
Le travail de Stefan Brüggemann (1975, Mexico) s’inscrit dans la lignée des mouvements artistiques clés du XX°, en particulier l’art minimal et le ‘concept art’.
Il mélange cette approche – qui peut paraître intellectuelle, distante et élitiste à premier abord – avec des clins d’deuil subtils au pop art ou à un humour noir très ‘dadaïste’. En empruntant des éléments et des stratégies de ces mouvements historiques d'art, Brüggemann les critique et les place dans un contexte complètement nouveau et actuel. Ainsi il peut se permettre de réexaminer et de critiquer certaines stratégies et positionnements artistiques. Son art nous paraît familier et nous avons la sensation de reconnaître immédiatement certaines techniques et formes de représentation. Par contre sa démarche ne se limite pas à la simple création d’un déjà-vu. L’artiste va plus loin et nous offre une esthétique et un message hautement personnalisés.

Ses « Trash/ Boîtes Miroir » (2016) nous font penser aux fameux cubes de Robert Morris ou les œuvres avec des miroirs de Michelangelo Pistoletto. Mais également à des œuvres contemporaines comme les « Fedex boxes » fragiles de Walead Beshty ou les sculptures de Marc Bijl. Le travail de Brüggeman présenté à Barcelone se compose d'un grand nombre de boîtes de verre reflétantes ( car elles sont composées de surfaces couvertes par des miroirs). Les configurations et les quantités sont variables : une seule par exemple placée sur un socle en bois neutre au centre de la salle principale (avec les murs couverts d’un papier peint noir sérigraphié) ; suivi d’un espèce d’entrepôt ou archive/musée (à la ‘le Département des Aigles’ de Broodthaers) dans la deuxième salle ; une structure pyramidale rappelant les constructions de Sol Lewitt (‘No form is inferior or superior to an other’) dans un autre espace. Et finalement une installation en forme de croix qui évoque des structures à la Carl André, Donald Judd, Vitto Acconci ou Richard Serra. Toutes les boîtes sont en même temps sculpture, récipient (évoquant un emballage d’un format traditionnel), mais elles semblent transparentes et légères grâce au fait qu’elles sont fabriquées en verre de miroir.
Le mot "Trash" (ordures) est sérigraphie sur deux côtés de chaque boîte, et chaque impression est unique et porte la marque de l’artiste. Les faces supérieures et inférieures des boîtes sont décorées également avec l'impression de fausses bandes d’emballage, comme s’ils étaient prédestinés à rester fermées pour toujours.
Dans un geste très pop (pensons à les ‘Brillo boxes’ de Warhol ou les imitations de bois de Richard Artschwager) l’artiste reproduit effectivement un objet banal, mais en utilisant une technique surprenante il le transforme en quelque chose d'étonnant: le miroir remplace le carton –tout en respectant les dimensions originales- et une image artificielle remplace le ruban d'emballage. Grâce à cette astuce l’artiste réussit à tourner l’espace d’exposition de l'intérieur à l'extérieur et place le spectateur en tant qu’acteur au milieu de sa démarche.
Les boîtes de miroirs ne peuvent pas être ouvertes, ce sont comme des espèces de ‘time capsules’ mystérieuses, mais le message écrit dessus par l'artiste à la main nous découvre qu’ils doivent sans doute contenir du "junk" ou des déchets.

Avant d’entrer la Fondation Gaspar j’avais déjà la célèbre chanson des New York Dolls qui me résonnait dans la tête : « Trash - go pick it up, take them lights away … ». Je m’attendais donc à une esthétique punk et provoquante. Stefan Brüggemann m’a clairement pas déçu. Il maîtrise à merveille la mise-en scène et crée un exposition dense et réussie qui est un plaisir tant pour les yeux comme pour l’esprit. Sa démarche semble être destinée à une critique féroce de notre société de consommation. Il nous demande en tant que public de prendre une position claire vis à vis la possible valeur des œuvres qu’il a créé.
L’artiste, qui vit et travaille entre Londres et Mexico, concentre sa pratique artistique également sur une analyse du langage et des textes écrits. Comme Marcel Broodthaers, Lawrence Weiner, Joseph Kosuth, Barbara Kruger ou Robert Barry il analyse obsessivement la force des mots et des messages écrits. Il s’inspire de la culture populaire (punk/pop) mais aussi des idéologies contemporaines socio-politiques qui dominent notre quotidien.
En même temps ces textes sont une forme de poésie néo-conceptuelle, pleine de sentiments et de sensibilité.
Hilde Teerlinck
Stefan Brüggemann
25/11/2016 – 05/02/2017
c/ Montcada, 25 – 08003 Barcelona
+34 938 87 42 48
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