Chaque jour, ce sont plus de 12 millions de petits colis qui débarquent dans l’Union européenne, 91 % en provenance directe de Chine. Ce sont nos camarades du transport qui les réceptionnent, les trient, les embarquent à l’aube dans des fourgons souvent surchargés, pour les livrer à l’heure dite. Ce sont eux qui gèrent les tournées impossibles, les temps de pause inexistants, les marges laminées. Mais qui parle d’eux ? Personne.Dans les bureaux climatisés de Bruxelles, on fait semblant de défendre la concurrence. En réalité, on sacrifie toujours les mêmes : les petits patrons du transport, les indépendants étranglés, les sans-papiers exploités sous statut de « sous-traitant », les salariés mal payés d’une chaîne logistique ubérisée.
2 euros par colis. Ce sera peut-être dissuasif pour les clients… ou pas. En revanche, ce qui est sûr, c’est que cet argent ne servira ni à payer dignement les livreurs, ni à soulager les petits transporteurs. On nous parle de "financer les contrôles douaniers" — très bien. Mais pas un mot sur les conditions de travail indignes dans la livraison du dernier kilomètre. Pas un mot sur les tarifs imposés par les donneurs d’ordre. Pas un mot sur les plateformes qui asphyxient les indépendants en les forçant à accepter l’inacceptable. Ce système est une machine à précariser. Et cette taxe n’enraye rien.
Nous, les livreurs. Nous, les transporteurs. Nous, les sous-traitants qu’on exploite et qu’on méprise. Nous voulons des règles. Des vraies.Un prix plancher obligatoire, pour empêcher les donneurs d’ordre d’imposer des missions à perte. L’application réelle de la solidarité financière, déjà prévue dans la loi, mais jamais déclenchée. L’interdiction des tournées irréalisables, en violation du Code de la route. L’encadrement des pénalités abusives, qui transforment chaque aléa en amende déguisée. Et oui, un flocage réglementé, ou supprimé, pour que nos véhicules servent plusieurs clients, au lieu de devenir des panneaux publicitaires gratuits pour les multinationales.
À chaque réforme, à chaque annonce, on consulte les économistes, les cabinets de conseil, les importateurs, les distributeurs, parfois les commerçants. Mais jamais les livreurs. Jamais ceux qui portent ce système sur leurs épaules. Nous sommes les bras, les roues, les sueurs de la mondialisation. Et pourtant, nous n’avons jamais le micro. Cette taxe de 2 euros ne changera rien si elle ne s’accompagne pas d’un changement structurel. Un changement qui protège les petits contre les gros. Qui remet l’humain avant la rentabilité. Qui assume que livrer un colis, ce n’est pas une ligne Excel : c’est un métier. Un métier qui mérite salaire, respect, dignité.
Et si Bruxelles veut nous écouter, on a des propositions. Pas des rustines. Des vraies solutions.