Les cryptomonnaies sont l'étendard du web 3.0. Elles matérialisent tous les espoirs les plus fous, et coagulent toutes les incompréhensions les plus profondes. Basées sur le concept de la blockchain, ces nouvelles devises s'échangent parfois à prix d'or sur les places de marché qui fleurissent sur le web. Leur apparition a créé une nouvelle folie du trading, axée autour de l'achat revente spéculatif de ces actifs d'un genre nouveau, dont les cours se montrent souvent très volatils.
Le web 3.0 s'articule donc autour de la blockchain, cette technologie de validation décentralisée visant à se passer de tiers de confiance, en confiant ce rôle à une communauté d'acteurs. Bitcoin en a été le premier fleuron, et le succès de ce projet a propulsé les cryptomonnaies sur le devant de la scène. L'absence de tiers de confiance est une notion importantissime dans le cadre de l'évolution à venir d'internet. En effet, là où la société, et a fortiori internet, sont régulés par des autorités connues, définissables et unitaires, le web 3.0 ambitionne lui d'abandonner ce centralisme décisionnel. Le but affiché : rendre à la communauté son pouvoir de décision en l'arrachant aux institutions (bancaires et financières notamment). La blockchain et les cryptomonnaies impliquent alors une évolution décisive dans la structure financière mondiale. Celle-ci a été nommée DeFi, pour Decentralized Finance (finance décentralisée), et pourrait bien s'avérer créatrice d'un nouveau monde, dont les règles sont à créer.
Comment cela se concrétisera-t-il? Eh bien il est possible d'imaginer un monde où l'on ne passera plus par les banques pour emprunter de l'argent, mais où il suffira de se rendre sur sa plate-forme de gestion de portefeuille de cryptomonnaie pour se voir nantir d'une somme demandée, le tout sans fournir de contrepartie. C'est ce qu'ambitionnent les porteurs des projets de la DeFi, la démocratisation de la finance et des produits financiers auparavant réservés aux gros porteurs de liquidités. En effet, il peut être intéressant de se demander quelle est la logique permettant à une personne fortunée de pouvoir bénéficier des placements les plus avantageux, lorsque les petits porteurs ne se voient proposer que les produits d'épargne classiques. La DeFi devrait pouvoir changer les choses, et permettre à tous de faire de disposer des mêmes chances financières.
Malheureusement, comme souvent, l'utopie peut se changer en cauchemar, et il est fort possible que ces projets ne se soldent que par une amplification encore plus marquée des inégalités. La DeFi, obscure encore à l'heure actuelle, n'est accessible qu'à une frange très fine de la population. Les rendements des différents actifs proposés sur le web 3.0 sont pourtant tellement rentables que des fortunes se créent à vitesse grand V, sans pour autant que l'on ne permettent à la société d'en bénéficier. Une nouvelle fois, la révolution ne concerne que les plus aisés d'entre nous, et les personnes les moins bien loties ne pourront pas profiter des avantages offerts par la DeFi avant de nombreuses années. D'ici là, leur écart avec ceux qui mettent en place les règles du jeu de ces nouvelles plateformes et de ce nouveau monde "égalitaire" aura explosé. C'est cela, notre démocratie numérique : "aidons la communauté en développant des systèmes novateurs, mais une fois seulement que nous avons pu devenir riches grâce à eux."
Le principal défi de la DeFi est donc de se rendre accessible à la majorité. Pour cela, il importe que les autorités publiques se saisissent du sujet au plus tôt afin de s'arroger un rôle dans ce film d'action où les explosions s'enchaînent au rythme de l'apparition de nouveaux millionnaires digitaux.