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Billet de blog 17 mars 2016

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L’art vu par Hilde Teerlinck : La galerie Estrany-De la Motta, Barcelona

Il s’agit sans doute d’une des meilleures expositions qui j’ai vu récemment ici à Barcelone : surprenante, fraîche et sans fausses prétentions. D’autant que le mélange d’artistes locaux et internationaux était très réussi – une exposition intelligente à voir et à revoir.

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Illustration 1
"La mula y la fea" La galerie Estrany-De la Motta, Barcelona

La galerie Estrany/De la Motta est née de l’union de deux galeristes : Angels de la Motta et Antoni Estrany. Ils ont décidé d’allier leurs forces et de s’installer dans un souterrain dans une petite ruelle du centre ville de Barcelone : Pasatge Mercader. Pour visiter la galerie il faut respecter un protocole « à la Parisienne » : sonner à une porte puis descendre un étage pour arriver dans l’espace industriel magnifique qui sert pour les expositions.

Ils sont presque les seuls à Barcelone, ville cosmopolite par excellence, à défendre une majorité d’artistes internationaux : Marijke Van Warmerdam, Douglas Gordon, Richard Venlet, etc.

Pour lancer la saison 2016, ils ont décidé de réaliser une exposition atypique qui analyse d’une façon fraîche la relation qu’ont établie les artistes contemporains avec le dessin, sous le titre « LA MULA Y LA FEA ».

Le résultat est une exposition pleine d’humour, contenant beaucoup de pièces exceptionnelles.

Les artistes sélectionnés sont Jesper Dalgaard, Pauline Fondevila, Carlota Juncosa, Jonathan Millan, Rasmus Nilausen, Miguel Noguera, Francisco Ruiz, David Shrigley et Nedko Solakov.

La multiplicité des points de vue sur le dessin rassemblés dans cette exposition convergent sur un point : la mise en scène des mécanismes sur lesquels se fondent les notions d'humour et d’ironie. Les travaux utilisent l'image non pas comme une réflexion ou un enregistrement de la réalité, mais comme une matière flexible qui permet aux créateurs de transformer une vision de notre quotidien. Leurs œuvres se rebellent parfois contre certaines règles, notamment ce qui est considéré comme esthétiquement beau, agréable ou séduisant – un peu comme les tableaux de René Magritte réalisés lors de sa période vache.

Un autre point fort dans ce jeu de puissance est la patine de l'humour sous lequel se cache un certain goût pour, ou du moins un intérêt non caché pour, la tragédie. Il s’agirait alors de rire pour ne pas pleurer ? Non par hasard, la figure d’un clown sert de « logo » à l’exposition. 

Jesper Dalgaard présente deux vidéos : « Burger poney » et « Opmærksom eller særlig opmær- KSOM ? » [Portez une attention particulière ou sinon … des soins ?]en plus d'une sélection de croquis utilisés pour la première. « Burger poney » (2014) est un prolongement de l'une de ses œuvres précédentes qui portait sur la lutte d'un artiste pour trouver une expression originale et personnelle ; ou comment le succès et l'échec sont deux faces d'une même histoire pleine de hauts et de bas ? D'une certaine manière, Burger poney commence là où le premier film prenait fin. Dans le premier, le but de l'artiste, qui était de s’inventer un style qui devait lui apporter la gloire et la fortune, échoue. Dans cette deuxième partie, l’artiste entreprend la mission de tuer un poney pour le servir dans des hamburgers au public. Mais il n'a malheureusement pas assez réfléchi aux conséquences de son acte et se voit soudainement impliqué dans un cirque médiatique, finissant par être stigmatisé et détesté de l’audience.

Une autre artiste, Pauline Fondevila, présente dix dessins et des textes qui font partie d'un projet plus vaste, ayant pour objet : comment créer une île et y construire une maison ?

Carlota Juncosa présente quant à elle une compilation de dessins et de textes qui composent un univers personnel plutôt chaotique.Jonathan Millan présente une série de dessins sur le mur d’entrée : entre autres le fameux ‘clown triste et gai à la fois’ qui représente l’image de propagande de l’exposition. Dans les peintures de Rasmus Nilausen se trouvent souvent des références à l'histoire de l’art. La peinture vue comme une terre de premier refus, de doute, d’expression d’obsessions personnelles diverses et même des contradictions, mais toutes valables dans le résultat final.

A partir d'une structure narrative, dans de nombreux cas composée de petits gestes, Miguel Noguera construit un monde détaillé et obsessif. Francesc Ruiz utilise le magasin KDW à Berlin pour créer un scenario socio-politique complexe qui discute des aberrations du monde de la publicité et de la consommation. Le travail « Untitled » de David Shrigley est une série de 19 images placées sur une étagère étroite. Chacune a une forme et une taille différente, ce qui permet à l’installation de fonctionner vraiment bien dans l’espace.

J’ai finalement été agréablement surprise par l’excellente sélection de dessins de Nedko Solakov, accompagnée comme d’habitude par ses textes très personnels et poétiques, qui eux aussi étaient accrochés d’une façon peu habituelle mais créative.

Il s’agit sans doute d’une des meilleures expositions qui j’ai vu récemment ici à Barcelone : surprenante, fraîche et sans fausses prétentions. D’autant que le mélange d’artistes locaux et internationaux était très réussi – une exposition intelligente à voir et à revoir.

Adresse :

Galeria Estrany-De la Motta, 18 Ptge. Mercader, 08008 Barcelona, T +34 93 215 70 51

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