer que ce parti va rester centriste et ce n'est d'ailleurs pas sa raison d'être. Pour mémoire il a été fondé avec l'objectif de créer un nouveau projet de société, ni de droite ni de gauche. Et c'est véritablement la tache à laquelle s'est attachée la masse des militants. Logiquement, cela devrait aboutir à l'expression politique des théories coopératives d'Elinor Olström, Muhammad Yunus, Linus Thorvald... Il devrait en sortir une idéologie coopérative et humaniste qui soit axée sur la fraternité, comme le libéralisme l'est sur la liberté ou le marxisme sur l'égalité.
Ceci ne s'est pas fait pour l'instant pour des raisons de stratégie politicienne. François Bayrou ayant été à deux doigts de remporter la présidentielle de 2007 (les sondages le montraient large vainqueur de Nicolas Sarkozy au deuxième tour), tout a été conçu pour remporter la présidentielle de 2012 en étant capable de capter plus de 22% des suffrages au premier tour. François Bayrou s'est donc positionné en rassembleur. Il a promu l'idéologie centriste qui est la sienne depuis 30 ans: il est républicain et défend impartialement la liberté, l'égalité et la fraternité. Le virage centriste a été très net lors de sa confrontation, sur le plateau de ce soir ou jamais, à Régis Debray: le philosophe lui avait proposé de faire de la fraternité la valeur cardinale de son mouvement et avait répondu par la négative...C'est probablement la principale raison pour laquelle le MoDem n'a que peu exprimé ses idées et que le potentiel offert par des militants nombreux et recrutés dans les couches les plus éduquées de la société, a été aussi mal exploité.
Faut il pour autant enterrer l'espoir d'un parti créant une nouvelle alternative? Le virage a pourtant été pris, l'influence de Robert Rochefort devenu responsable des commissions programmatiques est largement perceptible dans les conclusions du congrès d'Arras. Une large part de la théorie économie est consacrée à l'économie sociale et solidaire, rompant avec les préceptes Baristes qui prédominaient jusqu'alors. Il est évident que cela va déboucher sur des propositions pour une économie de marché socialement et environnementalement responsable (rien n'est plus à inventer cela ayant déjà été théorisé par Yunus, Olström ou Stiglitz). Il est probable d'ailleurs, que la présidence du mouvement soit laissée à Jean Lassalle dont le virage idéologique a été spectaculaire et couronné de succès lors des régionales où il a recueilli 16% des suffrages en Aquitaine loin devant la liste d'Europe Écologie. La suite dira si le mouvement Démocrate sera capable de faire avec du retard ce pourquoi il a été fondé. Même s'il n'était pas en position de gagner les présidentielles, il induirait une recomposition du paysage politique favorisant le débat d'idées sans lequel il ne peut y avoir de réelle Démocratie.