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Billet de blog 31 mai 2016

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Les Marcels - Vu par Hilde Teerlinck

L'exposition "Les Marcels" présente une sélection surprenante d’œuvres de la collection Serge et Chantal Paternoster, Bruxelles. Elle est fruit d’un rencontre (assez surréaliste) entre l’artiste/commissaire Erich Weiss et le collectionneur privé Serge Paternoster – autour d’une œuvre de l’artiste britannique Conroy Maddox.

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Illustration 1
Les Marcels, Warp

C’est avec une image intrigante et un titre ironique que l’exposition « Les Marcels » est annoncée par l’association culturelle belge WARP vzw (Platform for Contemporary Art).

Le « Marcel » choisi pour la campagne de publicité n’est personne d’autre que le fameux  boxeur français Marcel Cerdan, connu pour sa carrière et ses victoires, mais aussi à cause de son histoire amoureuse avec Edith Piaf et sa mort tragique dans un accident d’avion. 

L’exposition est présentée dans la ville de Sint-Niklaas, dans une maison bourgeoise : l’ancienne demeure/atelier de l’artiste local Jan Buytaert qu’il a donnée généreusement à l’association sous condition que les  espaces soient utilisés dans le futur comme des lieux dédiés à la création contemporaine.  

L’exposition qui y est présentée en juin 2016 aurait sans doute plu au propriétaire.

Elle est fruit d’un rencontre (assez surréaliste) entre l’artiste/commissaire Erich Weiss et le collectionneur privé Serge Paternoster – autour d’une œuvre de l’artiste britannique Conroy Maddox.  Il s’agit peut-être d’un de ces « coups de dés qui jamais n’aboliront le hasard ».

Le résultat en est une amitié née entre ces deux amateurs d’art, dont le plus beau fruit est un projet en commun, intitulé ‘Les Marcels’ – regroupant des œuvres de Duchamp, Broodthaers, Mariën – mais aussi des objets, collages ou peintures d’artistes moins connus comme Marcel Van de Weyer ou l’artiste (originaire de Sint-Niklaas) Marcel Maeyer.  

L’exposition occupe les principaux espaces de la maison, offrant à chaque artiste un endroit spécifique pour ses pièces.  Ainsi, à l’entrée, un joli triptyque (hyper)réaliste de Marcel Maeyer (« Le Baiser ») est confronté en un dialogue savoureux à une petite  boîte « à la manière de Joseph Cornell », oeuvre de Van de Weyer. Intitulée « Elle/Lui », elle semble adresser un clin d’oeil au style pictural de El Lizitsky. Dans l’espace suivant, une œuvre de Richard Hamilton nous montre un Marcel Duchamp âgé caché derrière la reproduction du « Grand Verre ».  Le salon-bar au rez-de chaussée est dédié entièrement à l’œuvre de Marcel Mariên.  Une partie de l’espace a été convertie (grâce à l’utilisation de caisses en bois) en une salle de projection improvisée.

On peut y assister à la projection du film (longuement censuré à cause son ton anti-clérical, pornographique et anarchiste) : « L’IMITATION DU CINEMA » (1959).  Nous découvrons l’histoire d’un jeune homme (Tom Gutt) fasciné par l’Imitation de Jésus Christ qui décide de se laisser crucifier.   Le poster ayant servi à la promotion du film est présenté juste en face, entouré de deux collages.  Comme dans les autres œuvres présentées du même artiste, les titres ont une importance toute particulière, fascinante à bien des égards (ainsi sont-ils parfois cryptiques) ; n’oublions pas que Mariên était un proche de Magritte et qu’il l’a assisté à plusieurs reprises pour trouver les titres de ses tableaux … Les textes en bordure de l’image fonctionnent toujours, chez Mariên, comme un élément crucial pour comprendre la véritable intention ou le véritable message de ses collages ou objets.  En dépit de leur  « premier degré » apparent, nous finissons par deviner les secrets et les messages subliminaux qu’ils véhiculent.  Ainsi nous découvrons le  Mariën réel, un personnage complexe et atypique, sensible maîtrisant une culture époustouflante. 

C’est pourquoi il ressemble à son ami Marcel Broodthaers (un autre virtuose des jeux de mots et des messages cachés). Au premier étage nous découvrons de lui une riche sélection, représentative de toute sa carrière : « Das Recht » (1972), « Signature », « Le Souris écrit Rat » (1974), « Ein Eisenbahnuberfall » (1972).  Les influences littéraires sont omniprésentes dans son œuvre – car Broodthaers était un poète avant qu’il ne s’autoproclame « artiste visuel ».  Il n’en reste pas moins vrai que ses pièces réalisées comme artiste plastique peuvent être définies comme d’authentiques « poèmes visuels ».

Ce goût pour la littérature, les messages cryptés et la poésie, nous le trouvons aussi dans le travail de Marcel Duchamp, présenté dans la même salle.  Il s’agit d’abord de la série complète des dessins préparatoires pour son premier « chef d’œuvre » : Le Grand  Verre.  Grâce à divers objets, photos et éditions rares (comme la célèbre « Boite Alerte ») nous comprenons les stratégies qu’il déploie pour créer  un univers spécifique, lequel s’opposait à toutes les lois et normes de l’art de son temps.

Enfin, dans une petite salle intime – au milieu de l’escalier -  nous découvrons le travail d’un artiste belge francophone,  Marcel Van de Weyer, lequel apparaît comme une espèce de Facteur Cheval contemporain. En effet, ses objets (des boites) et ses collages « à la Mesens »  rappellent le goût bizarre caractéristique de l’art brut ou de l’« outsider art ».  

Pour terminer j’aimerais reprendre le mot d’introduction écrite du directeur de WARP, Stef Van Bellingen : Cinq artistes avec leur prénom comme liant commun. « Les Marcels » est une exposition avec des œuvres de Duchamp , Mariën, Broodthaers, Maeyer et Vandeweyer. Nomen est omen ? Dans les vers de Virgile, le héros Enée voit les âmes des hommes célèbres à naître. « Tu Marcellus eris » (ou : tu seras Marcellus) est la formule adressée à celui dont on attend beaucoup ».

Hilde Teerlinck vous recommande  vivement de visiter cette présentation surprenante, qui est ouvert les weekends (samedi/dimanche) de 14h à 18h ou sur rendez-vous (www.warp-art.be).  

Adresse : Apostelstraat 20, 9100 Sint-Niklaas (Belgique)   

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