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Billet de blog 22 août 2014

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Eric Chevillard, dans un éclat de rire (la baudruche Frédéric Beigbeder dégonflée)

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Extrait :

"Le récit de la rencontre de Salinger jeune homme et d'Oona adolescente forme abusivement la trame de cette autofiction. Il est tout de suite très épris ; elle le fait languir, joue les mondaines futiles avec ses amies de la haute et fréquente Truman Capote, comparé ici à un "petit porcelet" : "Il est vrai qu'un amateur de charcuterie aurait eu du mal à résister à son charme. Mais ses yeux clairs pétillaient de malice et tout ce qu'il disait était léger et amusant, ce qui le distinguait tout de même d'un plat de cochonnailles." Un livre qui file si délicatement la métaphore est en revanche bien difficile à distinguer d'une belle daube.

Frédéric Beigbeder ne se mouche pas du pied - sans doute parce qu'il est chaussé de gros sabots et qu'il risquerait donc de se faire mal - : il se permet de mettre ses mots dans la bouche de Truman Capote, de la frêle Oona sans défense et de Salinger, mort en 2010, auquel il prête même sa plume (les vautours ont de semblables attentions). Ses amants magnifiques ont ainsi des conversations dont je vous laisse apprécier l'esprit : "Tu imagines si tout le monde avait un téléphone portatif dans la poche ? (...) - Tu sais bien qu'une telle abomination n'existera jamais." Puis Salinger part à la guerre, il débarque en Normandie et écrit à Oona : "Je suis ton Hitler et tu es ma France. Ne t'inquiète pas, je ne te demande rien en échange de mon occupation de ton territoire spirituel."

Le lecteur finit par se demander si Oona ne rompt pas avec Salinger en raison des inepties que lui attribue Frédéric Beigbeder. En fait, elle a rencontré l'irrésistible vieux Chaplin et elle l'épouse peu après. Salinger, lui, est l'un des premiers soldats américains à entrer dans le camp de Kaufering, près de Dachau, et à découvrir l'horreur. Frédéric Beigbeder écrit bravement ces pages difficiles puis, quelques chapitres plus loin, avec une insouciance désarmante, il nous raconte sa rencontre avec sa future femme sur une chanson de Céline Dion. Il est parfois bien périlleux de vouloir tout faire tenir dans un livre. La désinvolture peut avoir du charme ; la danse de l'ours également. Mais pas dans un magasin de porcelaine. "Une fille, ça s'ouvre et ça se referme : le problème est de trouver le bon mot de passe", écrit l'auteur.  Une chance dans notre malheur : un livre aussi, ça se referme." 

Eric Chevillard, Frédéric & Beigbeder, Le Monde des Livres, Vendredi 22 août 2014.

La baudruche Frédéric Beigbeder dégonflée ou comment obtenir un peu d'air frais !

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