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Billet de blog 11 février 2017

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Revolution? vous avez dit revolution?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

J’ai toujours été surpris par la ferveur révolutionnaire qui accompagne la candidature de JL Mélenchon .Car à y regarder d’un peu plus près son programme n’a en fait rien de particulièrement révolutionnaire. Il me semble même, sous certains aspects, en deçà des propositions de l’Union de la Gauche de 81.

En effet, mis à part sa stratégie industrielle de réorientation écologique, qui constitue une véritable rupture, qu’en est-il de son programme économique et de ses conséquences en terme d’emploi et d’endiguement du chômage?

Les principales  mesures évoquées par la FI ayant pour objectif, outre de sauver la planète, de créer des emplois nouveaux, de mieux repartir le temps de travail, d’empêcher les  licenciements, de réduire le nombre de personnes sur le marché du travail, sont:

1) le développement de nouvelles industries liées à l’écologie et plus particulièrement à l’économie de la mer.

2) le retour strict aux 35 heures

3) le CDI quasi obligatoire

4) le rétablissement de la retraite à 60 ans

Or ces mesures sont-elles  à la hauteur de l’enjeu ?

Procédons par ordre:

1. Le développement écologique :

300 000 emplois dans l’économie de la mer, 400 000 agriculteurs de plus dans l’Eco agriculture et les circuits courts, le maintien du personnel dans le secteur nucléaire afin de procéder à son démantèlement. Nombre d’emplois créés: 700 000, à quoi l’on peut ajouter quelques milliers d’emplois dans le développement de la filière bois.

Cependant et malgré ce chiffre honorable, une  politique écologique conséquente ne se limite pas à la création d’industries nouvelles mais s’accompagne aussi de la destruction des anciennes industries. Sans remettre en cause la légitimité de ces mesures, il est tout de même souhaitable de se pencher sur leurs impacts en terme d’emplois . Par exemple et pour ne prendre que ces secteurs :

-         qu’adviendra-t-il de l’industrie du transport de marchandise  et de la grande distribution si est généralisée la distribution en circuit court ou la vente directe en coopérative.

-         qu’adviendra-t-il de l’industrie automobile et de l’industrie pétrolière avec tous leurs sous-traitants si est mise en place une politique efficace de transports publiques et de lutte contre la consommation énergétique ?

Pour l’instant aucune étude sérieuse ne peut prédire si le tournant écologique créera plus d’emplois qu’il n’en détruira. Peut-être bien que oui, peut-être bien que non. Il s’agit d’un credo brandi par les écologistes depuis des lustres, mais dont la véracité est totalement invérifiable.

Si l’on rajoute à cela que d’après les études les plus optimistes, la robotisation  (qui elle est incontournable) ne réduirait le nombre d’emplois  « que » de 10%, ce qui est déjà énorme, nos 700 000 emplois créés paraissent bien faibles par rapport au taux de chômage réel présent et avenir.

La transition écologique est bien une mesure nécessaire mais elle n’est pas suffisante.

2. les 35 heures :

Mises en place par Martine Aubry les 35 heures  et les RTT sans diminution de salaire sont sans aucun doute une des mesures les plus sociales de l’après-guerre. Les 35 heures ont ainsi créé quelques 300 000 emplois et  permis le développement d’une économie de loisir et la renaissance de nombreuses zones rurales grâce au tourisme.

Elles n’ont cependant pas atteint la totalité de leurs  objectifs.

En effet réduire d’une heure le travail quotidien  a deux inconvénients majeurs : il n’entraine pas une embauche massive, car il est juste demandé aux salaries de faire en 7 heures ce qu’ils réalisaient auparavant en 8 heures, et  il diminue l’activité  économique en réduisant  la plage horaire d’ouverture des services .

Or on voit mal l’intérêt d’un retour strict aux 35 heures.  Même si elle est souvent contournée par l’utilisation abusive des heures supplémentaires, la législation sur les 35 heures est toujours en vigueur et je ne vois pas trop comment la simple réaffirmation de son existence pourrait  endiguer le chômage.

Pour que la mesure soit  efficace, il faudrait que la réduction de temps de travail soit massive, équivalent de préférence à la création de 2 emplois sur un même poste. Et pour que le salaire de chacun reste  conséquent sans réduire la plage horaire de l’activité économique, il faudrait que le temps d’occupation des 2 personnes sur ce poste s’étale sur l’ensemble de la semaine. Or, même si cela satisferait un bon nombre de personnes  jeunes ou vivant seules, du travail le dimanche Mélenchon ne veut point. Quant aux 32 heures, il ne l’évoque que de manière très hypothétique.

