Henri Waisman

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Billet de blog 19 novembre 2025

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Pour un pacte renouvelé entre les pouvoirs publics et les associations de proximité

Il est dans l’intérêt de l’Etat, garant de la cohésion sociale, de soutenir concrètement ces associations de proximité et, en premier lieu, de stopper l’hémorragie qui les frappe depuis de nombreuses années en préservant les dotations financières qui leur sont allouées dans le budget 2026.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le mouvement « Ca ne tient plus ! » du 11 octobre dernier alerte sur la situation critique des 1,6 millions d’associations actives aujourd’hui en France. Baisse de financements, précarité croissante et dégradation des conditions de travail créent une menace existentielle pour nombre de ces structures.

Le sujet n’est pas nouveau. Un avis du Conseil économique, social et environnemental (CESE) paru en mai 2024 soulignait déjà les fragilités du secteur et érigeait la pérennisation des associations comme un véritable « choix de société » au vu de leur rôle essentiel en soutien de l’action des pouvoirs publics.

Or, au moment des choix budgétaires difficiles à venir, le projet de loi de finances 2026 propose de poursuivre la réduction des financements associatifs, via par exemple la baisse de 26 % du budget alloué à la jeunesse et à la vie associative ou l’effort important imposé aux collectivités locales avec des répercussions directes sur les associations qu’elles soutiennent. Le moment de vérité est donc venu pour beaucoup de ces structures associatives qui dépendent de façon critique des financements publics de l’Etat et des collectivités locales.

C’est notamment le cas de la multitude d’associations de proximité qui quadrillent le territoire national – petites structures qui œuvrent au plus près des habitants dans une aire géographique déterminée. Pourtant, elles sont en première ligne face à des défis clés tels que la sécurité, l’intégration, la précarité, les inégalités, l’insertion professionnelle ou l’éducation, notamment dans les quartiers populaires et les zones rurales. A ce titre, ces structures sont des relais fondamentaux de l’action de l’Etat et des collectivités locales et jouent un rôle clé au service de la cohésion sociale.

L’observation du quartier de la Goutte d’or à Paris, quartier populaire qui concentre les défis, est emblématique de cette situation. Le tissu associatif, très dense, permet de déployer un accompagnement adapté aux réalités du quartier et aux besoins des habitants, de détecter et d’anticiper les obstacles qui les affectent au quotidien et limitent leurs perspectives et de construire des solutions concrètes avec eux. L’expérience de terrain des acteurs associatifs, leur expertise précieuse acquise au fil des années et leur présence continue et inconditionnelle au cœur du quartier en font des relais indispensables de l’action publique, unanimement reconnus comme tels par les représentants de l’Etat et des collectivités locales actives dans le quartier. Laisser se dégrader les conditions d’action de ces structures, c’est prendre le risque d’une perte irrémédiable de lien social dans des zones qui en ont cruellement besoin.

Il est donc dans l’intérêt de l’Etat, garant de la cohésion sociale, de soutenir concrètement ces associations de proximité et, en premier lieu, de stopper l’hémorragie qui les frappe depuis de nombreuses années en préservant les dotations financières qui leur sont allouées dans le budget 2026. Dans le contexte budgétaire contraint, ce serait un geste fort, porteur de sens, qui devrait s’accompagner d’une recherche d’efficacité accrue pour optimiser le bénéfice collectif retiré de l’investissement consenti.

Cette recherche d’efficacité peut être une opportunité de s’attaquer aux contraintes qui entravent l’action des associations : rareté des financements de fonctionnement ; manque de cohérence globale entre différents guichets de financement ; poids administratif croissant ; limitation des engagements pluriannuels, qui affecte la visibilité sur le long terme ; financements versés au compte-gouttes et souvent tardivement, créant des risques graves de trésorerie. Ces contraintes structurelles sont largement causées par les modalités d’attribution des financements publics, qui s’appuient de plus en plus sur une multitude d’appels d’offres centrés chacun sur la conduite d’activités isolées, prédéterminées et à visée de court terme.

L’avis du CESE de 2024 donne des pistes pour remédier à cette situation. Il souligne notamment les bénéfices d’un recours accru à la subvention comme mode de financement associatif en termes d’efficacité de l’utilisation de l’argent public. La réduction des coûts administratifs et de gestion permettrait en effet de recentrer les ressources sur la réalisation des missions au service des populations. Et surtout, une telle réforme permettrait de soutenir et de promouvoir des formes d’action mieux adaptées aux réalités du terrain, c’est-à-dire inscrites dans le temps long, privilégiant la disponibilité sans contrepartie vis-à-vis des bénéficiaires, permettant l’agilité nécessaire pour répondre à des besoins en constante évolution et prenant en compte les interdépendances structurelles entre les enjeux.  

Une telle évolution devrait s’accompagner d’une remise à plat des modalités suivant lesquelles les associations rendent des comptes sur leur utilisation de l’argent public, en passant d’une logique centrée sur les moyens à une logique focalisée sur les résultats. En pratique, il s’agirait de dépasser les simples comptes-rendus d’activités pour aller vers une évaluation par les associations de leur impact d’ensemble sur les enjeux sociaux prioritaires sur lesquels elles interviennent.

Dans un tel cadre, les associations de proximité seraient alors pleinement installées comme des partenaires à part entière de l’Etat et des collectivités locales, impliquées avec eux dans la conception et la mise en œuvre de l’action sociale et, en contrepartie, redevables des résultats de l’action collective.

La combinaison de ces mesures—maintien des montants, passage à la subvention, redevabilité sur les résultats – concrétiserait un pacte renouvelé entre les associations de proximité et les pouvoirs publics, qui permettrait de sortir par le haut du double défi financier et social que traverse notre pays, dans une démarche consciente des contraintes de court terme mais tournée vers l’avenir.   

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.