Si tout le monde souhaite la sincérité dans ses rapports aux autres, il existe aussi une méfiance à son égard tant elle peut être source de confusion et parfois de déception. En effet, on est rarement satisfait de la sincérité car elle est d'abord un désir de vérité de son sentiment, de sa pensée et de ses actes. Seulement voilà, la sincérité, si noble soit-elle, n'est pas une chose entièrement possible comme méthode du vrai tant qu'elle ne reçoit pas un jugement qui lui est de connaissance. La sincérité et la connaissance sont deux étrangères. On peut savoir de manière totalement insincère, c'est-à-dire hypocrite, mensongère comme on peut se tromper de manière sincère.
C'est ainsi que notre demande de sincérité, car ce désir procure de la joie quand il est satisfait, est souvent trompée par celui qui sait. Le savant se moque de la sincérité et la sincérité se moque de savoir si ce qu'elle dit est vrai. Ceci ne va pas sans remettre en cause tout discours pour sombrer dans un relativisme permanent. Car ce qui ravage le plus sûrement la sincérité s'appelle le soupçon. La confiance, que l'on peut opposer au soupçon, ne va pas sans la joie amoureuse que l'on porte à l'autre. Il n'est donc pas possible d'être sincère si l'on n'a pas confiance.
Cependant, rien ne peut aussi détruire l'exigence de vérité qui fonde la sincérité. A cela, il faudrait, pour nous aider à y voir plus clair, comprendre pourquoi le doute est aussi difficile à mettre en place dans la machine affective humaine. Dès que l'on doute on croit remettre en cause la sincérité. Pourtant, le doute permet d'opérer un tri entre le vrai et le faux. Que cette première étape soit respecter devrait permettre de s'engager dans un processus de vérité. Or ceci est le signe d'une grande maturité qui doit surmonter plusieurs obstacles. La sincérité refuse obstinément de savoir parce qu'elle sait déjà. On peut mentir aux autres sans mentir à soi-même et celui qui est sincère pense d'abord à ne pas se mentir à lui-même. Ce savoir du cœur forge certaines illusions ; il est beau quand il a l'innocence des enfants, il est stupide quand il se surpasse pour devenir feinte niaiserie et fanfaronnades. Combien d'hommes et de femmes trompés continuent ainsi de croire sincèrement des mensonges, maintenus dans l'espoir et la crainte d'être mal jugés ?
L'homme qui dit la vérité est rarement écouté quand celle-ci remet en cause quelques croyances ou de faibles certitudes ; celui qui est sincère par contre trouve toujours une oreille attentive. C'est pourquoi, la sincérité peut aussi être utilisée comme une arme pour défendre certains intérêts particuliers. Les hommes politiques mais aussi tous les truands du monde savent cela. Il y a des sincérités lassantes qui veulent toujours prouver leur... sincérité. Celui qui n'a que sa sincérité ne l'exagère jamais. Il faut pour cela se tenir toujours un ton en dessous car la sincérité ne doit pas être confondue avec la vérité qui pourtant exige, sans préalable, un examen profond de l'intention en vue d'une fin.
C'est ici que le doute est utile à celui qui pense tenir pour vrai la sincérité de ses propos. Est-ce cela l'intelligence du cœur ? L'économie de sincérité fait, avec peu, beaucoup pour la vérité. Etre sincère sur chaque chose demande des dons de plasticité, de souplesse hors du commun et au final finit par jeter le soupçon sur la sincérité. Qu'a-t-il à vouloir ne jamais tricher ? Pourquoi me montrer ce que je ne veux pas voir ou que je ne vois déjà ? Il y a une sincérité insupportable aux autres quand celle-ci ne débouche pas sur de la volonté et reste enfermée sur elle-même, s'apitoyant sur son sort.
Peut-on dire alors qu'il nous faut être sincère à n'importe quel prix ? Cela ne se peut tout simplement pas. On est sincère ou on ne l'est pas. Dès que nous ne sommes que sincères, il nous faut ôter ce voile d'ignorance pour être capable, tout en restant sincère, d'examiner la vérité du cœur. C'est déjà beaucoup d'être sincère mais cela n'est pas tout. Un cœur pur est sincère mais le plus dérangeant, c'est qu'un cœur impur peut l'être tout autant. Afin d'éviter le jeu des hypocrisies - même s'il faut parfois admettre qu'elle met souvent de l'huile dans les rouages des relations sociales - c'est du rapport avec le Soi dont il est question. Le Soi et l'Autre étant même, la sincérité retrouve sa place, c'est-à-dire qu'elle est une condition de la relation et non l'infaillible jugement sur toutes choses. Mais ceci est important car de là, de ce sentiment, la morale y plonge une racine bien profonde.
Billet de blog 1 janvier 2010
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