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Billet de blog 24 juillet 2023

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La théorie des trois blocs, revisitée

Si la photographie du résultat des présidentielles montre bien trois blocs - en fait quatre avec les abstentionnistes - leur positionnement me semble moins figé que ce que ces résultats laissent croire, ce qui permet d'espérer faire évoluer les mentalités, pour peu qu'on mène les bons combats.

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La théorie des trois blocs, revisitée

A l'issue des élections présidentielles, Jean-Luc Mélenchon a développé la théorie des trois blocs, qui, comme les Trois Mousquetaires, sont en fait quatre : un bloc libéral, un bloc extrême droite, un bloc populaire et, bien sûr, l'important bloc des abstentionnistes.

De manière anecdotique, on pourrait également noter le bloc, minoritaire et difficilement classable, des électeurs de Jean Lassalle, qui avec 1,1 million de voix atteint quand même 10% du total des voix du bloc populaire.

Simple projection des résultats, cette théorie donne un instantané des forces après le deuxième tour des présidentielles. Mais, comme toute photographie, elle fige dans le temps une situation politique, qui, en réalité, est mouvante. Un peu comme une photographie d'une manifestation ne donne qu'une vision partielle et ne rend pas compte des différentes sensibilités et, surtout, de leur évolution.

Si je crois qu'il y a effectivement trois blocs -quatre avec les abstentionnistes-, je les situe différemment : un bloc libéral, un bloc anti-libéral et un bloc fluctuant, accordant sa préférence tantôt à l'un, tantôt à l'autre.

Un large bloc libéral

Le bloc libéral rassemble de l'ancienne fausse Gauche de Cazeneuve/Delga à Zemmour, en passant par Macron, Philippe, Pécresse et Le Pen.

Le centre de gravité de ce bloc reste, pour l'instant, Renaissance (ex LREM), qui a su attirer les convaincus des bienfaits du néo-libéralisme ainsi que les opportunistes en quête de postes.

Mais la force centrifuge des macronistes doit maintenant rivaliser avec la montée en puissante du sous-bloc d'extrême droite, pleinement libéral lui aussi, qui profite du constant ménagement du parti présidentiel à leur égard, ainsi que du mépris du président pour les classes populaires, auxquels s'ajoutent les échecs répétés tant en matière d'économie que de sécurité.

Je sais bien qu'il est de tradition de faire une subtile distinction entre la droite et l'extrême droite, mais je ne vois pas en quoi la ségrégation sociale des macronistes serait moins condamnable que la ségrégation raciale des lepenistes, d'autant que c'est bien souvent le même public qui en est victime.

Un bloc anti-libéral, seul porteur d'écologie

Le bloc anti-libéral comprend la NUPES et l'extrême gauche anti-capitaliste. L'élément moteur en est bien sûr la France insoumise.

Ce bloc rencontre deux problèmes : le premier est qu'une partie des dirigeants PS et EELV ne sont clairement pas anti-libéraux. Dit autrement, ce sont des opposants à toutes formes de radicalités susceptibles à leurs yeux de les empêcher d'accéder aux responsabilités. Certains d'entre eux, j'en suis convaincu, seraient même prêts à rejoindre un gouvernement macroniste au fallacieux prétexte d’œuvrer pour le bien de la France. Rien à voir avec du carriérisme, bien sûr !

Le second problème c'est celui que pose la direction du Parti communiste, dans sa volonté obstinée de se différencier de LFI pour exister. Si le caractère anti-libéral du PCF ne semble pas pouvoir être remis en cause, la tentative de racolage des classes populaires à coup de punchlines démagogiques ne va pas aider à faire émerger une conscience de classe.

Un bloc fluctuant, adaptant son vote aux circonstances

Difficile à quantifier par nature, ce bloc regroupe des électeurs désireux d'utiliser leur droit de vote, sans pour autant être suffisamment politisés pour rester fidèles à une ligne politique définie.

Concrètement, cela se traduit aux élections locales par une fluctuation des votes en fonction de critères pas forcément raisonnés, le plus souvent commandés par des affects. C'est ainsi, par exemple, qu'au deuxième tour des législatives cet électorat peut voter LFI par rejet de Macron, dans le cas d'un duel LFI/Renaissance, mais préférera voter RN en cas de duel LFI/RN.

C'est également cet électorat qui apportera ses voix à des « petits » candidats, comme Lassalle ou ceux de la cause animaliste.

C'est à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle.

La bonne nouvelle, c'est que cet électorat ne nous est pas fondamentalement hostile. Et c'est sans doute plus facile de les convaincre plutôt que les abstentionnistes qui, d'élection en élection, sont de plus en plus nombreux.

La mauvaise nouvelle, c'est que, peu politisés, leurs votes peuvent facilement être orientés par une campagne médiatique, quitte à colporter n'importe quelle fausse affirmation pour développer un instinct de rejet. Le gouvernement s'y emploie d'ailleurs à longueur de temps en qualifiant LFI "d’extrême gauche", ce qui leur permet ensuite d'évoquer LES extrêmes, traçant ainsi un signe égal entre LFI et le RN, ou bien en excluant LFI de "l'arc républicain", etc.

Un électorat à convaincre

Si les efforts de conviction envers les abstentionnistes restent évidemment nécessaires, de même que les campagnes d'inscription sur les listes électorales, les efforts doivent également, et peut-être même surtout, se porter vers cet électorat, selon des modes d'action variables en fonction des territoires et des possibilités locales.

En premier lieu, il faut abandonner l'archaïque classification Gauche/Droite, qui entretient la confusion et permet d'amalgamer et de stigmatiser "les extrêmes". Il faut y substituer la claire séparation entre libéraux et anti-libéraux, ce qui permettra aux électeurs de bien situer dans quel camp se situent leurs élus.

Ensuite, cela passe forcément par une action vérité sur les votes RN à l'Assemblée nationale, afin d'exploser le mythe d'un RN social. Pour cela, les affiches et/ou tracts spécifiques sur ces votes, tels que demandés lors de l'Assemblée représentative de juin, seront un bon outil.

Enfin, si le programme de la France insoumise est sans conteste le plus développé sur le plan social, il faudra également affronter les Libéraux, et notamment leurs extrêmes, sur le terrain de la sécurité, éternelle thématique droitière, qui se servent de leurs échecs constants en la matière pour faire peur à un électorat crédule et faire accepter ainsi un constant recul des libertés.

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