Croissance des inclinations
Cette inclination pour des habitudes nocives ne cesse de croitre. On préfère la couvrir en en cachant les effets catastrophiques sur l’être humain et la société. On amoindrit ses effets, tant est intense sinon violente la confrontation entre ceux qui profitent financièrement de leur vente et l’action déployée sur l’esprit et le corps de l’homme à son stade de développement le plus fragile. C’est celui de son passage à l’adolescence. Vous trouverez dans cet article les éléments qui vous permettront de comprendre les mécanismes de leur action, le bilan des dégâts infligés l’organisme humain et les moyens d’en atténuer les effets, voire de se débarrasser de leur addiction. Ils sont tirés d’un article d’une des meilleures revues américaines de médecine. Il analyse les modalités de l’insertion dans l’addiction, les raisons de cette accoutumance et les indique les moyens d’en juguler les conséquences individuelles et sociétales.
Progrès dans la connaissance, la prévention et le traitement
Cet article traite des progrès accomplis récemment dans la prévention et le traitement des troubles dus à l’absorption de produits toxiques. Ces dix dernières années, l’attention des chercheurs et soignants a été attirée par l’hypothèse que l’addiction serait liée à une maladie du cerveau. Cette vision peine à être acceptée sans critique. La raison en est que, dans ce type de pathologie, on observe des comportements aberrants, impulsifs et compulsifs, tous caractéristiques de l’addiction. A cause ou malgré ces dernières, l’addiction n’a pas été ou pas encore été clairement liée à la neurobiologie. Cet article se propose de traiter les progrès réalisés dans la connaissance de la neurobiologie de l’addiction pour éclaircir les mécanismes des liens révélés entre l’addiction et les fonctions cérébrales et d’approfondir la compréhension de l’addiction considérée sous l’aspect d’une pathologie du cerveau. C’est dans cette perspective que nous nous centrons sur :
- les processus de désensibilisation des circuits de la récompense qui amortit la capacité de ressentir du plaisir tout en poursuivant les activités journalières,
- la vigueur des réactions aux conditions de vie et en particulier des réponses aux stress.
Intensification et affaiblissements
Tous provoquent une intensification du désir d’alcool ou d’autres drogues et de sensations négatives quand ces besoins ne sont pas satisfaits. S’y ajoute un affaiblissement des fonctions situées dans les régions du cerveau impliquées dans les prises de décision, la maitrise des interdits et des régulations des autonomies risquant de mener à des récidives. Ces commentaires s’adressent également aux manières dont l’environnement social, les étapes du développement individuel et la génétique influencent la vulnérabilité et la guérison. Dans cette pathologie, la recherche en neuroscience offre de nouvelles perspectives pour la prévention et le traitement des addictions aux substances et aux comportements à risque dans le jeu, le sexe ou l’alimentation. Elle devrait aussi améliorer notre entendement des processus biologiques fondamentaux impliqués dans la maitrise des comportements.
