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LES POSSEDES I
Le week-end dernier j’ai eu l’opportunité de faire une escapade dans le sud de la France. Ayant vécu pendant quelque temps dans cette région, je l’apprécie. Je me souviens notamment de la Halle aux Poissons à Perpignan, une petite « kunsthalle » fondée avec l’Ecole Supérieure d’Art locale dont j’assurais alors la direction.
Samedi j’ai pu visiter à Marseille La Friche Belle de Mai, à la fois Centre d’art et Complexe Culturel particulièrement dynamique. Il rassemble des salles d’exposition, des ateliers et des espaces où se mêlent artistes, associations et commerces alternatifs. Présentée dans une grande salle, située dans la tour principale de cet ancien complexe industriel ainsi que dans la salle dénommée Panorama, au dernier étage du bâtiment, j’ai parcouru l’exposition Les Possédés (Regard sur Collections Privées du Sud de la France). Il s’agit d’une initiative de Jérôme Pantalacci (Directeur de la Foire d’Art locale Art-o-rama) mise en place en collaboration avec la commissaire Véronique Collard.
Le thème de cette exposition se résume ainsi: qui est possedé , l’artiste ou le collectionneur ? Jouant de cette double approche, l’exposition souligne les relations esthétiques et sensibles que des collections privées cultivent entre elles, proposant une mise en lumière des conversations singulières que chacune entretient aussi avec les artistes. Rassemblant plus d’une centaine d’œuvres contemporaines issues de nombreuses collections du sud de la France, elle met en scène les rencontres et les passions nées de ces confrontations en offrant une forme de condensé de l’art contemporain, des années 1960 à nos jours.
Je propose donc de vous entraîner dans une brève visite virtuelle de cette exposition, à la façon d’un tour guidé, m’arrêtant sur les pièces qui m’ont particulièrement surprise ou impressionnée.
Il convient donc pour suivre ce cheminement de se référer aux chiffres mentionnés dans le texte qui suit et qui font référence à la collection dont chaque œuvre est issue.

Les maquettes de Landscape House, œuvre de Jean-Pascal Flavien représentent une installation de tables minimalistes, sur lesquelles sont disposées dix maquettes de ciment et de céramique. Elles sont autant de mini-architectures utopiques, ressemblant à des modèles ou encore à des copies de constructions où se mélangent science-fiction et futurisme, ne manquant pas de nous rappeler le Facteur Cheval (1). Ces maquettes sont également confrontées à d’autres œuvres similaires de ce même artiste (3/4/5) assorties d’une série de photos de Raphaël Zarka (1).
Nous sommes ensuite placés face à des œuvres de trois artistes : Pierre Bismuth (4), Mathieu Mercier ( 8/4/5) et Koenraad Dedobbeleer (1) imaginées à partir d’objets de notre quotidien : lampes, meubles, téléphone, et conçus selon des formes hybrides à la fonctionnalité bien moins évidente.
Le travail élégant de la jeune artiste Mara Fortunatovic fut une vraie découverte pour moi et notamment sa présentation de formes minimalistes en aluminium peint ainsi que d’élégantes sculptures mélangeant bois et aluminium. Il s’agit là d’une œuvre raffinée, emprunte d’une sensibilité toute féminine (1/3). D’ailleurs, lors de ma visite je constatais que deux amateurs d’art de la région faisaient l’acquisition d’œuvres de cette même artiste.
Le mobile de Sam Durant, composé avec des couvercles de poubelle ne manque pas d’étonner, en cette période où l’actualité nous montre un climat d’émeutes, de grèves et de manifestations. L’objet m’a rappelé les mobiles de Bruce Nauman ou encore les ready-mades suspendus de Duchamp.
Plus loin, je découvrais des œuvres graphiques assorties de messages socio-politiques tel que L’ennui est contre-révolutionnaire (1) et, sur le mur du fond, -aux côtés d’un André de Saâdane Afif- une juxtaposition de trois photos de Louise Lawler. (1/4/7). Artiste parfaite permettant la mise en relation des collectionneurs avec leurs propres collections, ces images fonctionnent à la façon d’un miroir, nous renvoyant à la situation que nous vivons dans l’instant.
J’ai également beaucoup apprécié la vidéo de Anri Sala mettant en scène un personnage qui s’endort Uomo Domo (1) ainsi que l’interview réalisé par Roman Ondak auprès de Marc et de Josée Gensollen (1). L’artiste vient ici inverser les rôles, questionnant ce couple de psychiatres en nous révélant quelques traits de leurs personnalités.
Juste à côté, est présentée une série de sept œuvres du jeune artiste Belge Fabrice Samyn. (1/3/4) Là aussi je fus assez surprise de constater combien les œuvres choisies appartenaient à pas moins de cinq collections différentes. Les collectionneurs ont-ils réalisé un achat collectif ou est-ce une pure coïncidence ? Ou n’est-ce pas tout simplement le résultat d’échanges entre amis ? C’est aussi - me semble-t-il- le cas avec Gabriel Orozco qui nous montre de fort belles pièces issues de diverses collections, certaines de ces œuvres étant tout à fait emblématiques du parcours de cet artiste mexicain.
> A suivre …
Hilde Teerlinck