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Billet de blog 4 mai 2018

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En grève, ou l’Histoire universelle

Quand en 1889, année d’un centenaire célébré par une tour d’acier riveté, Paul Gondrexon révèle sa Grève, sait-il le potentiel universel de sa toile ? Car le quinquennat présent lui redonne toute son acuité au point de pouvoir l'associer à un autre coup de génie, soit l'atemporel Tres de Mayo de l’Espagnol Goya.

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Terrible suspension du temps que celle de la grève ! Seul, le poing ferme posé sur une table nue, un prolétaire supposé ardoisier, au seuil d’une longue journée de labeur… qui ne sera pas. Sans même occupation de site, ni manifestation sous le regard renfrogné de la troupe et dans des rues aux volets clos, enfumées voire maculées de sang. Seul donc, les yeux dilatés, dans le noir, insensible aux pleurs étouffés d’une enfant pétrifiée, scruté par la mère, résignée mais aimante car mère toujours, et par l’épouse, affligée sans doute, accablée peut-être, mais nécessairement debout, un bambin blotti contre elle et s'extrayant de la scène. Et l’on dit l’artiste dépourvu de fibre sociale…

Illustration 1

Tentons une lecture.

Si le poing affirme la colère contenue, le regard à peine perceptible signifie bien la raclée, la défaite, le néant. Puis, attiré par la lumière, on balance de gauche à droite, de l’énergie toujours ou encore (le lit que l’on vient de quitter, caressé par le soleil levant) à l’obscurité et à l’anéantissement, en passant par le silence pressant ou sacré des dames, élégantes, et à l’élan interrompu de l’enfant ailée (l’écharpe nouée derrière les épaules). Dans une pièce à vivre dépouillée et aux murs épais, peu ou non chauffée (couvet et vêtements additionnés) dans ce foyer censé être sa fierté, l’ouvrier dit l’impasse qui est désormais la sienne et emportant les siens : la grève, légale depuis 1864, est au présent aussi évidente que vaine, humiliante, ravageuse ! Émile Zola, dans Germinal, en 1885, quatre ans plus tôt donc, en dit autant…

Or, ne faut-il chercher ici que colère et défaite ? Suivons donc les lignes directrices, celles du plancher menant à la façade éclairée et à sa fenêtre garnie, elle, de rideaux immaculés. Il s’agit alors de franchir des vantaux quadrillés qui disent la réclusion, contre lesquels persévère une plante qui n’est peut-être pas si chétive et malingre qu’il n’y paraît. Il y a enfin un journal, luminescent… Est-ce la jeune République ? Celle des lois relatives à la presse et à l’école, et, nous le savons, en passe d’engendrer une législation… sociale ? Émancipation.

Et Germinal.

Alors, ni éthylisme ni déchéance des classes laborieuses, encore moins populace dangereuse… Mais de ces parenthèses rares, taraudantes et silencieuses, qui font émerger du monceau d’humiliations, de privations et d’insultes subies, l’énergie du refus, l’énergie de l’insoumission, l’énergie de la dignité retrouvée. Et s'il y a un être qui sait déjà, n'est-ce pas l'ancienne, qui attend ? Et que sait l'enfant ? Que son père est un homme bon.

Ainsi, si Francisco de Goya maudit à jamais armes et militaires, que semble dire Paul Gondrexon aux ultralibéraux d’aujourd’hui qui règnent et font pour défaire ?

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