Mieux informer
Cette étude est d’autant plus importante pour ses conséquences pratiques et médicales que, partout dans le monde, spécialement aux Etats-Unis et en France, des millions de personnes sont atteintes d’une addiction à l’alcool et aux autres drogues. Dans ce bilan, ne faut-il pas accorder une mention spéciale au difficile problème de l’insertion du cannabis dans la pharmacopée ? Cette question ne cesse d’être remise sur le tapis en raison des opinions contradictoires exprimées au sujet des bienfaits ou effets nuisibles éventuellement provoqués par la libéralisation de la vente de ce produit ou au contraire par son interdiction. Après des années d’errements et d’indécision sur les mesures à prendre dans ce domaine, il apparait de plus en plus clairement qu’il vaut mieux considérer l’addiction comme une maladie du cerveau acquise. Cette nouvelle classification a conduit à des typologies de prévention et traitement plus efficaces et à une information plus pertinente à l’attention du grand public sur la politique de santé. Ces changements d’orientation se sont accompagnés de la mise en route de nouvelles instances dans les domaines de la couverture des frais de santé consistant en alignement de ces maladies sur les autres pathologies. Les sanctions seront réduites pour les pourfendeurs des lois à condition de rester non violents. La réduction des durées d’incarcération devrait augmenter la sécurité publique car les patients qui nécessitent une thérapeutique suivie pour des délits relevant de phénomènes addictifs devraient bénéficier d’une amélioration plus rapide et plus complète de leur état et d’une réintégration plus complète dans la vie sociale pour peu qu’ils reçoivent des soins mieux suivis, mieux coordonnés et plus efficaces. Ces avantages n’indiquent pas qu’un accord unanime soit trouvé sur la taxonomie de ces pathologies. Le concept d’addiction en tant que pathologie cérébrale soulève des défis profondément ancrés dans les valeurs telles que l’autonomie et la responsabilité qui relèvent de la volonté de réaliser un acte proche de l’hédonisme. Cette attitude doit-elle mériter l’opprobre envoyé à un acte considéré comme criminel plus que le geste d’un pardon à un acte irresponsable ?
Problème de l'épigénétique
L’autre critique adressée à cette hypothèse consiste à insister sur l’absence de toute preuve en faveur de l’origine génétique de cette pathologie et la difficulté d’expliquer les innombrables cas dans lesquels la guérison est obtenue en l’absence de tout traitement. Des mécanismes biologiques sont supposés intervenir au moins dans les symptômes relevant des difficultés dans les prises de décision et les déséquilibres affectifs si souvent observés dans l’addiction. Cette voie physiopathologique incite à élargir les causes de l’addiction dans d’autres domaines comme celui de l’obésité, des paris, du jeu, de l’obésité ou de l’assuétude à regarder la télévision, à rester planté devant les écrans sans pouvoir se départir de cette manie.
Intoxication
Toutes les addictions dues à des produits toxiques procurent des récompenses émises à partir des régions cérébrales destinées à sécréter de grandes quantités de dopamine. Ces augmentations quantitatives déclenchent des signaux de récompense qui à leur tour facilitent l’entrée en fonction d’une meilleure capacité dans l’apprentissage ou de toute forme de comportement du même type. C’est un apprentissage de type pavlovien dans lequel les expériences répétées de récompense sont associées aux stimulations envoyées auparavant par l’environnement. Recevant des signaux répétés de récompense, les cellules dopaminergiques cessent de stimuler non pour répondre à la récompense mais en tant que réaction anticipée aux stimuli. Ces derniers se comportent comme agents prédisant les sécrétions des produits apportant avec eux les messagers de la récompense. Ce mécanisme implique le même processus moléculaire que celui qui renforce les connexions synaptiques au cours de l’apprentissage et de la mise en route des fonctions de la mémoire. Dans cette perspective, les stimuli délivrés en même temps que l’usage des drogues, les circonstances de leur absorption, les personnes ayant participé à cette intoxication et la situation mentale dans laquelle se trouvait la personne avant d’avoir procédé à cette prise de drogue s’unissent pour formaliser, produire, favoriser la production rapide grandes quantités de flux de dopamine.
Frénésie, compulsivité et satiété
Ces derniers déclenchent une frénésie irrépressible pour la drogue, motivent les comportements des personnes ressentant de l’addiction pour le produit et finissent par provoquer des crises d’intoxication paroxystiques. L’évolution ultérieure de ces effets se caractérise par une dépendance profondément enfouie qui se déploie à nouveau bien après la fin de l’addiction, et malgré les menaces d’enfermement ou autres sanctions. Les produits responsables de conduites addictives contournent les sensations de satiété. Ce procédé favorise l’augmentation continue des niveaux de dopamine. Ce mécanisme explique les raisons pour lesquelles les personnes soumises aux addictions de manière compulsive sont des candidats plus fragiles que ceux qui absorbent des drogues pour rechercher une récompense naturelle. Il rend compte aussi du fait que les récompenses naturelles, saines perdent rapidement leur pouvoir envers les motivations de l’addiction. Dans cette circonstance, les systèmes de récompense et de motivation se réorientent sur le produit qui assurera la libération maximale de dopamine. Les personnes soumises à l’addiction le sont pour un des signaux déclenchés par un produit donné.
