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Billet de blog 21 mars 2020

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Questionnement sur le mal (suite)

"A mesure que l'on observe sans feindre la monstruosité des autres, on finit tôt ou tard par la reconnaître en soi. Où peut-on puiser la force d'échapper au pire de ce que nous refusons d'être?"

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« … à la barbarie qui ensanglante le monde nous cherchons tous des causes hors du milieu où nous vivons, dans des groupements humains qui nous sont ou que nous affirmons nous être étrangers. Je voudrais proposer de considérer la barbarie comme un caractère permanent et universel de la nature humaine, qui se développe plus ou moins selon que les circonstances lui donnent plus ou moins de jeu. (...) On est toujours barbare envers les faibles. »

« Assis chez nous dans notre salon, loin de toute action et de toute passion, la plupart d'entre nous aiment à croire qu'ils ne céderont plus jamais aux haines abstraites. Nous nous enorgueillissons de notre sentiment d'indépendance à l'égard des médias de masse, et nous nous persuadons sans difficulté que nous n'avons d'autres maîtres que nous-mêmes. Du reste, beaucoup d'entre nous sont indifférents aux pires aspects des manifestations hystériques de masse; les voix insistantes qui se font entendre à la radio, dans les journaux et à la télévision ne nous gagnent pas si aisément, bien que nous ayons toujours été jusqu'ici entraînés avec les autres. En fait, historiquement, le bilan de notre résistance au déferlement n'est guère probant, et au moins pour moi, c'est une pensée à méditer. N'avons-nous pas, nous autres modérés, tendance à surestimer nos forces en temps de crise ? Pire encore peut-être : peu d'entre nous apprennent jamais à quel point la peur et la violence peuvent faire de nous des créatures aux abois, prêtes à se défendre bec et ongles. Si la guerre m'a enseigné une chose, c'est la conviction que les gens ne sont pas ce qu'ils paraissent être ou même ce qu'ils croient être. Lorsque la peur nous envahit, rien n'est plus tentant que de céder à la tyrannie de la nécessité et d'agir de façon irresponsable en obéissant aux injonctions d'un autre. Nous parlons aisément de liberté et de responsabilité, mais presque toujours sans discerner le courage d'acier qu'il nous faut pour les rendre effectives dans nos existences." Jesse G.Gray

« Il apparaît symptomatique d'une certaine mentalité moderne de s'émerveiller de l'absence de culpabilité chez les autres, tout en supposant comme une évidence la réalité de notre propre innocence. »
La conscience étant, pour l'homme, la faculté de savoir l'état de son activité psychique, elle lui permet de se reconnaître comme sujet. La conscience est donc d'abord la conscience de soi. « Quelle que soit la réponse qu'il donne, celui qui entend l'appel de la conscience découvre la liberté sous la forme du choix : il aurait pu agir autrement qu'il ne l'a fait; un des actes commis par lui aurait pu être autre. La totalité du champ du possible de l'action humaine s'ouvre à lui en même temps que survient la reconnaissance, lourde de conséquences, que c'est à lui qu'il revient de tracer sa voie. » Or en temps de guerre le soldat est le plus souvent hors de lui-même, il n'a pas la pleine conscience de soi, et donc il ne se
sent pas coupable de ses actes criminels. L'arme qu'il porte est comme une prothèse, comme un bouclier qui le protège de la réalité, de sa réalité de combattant. Cette arme le protège de sa conscience, car c'est avec cette arme ( cette machine ) qu'il va tuer, et non avec ses mains.
La démocratie ne nous protège pas du génocide et de la guerre. Elle ne nous protège pas non plus contre la possibilité de devenir un jour un tueur ou un tortionnaire.
« Dans les démocraties, les dirigeants sont élus par tous les citoyens, mais une fois à leur poste, ils sont investis de la même autorité que ceux qui y parviennent par d'autres moyens. Et comme nous avons eu maintes fois l'occasion de le constater, les exigences de l'autorité promue par la voie démocratique peuvent elles aussi entrer en conflit avec la conscience. L'immigration et l'esclavage de millions de Noirs, l'extermination des Indiens d'Amérique, l'internement des citoyens américains d'origine japonaise, l'utilisation du napalm contre les populations civiles du Vietnam représentent autant de politiques impitoyables qui ont été conçues par les autorités d'un pays démocratique et exécutées par l'ensemble de la nation avec la soumission escomptée. Dans chacun de ces cas, des voix se sont élevées au nom de la morale pour flétrir de telles actions, mais la réaction type du citoyen ordinaire a été d'obéir aux ordres. » Stanley Milgram
« Comment un brave garçon peut-il au bout de quelques mois se mettre à tuer ses semblables sans que sa conscience s'y oppose ? Revoyons le processus qui l'amène à cet état de fait. En premier lieu, l'individu doit nécessairement être transféré de sa position initiale en dehors du système militaire à une place définie à l'intérieur de celui-ci. Le libellé bien connu de la feuille d'appel sous les drapeaux fournit le mécanisme officiel
qui va déclencher cette mutation. Le serment de fidélité exigé de la recrue vient encore renforcer son sentiment d'engagement vis-à-vis de son nouveau rôle. Le camp militaire est situé à l'écart de la collectivité pour éviter toute possibilité d'ingérence d'autorités rivales. Récompenses et
punitions sont réparties selon le degré de soumission de la recrue. L'entraînement dure plusieurs semaines. Bien que son objet avoué soit de donner au futur soldat la maîtrise de la technique militaire, son but fondamental est d'abolir en lui toute trace d'individualité. Les heures passées sur le terrain de manoeuvre sont moins destinées à lui apprendre à défiler de façon impeccable qu'à lui inculquer la discipline, à donner une
forme visible à son intégration totale dans un monde organisationnel. Compagnies et sections marchent bientôt comme un seul homme, chacune d'elles obéissant strictement à l'autorité représentée par le sergent instructeur. Ce ne sont plus des groupes d'individus, mais des unités d'automates. Le véritable objet de cet entraînement est de réduire le fantassin à l'état de robot, d'éliminer en lui toute survivance du moi et,
grâce à un temps d'instruction prolongé, de lui faire intérioriser l'acceptation de l'autorité militaire. Avant de transporter les hommes dans la zone de combat, les chefs prennent soin de définir la signification de leur action en la liant aux idéaux reconnus et aux objectifs supérieurs de la société. On répète au nouveau soldat que ceux qu'il va combattre sont les ennemis de sa patrie et qu'elle est en danger tant qu'ils ne sont pas
exterminés. La situation est définie de façon telle que l'action la plus cruelle et la plus inhumaine paraît justifiée. » S. Milgram

Les guerres étaient et sont encore justifiées au nom de la civilisation, au nom de Dieu, de la pureté à retrouver, au nom de la sécurité, au nom de la lutte contre le terrorisme, etc, etc... A nouveau, et comme toujours dans l'histoire de l'humanité, les civils sont et seront les victimes de ces
affrontements meurtriers.
Bien que les exécutions publiques n'existent plus, la violence captive toujours autant et les spectateurs contemporains en recherchent encore le spectacle à la télévision, au cinéma, fascinés par cette part d'ombre d'eux-mêmes. Maintenant que la violence a régressé dans l'espace social, le goût pour les images cruelles constitue, sans doute, une façon de la vivre par procuration tout en la déniant pour soi.
Pourquoi alors ne pas réactualiser les jeux du cirque ? Mais, cette fois-ci, en y envoyant, à la place des gladiateurs-esclaves, les fauteurs de guerre en tous genres : responsables politiques, chefs d'Etat, fabricants et marchands d'armes, militaires de carrière, etc. ?

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