Mélenchon chasse sur les terres du FN, c'est même un axe central de sa stratégie. Ce qu'il cherche c'est faire revenir au bercail les brebis égarées. On ne peut pas le lui reprocher, il s’agit même d’un acte de salut public.
Pour y parvenir, et convaincu que les laissés pour compte avaient besoin d’un porte parole aussi percutant que M Le Pen pour exprimer leur cri de révolte, il a repris dans sa forme la phraséologie radicale et les néologismes qui ont fait le succès de JM Le Pen ; " europeisme, degagisme "; à certains termes il en a substitués d’autres de la même veine : établissement ( establishment) est remplacé par « les puissants », les "gens d'en bas", par les "gens" tout court.
Une telle stratégie politique cependant ne fonctionne que lorsqu’on l’alimente par un discours axé sur la haine d’un ennemi commun immédiatement identifiable. Pour le Fn il ne fait aucun doute que c’est l’immigration. Pour Mélenchon ce fut au départ la critique du système. Or la critique du système est un concept trop flou, trop général, difficilement cernable. Finalement et en toute logique cette critique s'est transformée en la dénonciation d'un unique responsable, drapé de tous les oripeaux du mal et de la traitrise: Hollande, et toute sa bande, donc le PS. Et cela, sans recul historique, sans mémoire, brut de décoffrage.
Et ce qui devait arriver arriva. A vouloir trop caresser dans le sens du poil un électorat tenté par le vote FN, Mélenchon s’est laissé prendre à son propre piège.
Comment aujourd’hui pourrait-il annoncer une alliance avec ce qu’une partie de son électorat identifie comme son pire ennemi, sans à son tour être accusé de trahison ?
Aura -t-il le courage de perdre certains de ses lecteurs pour faire gagner la gauche, ou fera – t- il le choix de se recroqueviller dans un mouvement éternellement minoritaire, misant comme le FN non sur l'adhesion majoritaire mais sur l'accident de l'histoire.
Une chose est certaine, les stratèges d'extreme droite sont loin d’être des imbéciles et voient déjà tout le bénéfice qu’ils peuvent retirer d’une telle situation. Voici un papier que j'ai retrouvé sur le site Français de Souche, quand M le Pen se proposait d' aider Mélenchon afin qu’il puisse avoir ses 500 signatures:
"En vérité, la porosité qui existe entre les électeurs de Marine Le Pen et ceux de Jean-Luc Mélenchon aurait motivé le FN à proposer son aide. Le parti frontiste envoie ainsi un message amical aux Français en colère, et puis, surtout, favorise la multiplication des candidatures à gauche ; de quoi ouvrir à Marine Le Pen une voie royale vers le second tour."