Humeur, motivations et comportements
C’est une des raisons pour lesquelles l’addiction modifie l’humeur, les motivations et les comportements. Contrairement à ce qui avait été supposé auparavant, il s’est avéré que l’addiction régulière provoque des libérations de dopamine en quantité plus petite qu’en son son absence. Cette réduction des quantités de sécrétion hormonale rend le système de récompense du cerveau moins sensible à la stimulation quel qu’en soit le mode, qu’il s’agisse de libération du produit ou en dehors de toute sécrétion. Ce mécanisme a pour effet de réduire les manifestations d’euphorie par rapport à ces effets tels qu’ils se manifestaient au début de l’intoxication. Pour cette même raison, les personnes déjà intoxiquées sont moins motivées par les stimulations ordinaires sociales ou relationnelles au fur et à mesure de l’évolution de leur addiction. Ces modifications, qui sont profondément fixées ne sont guère réversibles par la simple cessation de la toxicomanie. L’exposition au système de récompense et aux effets de la dopamine dans le circuit de l’amygdale favorisent les adaptations dans l’amygdale et la portion frontaledu cerveau. Dans le cerveau des personnes soumises à l’addiction, le système opposé à la récompense se montre hyperactif ce qui se solde par l’établissement d’une phase dysphorique. Cette dernière intervient au moment où les effets de la drogue s’atténuent ou que cette dernière est suspendue provoquant une diminution de réactivité de la dopamine dans le circuit de récompense du cerveau.
Malgré les désagréments...
Ainsi, les modifications résultant de l’entrée en vigueur de ces mécanismes provoquent une forte tendance à vouloir échapper aux effets désagréables laissés à la fin de l’usage des produits ayant engrangé l’addiction. C’est ainsi que la personne victime de l’addiction passe du plaisir de recevoir des drogues à la l’obtention d’une pause dans la sensation désagréable de la dysphorie. Elle ne comprend plus pourquoi elle continue de prendre le produit alors qu’il ne lui procure plus le moindre plaisir. Au contraire, d’aucuns affirment qu’ils continuent de prendre la drogue uniquement pour échapper à la sensation de détresse qu’ils ressentent au moment où ils ne sont plus intoxiqués. Malheureusement, l’effet temporaire lié à l’augmentation de la concentration de dopamine réduit cette sensation de détresse. Le résultat des effets répétitifs de ces prises massives de drogues aboutit à une dysphorie intense au cours du sevrage, elle-même responsable de la constitution d’un cercle vicieux. Les altérations produites dans les circuits de récompense qui sont aussi impliqués dans l’expression des émotions sont associées à des modifications dans les régions préfrontales impliquées dans les procédures de prises de décision, le déclenchement de certaines actions, les mécanismes présidant à l’attribution de certaines valeurs, de leur hiérarchisation et la prise en compte de ses propres erreurs. Chez les patients souffrant d’addiction, les altérations dans les signaux qui alertent sur les concentrations de dopamine et de glutamate dans les régions préfrontales affaiblissent la capacité à résister aux réactions nocives ou de maintenir l’effort de sevrage.