3. Le CDI quasi obligatoire, quotas  10% de CDD

Les contrats CDI existent  depuis belle lurette et concerne d’ailleurs encore plus de 80% des salariés. Or,  malgré la mise en place de mesures de contrôle des licenciements par l’autorisation administrative, puis d’augmentation des charges sur les CDD, ceux-ci n’ont jamais constitué un réel rempart contre l’augmentation du chômage.

Instituer un CDI pour tous équivaut à vider de son contenu ce type de contrat, car la logique économique est intournable : mon carnet de commande est plein, j’embauche, il est vide, je licencie. Hormis les postes ne demandant pas de compétence particulière, les entreprises n’embauchent  en CDD que sous la contrainte de leur propre insécurité économique. Cette mesure peut donc s’avérer totalement contreproductive car plutôt que de prendre le risque d’une embauche en CDI, puis d’un licenciement couteux, les entreprises  préfèreront transférer la surcharge de travail sur le personnel  existant, quitte à payer des heures sup. On risque  alors de rentrer dans le cycle infernal  « contrainte administrative, effets pervers sur l’emploi, contournement de la loi, sanctions pénales, mise en dépôt de bilan.. », le tout au détriment des salariés.

   Une des raisons majeures des licenciements massifs  sans cause réelle  s’explique par existence de ce qu’on appelle les LBO ( leverage buy out) qui n’ont d’autre objet que de lessiver les comptes des entreprises . Inventé par des sociétés internationales prédatrices, le principe est le suivant : acheter d’abord une entreprise en bonne santé, avec une mise de fond propre ridicule, puis se rembourser sur la bête afin de couvrir les prêts bancaires, effectuer ensuite des licenciements massifs afin d’en augmenter artificiellement la rentabilité, et enfin revendre avec bénéfice  l’entreprise, devenue exsangue. Le tout sur un très court terme. Plus de 40 % des entreprises ayant subi ce traitement durant les 15 dernières années sont tombées en faillite. Une interdiction de ces pratiques par une fiscalité confiscatoire serait bien plus efficace pour assurer le maintien des emplois que cette dérisoire loi sur les CDI.

   De plus le CDI ne résout en rien le mal-être au travail. Bien au contraire. Ce n’est pas forcément sur la garantie d’un emploi à vie que les gens bâtissent un avenir radieux, et la situation de détresse psychologique de bien des gens de la fonction publique en est  la preuve. C’est la sécurisation du parcours personnel qu’il est important de mettre en oeuvre et non celle du parcours professionnel. Chacun doit pouvoir dire  à son patron «  vous m’emmerdez, je me casse » sans craindre de se retrouver du jour au lendemain sur la paille.

   Or du revenu de base, appelez-le comme vous voulez, Mélenchon n’en veut pas.

4. La retraite à soixante ans

      C’est  une mesure sociale cohérente dans la perspective d’une réduction du chômage. mais même à ce niveau elle manque cruellement d’ ambition. Le calcul des pensions est extrêmement complexe, et le système ne permet pas une véritable progressivité de passage à la retraite. On se demande pourquoi n’est pas introduit un système de retraite à point, pouvant se combiner avec un temps partiel dès l’âge de 50 (rappelons que 60% des plus de 54 ans n’ont actuellement pas d’emplois). On pourrait également  envisager sous forme de quotas une embauche prioritaire des plus de 50 ans dans la fonction publique afin d’assurer à ceux qui en ont besoin une fin de carrière digne.

      Je n’ai pas l’intention de passer en revue l’ensemble du programme de Mélenchon, mais à travers ces quelques exemples de mesures sociales, une chose saute aux yeux. Elles n’ont rien de révolutionnaires, je dirais même que c’est un peu « le service minimum ». En somme elles ne sont que le recyclage des mesures prises par les socialistes quand ils étaient au pouvoir durant ces trente dernières années, socialistes paradoxalement tant décriés par les militants de la France insoumise. Que ces derniers dénoncent ce qu’est devenu le PS sous le misérable quinquennat de Hollande, cela se comprend, mais qu’ils aient au moins l’élégance de faire un effort de mémoire et de rendre à César ce qui est à César. Leur hargne anti-PS est d’autant plus injuste que ces mêmes socialistes ( ou disons plutôt sa vieille garde) avaient à l’époque eu l’audace et le courage, pour faire face aux attaques du capital, de protéger une bonne partie du patrimoine industriel français grâce aux nationalisations. Or de nationalisations, à part l’eau et l’énergie, Mélenchon n’en parle que très parcimonieusement.

      Quand le révolutionnaire n’est pas forcément celui auquel on pense.

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