Hervé Jarry

Abonné·e de Mediapart

4 Billets

0 Édition

Billet de blog 31 décembre 2022

Hervé Jarry

Abonné·e de Mediapart

La démocratie à LFI, pour quoi faire ?

Des "figures" de LFI s'insurgent contre un manque supposé de démocratie dans notre mouvement. Mais une démocratie pour quoi faire ?

Hervé Jarry

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

J'ai été quand même surpris qu'à l'issue de l'assemblée représentative de notre mouvement, quelques "figures" de LFI soient allées se répandre dans des journaux trop contents de pouvoir titrer « Corbière s'émancipe de Mélenchon et charge la direction de LFI » (Huffpost du 16/12) ou bien « A LFI, vent de révolte contre le verrouillage par Mélenchon » (Le Monde du 15/12).

Comme ça, s'il restait des électeurs qui avaient échappé à nos déchirements sur Quatennens, ils vont pouvoir se rattraper !

Cette bataille des ego, bien que désolante par ses effets dévastateurs dans l'opinion publique, m'aurait laissé relativement indifférent si elle ne prenait pas systématiquement les militants comme prétexte. Alexis Corbière évoque un « processus qui... n'associe pas assez les militants » et Clémentine Autain « Les militants n'ont pas voix au chapitre alors qu'ils devraient être les acteurs principaux du mouvement ».

Et chacun d'en appeler à la démocratie.

De quelle démocratie parle-t-on ?

Mais d'abord, de quelle démocratie s'agit-il ? La démocratie telle qu'on la pratique en France, y compris dans les partis, permet à une minorité d'imposer ses choix aux autres minorités, individuellement plus minoritaires. C'est, entre autres, pour cette raison, chère Clémentine Autain, que le passage à la VIème République est primordial. S'y référer en se raccrochant aux vieilles méthodes de la Vème me paraît contradictoire.

Mais soyons lucide. Dans le cas présent, il ne s'agit guère de démocratie mais plutôt de vote, les deux n'étant pas synonymes. Nous avons donc des "personnalités", qui, et elles ne s'en privent pas, ont tout loisir d'exprimer leurs idées sur les médias, trop heureux de leur ouvrir leurs colonnes ou leurs micros et pouvoir ainsi critiquer LFI de l'intérieur. Prétendre alors être « marginalisée » ou être victime d'un « verrouillage » (C. Autain – Libération du 12/12) devient risible.

Il s'agit en réalité pour ces figures médiatiques de solliciter les voix des militants, éventuellement en se présentant contre de simples militants, dont il est évident que leur manque de notoriété leur serait évidemment préjudiciable. Ce qui permettrait de faire coup double : se ménager "une place" tout empêchant des plus jeunes de révéler leur talent. C'est ainsi que naissent les éléphants...

Au demeurant, et comme le rappelle Jean-Luc Mélenchon, la coordination des espaces de la France insoumise, dont certains se plaignent d'avoir été exclu sans y avoir siégé précédemment, est une structure opérationnelle. C'est au sein d'une nouvelle structure, le Conseil politique, qu'auront lieu les discussions politiques. Et ce Conseil est ouvert, entre autres, aux responsables des partis associés au groupe parlementaire Insoumis. Si "Ensemble", le parti de Clémentine Autain, ne souhaite pas en faire partie, c'est son choix.

La démocratie à LFI, pour quoi faire ?

Car la démocratie n'est pas une fin en soi, juste un moyen. La justification de l'existence de la France insoumise c'est la volonté d'appliquer un programme politique visant à construire une société d'entraide ayant pour but l'harmonie des êtres humains entre eux et avec la nature. La démocratie du mouvement s'exerce dans la construction participative de ce programme et dans son amélioration constante.

Et c'est ce qui fait l'originalité de notre mouvement. Là où d'autres se cherchent d'abord un présidentiable -en général au dernier moment pour éviter autant que faire se peut les déchirures internes- pour ensuite se demander pour quel programme -ce qui donne de comiques improvisations telles que le doublement du salaire des professeurs, par exemple-, nous basons notre combat sur une ligne politique détaillée et chiffrée. L'émergence de personnalités médiatiques ne peut se faire que dans ce contexte. Toute tentative d'appropriation de la lumière médiatique, surtout si elle s'effectue sur le dénigrement d'un de nos camarades, ne peut être que nuisible au combat commun.

De fait, pour reprendre les mots de Jean-Luc Mélenchon, cette stratégie nous a permis en dix ans de passer de 3,5% dans les sondages à 22% dans les urnes. Pourquoi changer une équipe qui gagne ?

Mais surtout, l'objectif de combat étant défini, il me paraît logique que le général en chef soit issu du cercle concepteur de ce programme et que son entourage immédiat, c'est à dire la coordination des espaces, soit en phase avec et l'homme et la stratégie. Quel serait l'intérêt d'intégrer des dissonances dans une structure qui se doit avant tout d'être opérationnelle ? Les premiers à en pâtir seraient les Groupes d'Action.

Et, point non négligeable, chacun s'accorde à reconnaître la forte compétence de Manuel Bompard dans la coordination des actions.

* * *

Dit autrement : le simple militant que je suis ne demande pas à être sollicité à tout bout de champ (D'ailleurs, si on m'avait demandé mon avis, j'aurais voté contre la NUPES, ce qui aurait été une erreur tactique), mais à avoir un objectif clair (notre programme) qui ne soit pas remis en question au gré des humeurs médiatique de tel ou telle. Plus qu'une pseudo démocratie interne qui conduirait inévitablement à une guerre des clans, c'est la totale autonomie des groupes d'action qu'il faut préserver, autonomie que dans son billet de blog d'août 2022 Clémentine Autain estimait pourtant « devoir être revisitée ».

C'est le vœu que je formule pour cette nouvelle année : Force et courage à nos militants pour toutes leurs actions de terrain et sagesse pour les figures médiatiques de notre mouvement afin que leurs actions ne nuisent pas plus qu'elles n'aident.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.