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Billet de blog 9 mai 2016

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Ugo Rondinone - Exposition Vu par Hilde Teerlinck

Au Musée Boijmans Van Beuningen, Rondinone remplit la plus grande salle de l’institution avec une immense installation. Le visiteur se promène entre ses figures de clown grandeur nature, mi-drôles, mi-tristes. On se demande ce qu’on ressent vis à vis à cette figuration intrigante. Son apparence ridicule a pour but de nous faire éclater de rire.

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Illustration 1

Ugo Rondinone

J’ai eu le plaisir de visiter récemment deux expositions de Ugo Rondinone, un artiste avec lequel j’avais travaillé dans le passé (pour l’exposition ‘LIVING IN THE REAL WORLD’ au Musée Dhondt-Dhaenens en Belgique et ensuite pour l’expo inaugurale du Crac Alsace à Altkirch en France, intitulée ‘BIENVENUE/WILKOMMEN/WELCOME@Altkirch’).

La première exposition que j’ai visitée se tenait lieu au Palais de Tokyo –une institution avec laquelle moi-même (Hilde Teerlinck) j’ai eu la chance de travailler en 2015 comme ‘curator at large’. Elle s’intitulait ‘I LOVE JOHN GIORNO’.  Une exposition que Ugo a fait en jouant le double rôle de commissaire et d’ artiste, en invitant par exemple un autre de mes artistes favoris, l’artiste anglais Scott King, à réaliser le design du logo et le carton d’invitation.

La deuxième était une exposition individuelle majeure au Musée Boijmans van Beuningen à Rotterdam. Peut-être est-ce une vision purement subjective, mais il s’agit dans les deux cas d’expositions qui m’ont marqué et desquelles je suis sortié contente et heureuse d’avoir vécu une expérience intellectuellement stimulante.

Ugo Rondinone s’est profilé depuis quelques années comme l'un des artistes visuels de référence au niveau international. Il a représenté la Suisse à la Biennale de Venise en 2007 et a eu de grandes expositions en solo au Centre Pompidou , le Musée Louisiana d'Art Moderne au Danemark , la Kunsthalle Wien et tout le monde connaît bien sûr ses œuvres publics qui ornent par exemple le toit du New Museum à New York.

Illustration 2

Rondinone développe dans son travail certains thèmes d’une façon obsessionnelle : il s’agit de séries de clowns (vivants ou sculptés) ; de figures de pierre ‘post-africains’ proches de l’art brut ; de cibles néo-géo ;  de masques ; d’ ampoules de cire surdimensionnées et colorées ;  de peintures à bandes formants des ‘date-paintings’ bizarres ; de dessins de paysages énormes en encre noire ; d’ objets et des natures mortes en bronze ; de vidéos et d’ installations mélancoliques …

 L’artiste mélange librement tous les styles et techniques, explorant des thèmes de fantaisie et de désir, des ramifications qui opèrent entre la littérature et la poésie, le cinéma contemporain et les arts visuels.

Au Musée Boijmans Van Beuningen (sa première grande exposition aux Pays-Bas) Rondinone remplit la plus grande salle de l’institution avec une immense installation comprenant de nouvelles œuvres de sa série de spectres de couleurs, une série de fenêtres (très Duchampiens –‘Fresh Widow/Not French Window’), quelques ampoules de cire géantes et il a également ajouté des filtres de couleur sur la fenêtre immense donnant sur le jardin en créant une atmosphère cinématographique.  Sur le mur extérieur il nous souhaite la bienvenue avec des milliers de dessins d’arc en ciel, réalisés par des enfants. Sur le toit du Musée il a en plus installé un arc en ciel énorme avec un texte évocateur : « BREATHE/WALK/DIE ».  (Une pièce qui fonctionne comme une mantra ou mandala et qui nous invite à méditer.)

Illustration 3

Ensuite au milieu de la salle nous sommes confrontés avec 45 sculptures réalistes de clowns : une pièce intitulée ‘Vocabulary of Solitude/ Vocabulaire de la Solitude’.

Rondinone donne  à des motifs et des images de tous les jours et à des espèces de ready-mades manipulées une dimension poétique en les isolant et le sublimant. A l'étage des 1500 mètres carrés des Bodon Galeries, le visiteur se promène entre ses figures de clown grandeur nature, mi-drôles, mi-tristes.  On se demande ce qu’on ressent vis à vis à cette figuration intrigante.  Son apparence ridicule a pour but de nous faire éclater de rire.  Mais comme chaque personnage comique il y aussi un côté grave et tragique qui se cache derrière cet ‘acteur’ ou ce comédien.  Dans cette installation, le clown qui est  au centre de tout et au milieu de rien, semble la personnification du malheur.

Il nous rappelle le fameux serial killer et le pédofile Américain qui se déguisait en Ronald Mc Donald.  De même on retrouve un certain écho du protagoniste de ‘A Clock Work Orange’ de Stanley Kubrick.  Comédie et tragédie semblent se promener main dans la main. Rondinone est un metteur en scène talentueux et laisse ses énormes installations parler d'elle-même. ‘Une œuvre d'art’, dit-il, ‘est un succès si le spectateur n'a pas à penser et est conduit naturellement dans une direction particulière’. (“Good art revolutionises your whole being. It is something that stops you, or slows you down.”)

Je m´y suis arrêté et je ne l’ai pas du tout regretté.

En plus j’ai eu la chance d’assister à une performance inoubliable : le service éducatif du Musée avait organisé un vernissage exclusief pour des enfants, qui ont visité l’exposition, eux-mêmes déguisés en clown et avec les visages maquillés.  Cette confrontation surprenante (innocence versus tragédie ?) reste greffée dans ma mémoire : c’était beau et bouleversant à la fois.

Illustration 4

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