Une signalisation erronée
Les anomalies de signalisation et les erreurs dans l’évaluation des concentrations des substances qui interviennent dans l’évaluation des émotions, des récompenses créent un déséquilibre crucial pour le développement des comportements compulsifs dans l’addiction. Il l’est également pour l’incapacité de réduire les prises de produits addictifs malgré la prise de conscience de son effet catastrophique. La susceptibilité envers l’addiction diffère selon les individus en raison de la vulnérabilité de chacun, à l’influence des facteurs génétiques, environnementaux et de ceux qui président au développement de la personne. Les facteurs qui augmentent la vulnérabilité à l’addiction comportent l’histoire de la famille du côté héréditaire, les pratiques utilisées pour élever l’enfant, des expositions précoces aux drogues, des contacts prématurés à un environnement à risques, un accès trop facile aux drogues ou des attitudes trop permissives envers les possibilités d’absorption de produite addictifs et certaines maladies mentales telles que les instabilités de l’humeur, les déficits d’attention ou l’hyperactvité, les psychoses et désordres liés à l’angoisse. Ces pathologies touchent près de 10% des personnes exposées aux drogues addictives. Si la condition nécessaire au développement de l’addiction consiste en une exposition prolongée, celle-ci n’est en aucune façon suffisante à la réaliser. Comme dans nombre de pathologies, les facteurs qui contribuent majoritairement à l’évolution de la maladie sont les cardiopathies, le diabète, les douleurs chroniques, et le cancer du poumon. C’est dire la nécessité d’une prévention efficace et de mesures de santé publique pour modifier l’évolution de cette pathologie.
Approche globale
Elles se basent aussi sur une approche globale de la compréhension et du jugement porté sur les malades soumis aux addictions. Elle seule est susceptible de susciter une pratique scientifique rigoureuse pour lutter contres les conséquences en matière de santé publique de l’addiction. Ces mesures sont d’autant plus faciles à prendre que cette pathologie évolue surtout au moment de la période du risque maximum de l’adolescence, moment où le cerveau en plein développement est particulièrement sensible aux effets des drogues. Cette période correspond au moment où la plasticité cérébrale est à son acmé pour procéder à la régulation du fonctionnement des faisceaux neuronaux mobilisés pour stabiliser la vie émotionnelle. Au cours de l’adolescence, les enfants à la recherche de nouveautés ou particulièrement émotifs sont des proies faciles pour les substances toxiques. Cette prise en compte des risques et de leur période d’action maximale permet d’élaborer des stratégies d’évitement efficaces. Raison de plus pour prévoir la formation d’intervenants assez nombreux pour intervenir massivement dans les populations à risque. Quand la prévention échoue, il est encore temps de recourir au traitement médical pour prévenir les rechutes pendant que le cerveau est en train de guérir et que les capacités de décision du patient sont sur le point d’être restaurées. Les troubles liés à l’absorption de substances opioïdes relèvent des agonistes de la méthadone qui sont les médicaments clés pour la maitrise des symptômes consécutifs au sevrage. Toute stratégie compatible avec l’objectif d’augmenter l’importance de la récompense est apte à concurrencer avantageusement les propriétés inhérentes aux drogues dans ces domaines. Toute mesure capable de guérir les patients de leur addiction par le changement des cercles d’amis ou des environnements à risques est susceptible de réduire le danger de récidive.
Adolescence, période critique
La période où l’efficacité de toutes ces mesures est maximale se situe à l’adolescence, au moment où le cerveau est en pleine maturité, surtout dans les aires préfrontales et au niveau des réseaux corticaux si importants pour l’élaboration des jugements et de l’autorégulation des émotions. Le cerveau des adolescents est moins apte à moduler les désirs impérieux et les émotions trop fortes. Cet argument est capital. Il incline à fixer l’âge limite légal avant lequel les boissons alcooliques risquent d’être dangereuses. Si aucun compte n’est tenu des dangers d’une détection insuffisante des produits toxiques absorbés lors des changements intervenant à l’adolescence, le risque est grand de voir des difficultés à contrôler les impulsions d’absorber des drogues conduisant à l’addiction.
Volkow ND., Koob GF., Mc Lellan AT. Neurobiologic Advances from the Brain Disease Model of Addiction, N Engl J Med 28 1 2016.