Ainsi, la Restauration monarchique des années 1815-1830 et la révolution qui y met un terme...
Agrandissement : Illustration 1
La liberté guidant le peuple, Eugène Delacroix, 1830 - Paris, Musée du Louvre
Très vite on s’emmêle lorsqu’il s’agit d’identifier la dame au drapé antique brandissant le drapeau de 1789. La période envisagée est tourmentée, issue du maelstrom des années révolutionnaires et aux Lumières souillées par la trahison que sont le suffrage censitaire, la guerre puis la confiscation culminant avec la chape rouge pourpre d’un Empire (1804-1815).
Et c’est le mot d’un pédagogue confident et amoureux des classes qui s’impose : « Nous dirons à nos jeunes gens que si Louis XVIII (1815-1824) a un problème aux jambes, Charles X (1824-1830) son frère, en a un à la tête ». Car si l’aîné restaure le drapeau blanc, neutralisé par son poids et posé sur le trône par les vainqueurs des armées napoléoniennes, il se fait conciliant, discret. Or Charles X, réactionnaire et justicier, ose le sacre (on aurait, à Saint-Denis, retrouvé des gouttes de la sainte Ampoule brisée sous la Terreur…) et fait notamment indemniser les nobles dépouillés pour avoir grossi les rangs ennemis sous la révolution. Et c’est échauffés par les cris des ouvriers-typographes du journal Le temps, dont les presses insoumises viennent d’être saccagées par les "forces de l'ordre", que les Parisiens dressent des barricades de pavés, planches, tonneaux et mobilier sacrifié. Et le roi abdique.
Or pourquoi pas, après les trois Glorieuses, soit les 27, 28 et 29 juillet 1830, La liberté guidant le peuple et non La liberté triomphant ?
Oui, le peuple est bien là, incarné par l’ouvrier sabre levé, le bourgeois au chapeau haut de forme et le paysan à la blouse bleue. Mais si les deux premiers avancent, hésitants, l’agonisant jette un dernier regard sur l’idéal de liberté avant de rejoindre, dans les nimbes, l’indigent dénudé et frêle, ainsi que les soldats de l’armée royale dont les visages tendres disent leur qualité de victimes aussi.
Dès lors, si un jeune garçon combattif et sûr de lui côtoie de si près l’allégorie au sein nourricier, le Gavroche de Victor Hugo, c’est que Delacroix pense à un triomphe différé. Et il n’a pas tort. La « poissarde » sera vite décrochée des murs du Musée Royal, Louis-Philippe Ier (1830-1848), monarque imposé afin d’éviter la proclamation d’une IIe République, s’empressant de faire oublier sa « couronne de pavés » dont se moquent les cours étrangères.
Le suffrage universel comme la République peineront donc à émerger. Paris, salué ici par Notre-Dame dans un angle imaginaire, verra d’autres tempêtes noircir puis dégager le ciel, et l’on pense aux chômeurs massacrés en 1848 par une République détournée (Louis-Philippe, réfugié au Royaume-Uni, venait d'être invité à aller se « faire pendre ailleurs ! ») ou aux Communards tassés dans leurs cercueils infâmes en 1871.
Et depuis ? Le sang coule-t-il toujours pour un manque d’intelligence ? Et de cœur ? D’intelligence seulement. Car le cœur est l’intelligence. Car l’intelligence vouée à la prédation et au despotisme n’est pas intelligence. Et n’est que bêtise et crime.
Être aux responsabilités est s'appliquer à rendre improbable le sang qui coule dans la rue. Non pas en terrassant avec une fougue dénoncée par Goin dans L’État matraquant la liberté, mais animé des idéaux de Liberté, d’Égalité et de Fraternité.