C’est que le temps paraît suspendu, sous des cieux favorables, à des âges où tout est fait et reste à faire... A l’abri d’une tonnelle flottant délicatement au vent convoyant les voiles aux itinéraires singuliers, les identités se croisent, paisibles ou animées, urbaines ou campagnardes, couvertes d’un haut de forme ou de paille… Moins un entre-soi qu’une voluptueuse mêlée née des envols du siècle. Et derrière un frétillement végétal et autour de tables en sublime nature morte, linges au blanc étincelant, verreries fines, bouteilles généreuses, tonnelet et fruits avouent, tant l’éventail des nectars qu’un Bacchus sage.
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Devinerait-on enjeux et projections ?
Sous le regard du maître des lieux, le père (ou fils) Fournaise, dont on se demande s’il est là car on est chez lui, Aline, compagne de l’artiste, qui dodeline, insouciante, alors qu’appuyée sur la rampe, spectacle face au spectacle, Alphonsine Fournaise se livre, ou si peu, au baron Raoul Barbier. A droite, autre des portraits féminins les plus distingués, l’actrice Ellen André, aux yeux pétillants, oscille entre un Gustave Caillebotte à califourchon et libre comme l’air, en artiste émancipé par l’héritage, et Maggiollo, directeur du journal Le Triboulet, en dandy couvrant de sa discrète mais sûre envergure la belle, leurs doigts déjà alignés. Au cœur de l’étroite composition, le modèle Angèle cède au verre, scrutée par Renoir dont on dit qu’il est quatorzième pour ne pas faire Cène, lorsque l’actrice Jeanne Samary, sous le noir de sa coiffure et de ses mains gantées, semble la proie du journaliste Paul Lhote et du fonctionnaire Lestringuez. Puis, abordé par le financier et éditeur Ephrussi, le poète Jules Laforgue qui pourrait nous voir, nous élever…
Le bonheur et ses accès ?