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Billet de blog 23 janvier 2024

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La réhabilitation de l’OAS est en cours

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Rappel : l’OAS (Organisation Armée Secrète) s’est constituée en 1961. Cette structure fascisante a commis de très nombreux attentats avec des milliers de victimes. Ses commandos ont assassiné 2 maires (Evian et Alençon), tenté un coup d’état en avril 1961 pour renverser la République et mettre en place un régime militaire, organisé 2 attentats qui ont échoué contre le Président de la République en Fonction, contre 2 ministres en exercice (André MALRAUX et Yves Le TAC). 

2004/2005 est une période charnière. Avant cette date il n’y avait qu’une quinzaine de stèles, rues, monuments commémorant, honorant l’Algérie Française ou des responsables de l’OAS et cette « nostalgérie », pour reprendre le terme de Alain Ruscio. La loi du 23 février 2005, d’ailleurs, démontre cette évolution, cette loi qui demandait aux enseignants (dans son article 4) d’enseigner le rôle positif de la colonisation. Depuis cette période ce sont plus de 100 stèles, rues, monuments que l’on peut trouver en France (que j’ai repéré et publié sur mon site, il m’en manque quelques-unes dont je n’ai pas encore les photos…)

Un des premiers gestes hautement symboliques de réhabilitation de cette OAS remonte sous CHIRAC, continue sous SARKOZY et s’officialise sous MACRON.

Jean BIRAUD Le grade d’officier de la Légion d’Honneur a été décerné par décret du 13 mars 2005 à l’ex-capitaine Jean Biraud, dit « Capitaine Jean », ancien d’Indochine qui avait participé à l’attaque de la base aérienne de Sidi Bel Abbès en mars 1962 et qui avait été condamné à mort par contumace pour ses actions de responsable de l’OAS.

Jean-François Collin a été décoré de la légion d'honneur, par décret du Président de la République en date du 5 mai 2011, pris sur le rapport du Premier ministre et du ministre de la défense et des anciens combattants, le plus haut grade de Chevalier de la Légion d'honneur  au titre militaire des mutilés de la Guerre d'Algérie, cette nomination comporte l'attribution de la croix de la valeur militaire avec palme et annule les citations antérieures qui ont été attribuées à l'intéressé pour les mêmes faits. Ce jeune sous-lieutenant du groupement des commandos parachutistes avait participé sous les ordres du Capitaine Murat à la prise du Palais d’été d’Alger au soir du 22 avril 1961. Sous le nom de code "Valentin" il a repéré que Yves Le TAC (ministre de De Gaulle) était hospitalisé au Val de Grâce à Paris, Il participera à une première tentative d’assassinat, reportée au tout dernier moment, et ce n’est que par miracle que ce gaulliste échappera à l’attentat du 18 février 1962 perpétré par le commando dirigé par le lieutenant Godot, et préparé avec l’aide de JF Collin. Ce fut le gendarme de garde devant la porte de la chambre du ministre qui fut tué. JF Collin a été emprisonné à l’Ile de Ré pour ses activités dans l’OAS. Il a fait partie du "Maquis de l’Ouarsenis", cette organisation militaire de l’OAS qui rêvait de pouvoir ré-éditer le putsch manqué d’avril 1961 et de remettre en cause le cessez-le feu. Il était président de l'ADIMAD-OAS, association revendiquant environ 1200 adhérents dont 750 ayant été condamnés pour leur activité au sein de l'OAS. Cette décoration fut remise devant la stèle de Marignane stèle qui montre un personnage sur le poteau d’exécution en train de s’écrouler, avec une plaque affichant les 4 noms de 4 condamnés à morts pour leurs crimes commis au nom de l’OAS. Cette décoration avait été remise par l’ex-capitaine Jean Biraud, dit « Capitaine Jean », récemment promu, lui aussi. Heureusement, cette décoration de Jean-François Collin a été cassée par le Conseil d’Etat. Mais cette démarche sarkozienne est très significative

PUIS : A Houilles (78) le 14 novembre 2011, Monsieur Marc Laffineur, secrétaire d'Etat aux Anciens Combattants remettait la décoration au plus haut grade de Grand-Croix de la Légion d'Honneur à Hélie Denoix de Saint Marc (certes un résistant, interné au Camp de Buchenwald), mais surtout le Commandant du 1er REP, ce Régiment Etranger de Parachutistes de la Légion Etrangère qui s'est tout spécialement distingué pendant la Guerre d'Algérie, à Alger pendant le "Bataille d'Alger" puis à l'occasion du putsch d'Avril 1961. Il sera l'un des principaux officiers qui tenteront de renverser la République Française par ce putsch dirigé par le quarteron de Généraux. Il sera condamné à 10 ans de réclusion criminelle. Il passera cinq ans dans la prison de Tulle avant d'être gracié, le 25 décembre 1966. Monsieur Marc Laffineur a justifié cette promotion : tout homme qui a un passé prestigieux peut commettre une erreur. Comme si  la responsabilité d’organisation d’un putsch contre la République Française n’était qu’une petite bêtise de gamin !!! C’est l’un de ces principaux responsables de l’OAS qui est l’un des plus honorés par cette nostalgie. Quelle honte pour nos valeurs républicaines.

