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Billet de blog 11 novembre 2025

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Projet de Bougival : La double peine pour les indépendantistes

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11 novembre 2025

Projet de Bougival : La double peine pour les indépendantistes

"En démocratie, on tient les élections à l'heure". C'est ce que déclarait, en octobre 2021, le ministre des Outre-mer, un certain Sébastien Lecornu, face à la demande du FLNKS de reporter la date du troisième référendum prévu en période de covid et de deuil coutumier.

Comme seuls les imbéciles ne changent pas d'avis, et qu'en macronie les convictions suivent le sens du vent, la loi portant report (pour la troisième fois !) des élections provinciales a été promulguée.

Derrière les éléments de langage du gouvernement, docilement repris par les médias, qui mettent en avant la création de l' État de Nouvelle-Calédonie (omettant de préciser qu'il reste ancré au sein de l'ensemble national) ainsi qu'une nationalité calédonienne (mais liée à la nationalité française et qui gomme de fait l'identité kanak), le point majeur reste le dégel du corps électoral.

C'est la volonté du gouvernement de passer en force sur ce point qui avait déclenché la révolte de mai 2024. En effet, il est mathématiquement indiscutable que ce dégel contribuerait à rendre encore plus minoritaires les kanaks dans leur propre pays, surtout si une politique de peuplement était favorisée. Eric Descheemaeker, professeur de droit à l'université de Melbourne, l'appelle sans détours dans le Figaro : « Si 150 000 Français allaient s'établir chez eux en Nouvelle-Calédonie, la revendication indépendantiste serait mise structurellement en minorité ».

Mais le projet de Bougival comporte un deuxième piège, plus technique. En effet, en Nouvelle-Calédonie, le congrès est l'assemblée délibérante du territoire, Actuellement, il est composé de cinquante quatre membres pris parmi les élus des assemblées de province à raison de sept pour la province des Îles, quinze pour la province Nord et trente deux pour la province Sud.

Or, le projet de Bougival prévoit de modifier à la fois le nombre d'élus au congrès mais également leur répartition par provinces. Ainsi, le nombre de membre du congrès serait de cinquante six, soit deux de plus, mais avec une nouvelle répartition : la province des Iles (majoritairement indépendantiste) perdrait deux élus, la province Nord (majoritairement indépendantiste) perdrait un élu et la province Sud (majoritairement anti-indépendantiste) en gagnerait cinq !

Autre effet, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie (entre cinq et onze membres) est élu par le congrès au scrutin de liste à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne. Ainsi, contrairement à la métropole, le gouvernement n'est pas mono-colore, ce qui oblige à la discussion. Évidemment, réduire le nombre d'élus indépendantistes entraîne mathématiquement la réduction de leur participation au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.

Plus d'électeurs anti-indépendantistes, plus d'élus anti-indépendantistes, moins d'élus indépendantistes et moins de possibilités pour eux de peser dans le gouvernement : on se demande pourquoi le FLNKS signerait...

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