La Macronie accélère cette réhabilitation de l’OAS : Le rapport de Benjamin Stora, remis à l’Elysée en janvier 2021, démontrait que cette commande, qui certes évoquait de façon intéressante en particulier le colonialisme et préconisait certes quelques gestes positifs, gommait le rôle fascisant, raciste, d’extrême droite de l’OAS, comme l’ampleur de l’utilisation du napalm, des gaz VX et Sarin, comme aussi les camps d’internement pudiquement alors camps de regroupement. Et il n’est pas préconisé, de façon claire la reconnaissance et la condamnation des crimes contre l’humanité, des crimes de guerre, des crimes d’état commis au nom de la France dans cette période

Le 26 mars 2021, il fait déposer une gerbe, pour commémorer la fusillade du 26 mars 1961 à la rue d’Isly à Alger, au pied du Mémorial du Quai Branly honorant ainsi l’OAS qui a une terrible responsabilité dans cette tragédie. Sa ministre des anciens combattants, Me Geneviève Darrieussecq était, elle présente et y a déposé une gerbe, s’est entretenue avec les nostalgiques de l’OAS, organisateurs de cette initiative.

Puis, en recevant à l’Elysée, le jeudi 30 septembre 2021 18 jeunes (des descendants d’acteurs de la Guerre de Libération de l’Algérie), dont l’arrière-petit fils du Général Salan, ce Général qui tenta un putsch pour tenter de renverser la République qui est actuellement l’un des responsables des Cercles Algérianistes. Mais il « oublia » les victimes de l’OAS on voit bien le sens de la démarche.

Le 26 janvier 2022, en recevant à l’Elysée une délégation des organisations de rapatriés, majoritairement pro-Algérie Française. Dans son discours relatif à la manifestation du 26 mars 1962 il falsifia la réalité historique en « oubliant » le rôle du commando de l’OAS qui a provoqué les militaires du 4ème RTA. En consultant les archives de Vincennes j’ai pu relever le positionnement et l’armement des membres de ce commando. Ses conseillers n’ont pas trouvé cette information ? Pourtant, dans ce discours il était dit : « Toutes les archives françaises sur cette tragédie pourront être consultées et étudiées librement. » Dans ce même discours, au sujet de la tragédie du 5 juillet 1962 à Oran, on ne sait pas qui est responsable du massacre, il semble sous-entendu que ce soit l’Algérie, mais la responsabilité de l’OAS entre mars 1962 et juillet 1962, et tout particulièrement de ce 5 juillet est totalement occultée.

Le 26 mars 2022, le Président de la République et sa ministre Geneviève Darrieussecq ont fait déposer une gerbe, mais ils n’étaient pas présents, à la surprise des organisateurs, ces nostalgiques, qui les attendaient, et n’ont pas été informés à ce moment-là de la raison de cette absence pourtant annoncée.

Le 30 avril 2022, c’et la remise de la décoration de Commandeur de la Légion d’Honneur à l’ex-capitaine de la Légion étrangère Joseph ESTOUP. Celui-ci avait participé activement au putsch du 21 avril 1961 qui tentait de renverser la République pour mettre en place une dictature militaire. Il avait alors été condamné à de la prison avec sursis et déchu de ses décorations. Quelle insulte aux valeurs de la République !!!

Le 4 juillet 2022, c’est la désignation de Mme Patricia Mirallès comme ministre des anciens combattants et de la Mémoire, fille de rapatriés (son père ancien responsable OAS), qui ne cache pas ses liens, et les revendique, avec les nostalgiques de l’Algérie Française. Le 5 juillet 2022, Le Président de la République a fait déposer une gerbe au pied du Mémorial du Quai Branly. Sa nouvelle Ministre était présente, elle y a déposé elle-même aussi une gerbe. Sur sa page Facebook elle publie des photos la montrant en train de discuter, avec le sourire, avec ces nostalgiques de l’OAS.

Le 5 juillet 2023, un fleuriste livre 5 gerbes au Mémorial du Quai Branly : celle de la ministre et les autres pour ces associations pro-OAS / pro-Algérie Française : qui à payé ce qui ressemble fort à une commande groupée ? Pas de preuves, mais évidemment un doute sérieux.

Or lorsqu’on se souvient des actions de l’OAS entre 1961 et 1962, en particulier, le combat des nostalgiques depuis cette période, on ne peut que s’inquiéter. Ce sont plusieurs milliers de victimes civiles et militaires tuées lors d’attentats en Algérie et en Métropole. N’oublions pas les gestes forts, symboliques qu’elle a organisés :

  • Le putsch militaire du 21 avril 1961pour mettre en place un gouvernement militaire. Il a été mis en échec pour une bonne part grâce à la résistance des appelés.
  • Les assassinats des maires d’Alençon et d’Evian
  • Les attentats contre le Président de la République d’alors le Général De Gaulle et ses ministres.

N’oublions pas le passé de Jean-Marie Le PEN, ce député poujadiste qui démissionna de son mandat pour se réengager dans l’armée et selon son propos d’alors « pour casser du bougnoule ». Il fut responsable du centre de torture de la Villa Susini pendant la Bataille d’Alger, et se dit fier de ses exploits en Algérie alors. Il fondât le Front National avec de nombreux ex-responsables de l’OAS à la fin de cette Guerre de Libération de l’Algérie, l’ADN de ce mouvement : on le voit avec le discours à l’Assemblée Nationale de José Gonzalès.  Cette banalisation, cette réhabilitation de fait, de cette organisation fascisante, raciste, anti-républicaine, élaborée au plus haut niveau de l’Etat est plus que préoccupante, inquiétante. C’est une caution à l’extrême droite.

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